Le Mans : une nuit dans une tranchée pour des collégiens en rupture

C'est reparti comme en 14 dans un collège du Mans, où une prof d'histoire fait passer la nuit de lundi à mardi à des élèves en rupture avec l'enseignement traditionnel dans une tranchée qu'ils ont creusée eux-mêmes, afin de les plonger à cent ans de distance dans le quotidien des poilus.

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A la nuit tombée, sous une pluie fine et à peine 7 degrés au thermomètre, Erwan, Manon et Lucas montent la garde avec des fusils en bois, planqués derrière des sacs de sable qui protègent leur petite tranchée creusée dans la cour du collège expérimental Anne Frank. Avec ses échelles, sa lanterne faiblarde et son sol recouvert de planches, l'ouvrage semble tout droit sorti du premier conflit mondial; il faut dire qu'Anne-Claire Guillaume, l'enseignante à l'origine du projet, s'est efforcée de respecter les dimensions de la tranchée standard: 1,60 mètre de profondeur pour 90 cm de large.


Par petits groupes, la vingtaine d'élèves de troisième doit monter la garde jusqu'à l'aube par tranches d'une heure et demie. Pour mettre leur vigilance à l'épreuve, le corps enseignant lance de temps en temps des assauts, vaillamment déjoués par les défenseurs, malgré l'obscurité.

"Anne-Claire, j'ai envie de faire pipi", lance une voix de fille. "Attends la relève", répond la prof intransigeante, qui se réjouit de voir la pluie tomber : "plus c'est pire, mieux c'est" pour recréer le vécu des soldats de la Grande Guerre. Pour recréer l'ambiance, la vaillante prof d'histoire et de français a été jusqu'à cuire elle-même du pain noir et une soupe à base de lentilles, mais sans sel, calquée sur une recette pour poilus. "Qu'est-ce que vous pensez du repas?" demande-t-elle à ses ouailles. La réponse fuse comme un obus: "c'est dégueulasse".

A "l'arrière", bien au chaud dans une salle de classe, le reste des élèves attend de monter au front allongé sur de la paille. "Embrasse-moi petite chérie, je rentrerai bien vite à la maison", chantent trois garçons, à qui "la Strasbourgeoise" a été enseignée comme "la Madelon" et d'autres tubes des poilus.

La composition du gaz moutarde​

Le projet, monté en quelques semaines, enthousiasme ces élèves "un peu fâchés avec l'enseignement ordinaire" et qui pour beaucoup seraient déscolarisés sans cet établissement, comme l'explique le principal, Jeany Perrin.  "Cette tranchée, c'est une illustration de ce qu'on a envie de faire, des projets en prise avec la vie réelle", explique-t-il.

Dans ce collège de 60 élèves, "sans notes, sans sanctions, sans punitions", les collégiens "ne savaient rien de la guerre, on démarrait de rien, la plupart n'avaient jamais entendu parler des poilus", témoigne Anne-Claire Guillaume.
L'expérience a finalement été pour eux "multidisciplinaire" : histoire bien sûr, mais aussi maths (combien de sacs nécessaires pour évacuer la terre), français
(étude de lettres de poilus) et même chimie (la composition du gaz moutarde).

Melinda, une élève qui vient de quitter l'enseignement traditionnel, approuve la méthode: "On apprend plus de choses comme ça qu'à s'ennuyer en cours".
Le projet a aussi permis de créer du lien entre les collégiens et de leur apprendre à s'autogérer, comme en témoigne Gaëtan, un costaud qui a commandé la construction de la tranchée. "Certains ont été difficiles à motiver", raconte-t-il.

En pleine polémique sur la suppression des notes à l'école, les élèves seront évalués lorsqu'ils feront visiter leur oeuvre à des personnes extérieures au collège.
Un peu comme des guides, ils devront présenter leur travail en utilisant leurs connaissances de la guerre de 14.

Pas très chaud pour éventrer la cour du collège, le Conseil général de la Sarthe a stoppé le creusement de la tranchée, qui ne mesure que quatre mètres de long.
Anne-Claire  Guillaume a aussi dû renoncer à commander des uniformes et a refusé une offre d'agriculteurs qui lui proposaient des rats morts pour ajouter une touche d'authenticité au décor de la tranchée.

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