Alors que la justice examine aujourd'hui la demande de liquidation de MoryGlobal (ex-Mory Ducros), les salariés, sans grand espoir quant à leur avenir dans l'entreprise, mènent une opération escargot sur le périphérique nantais.
La justice examine mardi lors d'une audience sans grand suspense en l'absence de projet de reprise pour le transporteur aux 2.150 salariés, bientôt licenciés pour motifs économiques.Une audience à huis clos est prévue à 14h30 au tribunal de commerce de Bobigny (Seine-Saint-Denis), lequel avait placé la société en redressement le 10 février, avec une période d'observation de six mois.
La liquidation sera prononcée mardi ou la décision mise en délibéré. Mais la seconde option ne ferait que retarder l'inéluctable pour une société ayant subi en 2014 une perte nette de 43 millions d'euros.
Une entreprise en liquidation judiciaire doit immédiatement cesser son activité, sauf si le tribunal accorde un sursis de trois mois, renouvelable une fois.
En outre, les contrats de travail sont rompus dans les 21 jours qui suivent le jugement prononçant la liquidation, lorsqu'est prévu un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), ce qui sera le cas pour MoryGlobal.
Résignés depuis le retrait de la principale offre de reprise, qui concernait 141 personnes, les salariés n'attendent "pas grand chose" du tribunal de Bobigny, "parce qu'on va être liquidé, on le sait depuis longtemps", soupire Michel Ariba, de Force ouvrière.
"Tout est déjà prêt, il n'y a plus qu'à appuyer sur le bouton" et le couperet tombera sur les 2.150 employés, "roulés dans la farine" par Arcole Industries, l'actuel actionnaire et ancien propriétaire de Mory Ducros, ajoute-t-il.
En 2014, la faillite du numéro deux français du transport routier de colis avait mis près de 2.900 personnes au chômage, constituant ainsi l'une des plus lourdes socialement depuis celle de Moulinex en 2001.
"Pendant un an, on nous a dit "faites des efforts, faites des efforts". Les salariés se sont pliés en quatre pour travailler dur, pour en fin de compte arriver au même point" que "les collègues de l'année dernière", se lamente le syndicaliste.
Actionnaire "désintéressé"
La liquidation ne faisant guère de doute, les salariés occupent désormais les 49 agences détenues par MoryGlobal pour obtenir un PSE équivalent à celui de Mory Ducros, explique Michel Ariba. Sous la pression du gouvernement, l'actionnaire avait consenti aux licenciés une enveloppe de 30 millions d'euros en plus du minimum légal.Pour l'heure, Arcole Industries est aux abonnés absents, selon les syndicats, qui affirment qu'aucune indemnité supplémentaire de licenciement n'est envisagée.
Selon eux, seuls 3 millions d'euros seraient prévus pour les mesures d'accompagnement (congés de reclassement, budget formation, etc.).
Jeudi dernier, à l'issue d'une rencontre avec les représentants du personnel, l'Etat a sommé Arcole Industries "d'assumer ses responsabilités d'actionnaire et de contribuer au financement du PSE", accusant le groupe de ne pas avoir "redressé l'entreprise, en dépit du soutien sans précédent apporté par les pouvoirs publics".
En février 2014, l'Etat avait accordé à la société un prêt de 17,5 millions d'euros, au titre du Fonds de développement économique et social (FDES), une aide publique qui fait l'objet d'une enquête de la Commission européenne.
Dans un jugement d'une rare sévérité, que l'AFP a pu consulter, le tribunal de commerce de Pontoise a constaté un an plus tard que "l'actionnaire principal a semblé se désintéresser du projet de restructuration de la société MoryGlobal et de sa pérennité", ne donnant aucun "signe suffisant d'implication".
Pire, il "s'est lui-même mis en difficulté" en prélevant 7,5 millions d'euros de la trésorerie de MoryGlobal pour financer le PSE de Mory
Ducros, s'étonnent les juges, évoquant un "acte de gestion anormal" et un plan de cession "défectueux dès l'origine".
Les syndicats exigent que la vente des actifs du groupe serve en priorité au financement de leur plan social.
"La poursuite de la mobilisation s'impose, et en particulier l'occupation des sites qui sont, avec les autres actifs (marchandise, véhicules, etc.), notre seule monnaie d'échange pouvant peser dans la négociation", prévient la CGT.