Ce sont les grandes oubliées du plan de déconfinement en 4 étapes présenté par Emmanuel Macron. Les boites de nuit n’ouvriront pas au 30 juin, contrairement à d’autres salles de spectacles ou lieux culturels. Incompréhension et colère des patrons qui prédisent des fermetures.
Le département de Loire-Atlantique compte une quarantaine de discothèques.
Elles sont toutes fermées depuis le 14 mars 2020.
Et certaines dans une situation financière très compliquée.
De la plus grande à l’une des plus petites
A Nantes, le Warehouse est la plus grande discothèque de l'ouest.
Son immense bâtiment situé sur l'Ile de Nantes, à deux pas de l'Eléphant, peut accueillir jusqu'à 2 600 fêtards simultanément.
Le Warhouse revendique 300 000 visiteurs par an, grâce notamment à la venue de la crème des DJ's internationaux.
Depuis sa fermeture, les propriétaires doivent régler le loyer mensuel de 55 000 euros et des charges fixes qu’ils estiment à 70 000 euros mensuels.
Grâce aux nouvelles aides de décembre 2020 indexées sur un pourcentage du chiffre d'affaires de l'année passée, ses codirigeants peuvent faire face mais de plus en plus difficilement.
Le Warehouse a même fait appel en début d’année à un appel aux dons.
Un coup de poignard
Simon Boisson l'un des deux co-gérants du Warehouse ne décolère pas face aux dernières annonces d'Emmanuel Macron.
"On ne s'attendait pas à rouvrir au mois de juin car on a appris à être pessimiste depuis le début de cette crise" explique-t-il.
"Mais ce qu'on vit comme un coup de poignard dans le dos, c'est de ne pas avoir de date de réouverture pour redémarrer nos activités, c'est terrible" conclut Simon Boisson.
Le gérant du Warehouse évoque aussi la remise en route nécessaire de leur établissement fermé depuis maintenant un an et demi.
"Il y a aussi la perte de savoir-faire" détaille Simon Boisson, "on voit nos équipes nous quitter car ils ont pris d'autres postes depuis maintenant six mois et leurs CDD se transforment en CDI".
"On va devoir recruter et former de nouveaux personnels et refaire également toute la programmation artistique en sachant que nous arrivons après le reste de l'Europe et du monde"
Ce qui m'interpelle c'est qu'on laisse les salles de spectacles rouvrir alors que nous, on nous laisse fermés. Pourtant je considère qu'on fait le même métier.
Des fermetures inévitables
A quelques dizaines de mètres seulement de ce mastodonte de la nuit et situé également sur l’Ile de Nantes, le Floride fait figure de minuscule boite de nuit avec ses 300 personnes maximum.
Pourtant l’adresse est un incontournable du monde de la nuit depuis plus de 40 ans.
Son emblématique patron Victor Abitbul explique également "je pense qu'on ne rouvrira pas avant le mois de septembre sauf miracle".
Et d'indiquer que "Le Floride est toujours vivant grâce aux aides".
Pour survivre le Floride avait d’ailleurs organisé récemment des concerts en ligne.
La discothèque Le Floride prévoit de refaire cette soirée de concert en ligne gratuit le dimanche 9 mai à partir de 17h.
Tous les détails sont ici.
Reste que ce type d'évènements à distance n'est pas vraiment l'ADN d'un endroit comme le Floride, dont le patron reconnait qu'il est l'endroit par excellence de la proximité "des rencontres par excellence".
"Une boite de nuit c'est fait pour parler, pour bouger, pour danser" détaille Victor "c'est normal qu'on soit les derniers à rouvrir".
L'absence de perspective de date de réouverture précise crée une déséquilibre financier important pour beaucoup d'établissements de nuit regrette toutefois ce connaisseur expérimenté du milieu.
Il y aura des dégâts c'est sûr malheureusement
Et Victor de pointer aussi d'autres difficultés à venir.
"Mon interrogation ça va être au moment de la réouverture" analyse Victor Abitbul.
"Si on nous impose une jauge par exemple à 50% là ça sera injouable".
Au Floride la capacité d'accueil maximum est de 300 personnes dans l'établissement.
"Si on nous limite à pas plus de 150, ca sera impossible pour nous de tenir" prédit le patron du Floride "et au bout de quelques mois on devra fermer".
"Parce que les frais sont énormes, beaucoup plus qu'un bar ou qu'un restaurant : il y a notamment les assurances et surtout la SACEM qu'on doit payer chaque mois (les boites de nuit reversent à la société des droits d'auteur la SACEM des taxes pour pouvoir passer de la musique dans leurs établissements, NDLR)".
Une concurrence déloyale cet été
Christian Jouny est le propriétaire de 3 boites de nuit en Loire-Atlantique, deux à Guérande et une à Missillac.
C'est aussi lui qui conduit la délégation du Syndicat National des Discothèques et Lieux de loisirs (SNDLL) auprès des pouvoirs publics.
Il pointe aussi une polémique estivale à venir avec la tenue possible de soirées musicales hors des discothèques.
"Les bars à ambiance musicale auront une perspective d'ouverture cet été" détaille Christian Jouny.
"Il semblerait que les rassemblements de 1000 personnes soient aussi autorisés et les mariages en intérieur jusqu'à 800 personnes" ajoute-t-il.
"Tout cela est franchement incompréhensible" lâche le délégué régional du Syndicat National des Discothèques et Lieux de Loisirs.
"Comment écarter totalement le secteur des discothèques alors que dans tous les cas de figure des rassemblements vont s'opérer, la jeunesse aura besoin de sortir, on l'a vu l'année dernière" prédit Christian Jouny.
Et de faire remarquer l'initiative de certains maires de station balnéaires sur la côte atlantique qui réclament la réouverture des discothèques au 30 juin "afin d'éviter que les plages de leur communes ne se transforment en discothèque géante".
En Loire-Atlantique c'est le cas du maire de La Baule.
Ouvrons les établissements de nuit dès le 30 juin : un enjeu sanitaire, économique, social et de sécurité !
— Franck LOUVRIER (@franck_louvrier) May 2, 2021
-Ouverture avec un «pass sanitaire» et l’installation de purificateurs d’air ;
-Incitera les plus jeunes à se vacciner rapidement ;
-Plages ≠ discothèques à ciel ouvert. pic.twitter.com/liOtRUTFOu
"Toutes les discothèques en Europe sont en train de rouvrir" assène Christian Jouny.
"Soit la jeunesse ira à l'étranger pour s'amuser cet été, soit elle le fera en France de manière inorganisée et inopinée dans un certain nombre d'endroits"
Pour le délégué régional du Syndicat National des Discothèques et Lieux de Loisirs une "réouverture des discothèques pour le début du mois de juillet est tout à fait envisageable car la vaccination jouera son rôle".
Lors d'une réunion mercredi 5 mai avec Alain Griset le Ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises ce dernier a indiqué "qu'il espérait être en mesure au 15 juin de donner une date de réouverture" pour les discothèques selon Christain Jouny qui y assistait.