Cancers pédiatriques à Saint-Pazanne : pas de foyer de cancer en Loire-Atlantique dit l'ARS qui cesse ses investigations

La conclusion a de quoi surprendre. Alors qu'elle avait reconnu en 2019 que le nombre de cancers pédiatriques sur la région de Saint-Pazanne était anormal, l'Agence Régionale de Santé des Pays de la Loire conclut ce mercredi qu'il n'y a pas de "situation singulière" et cesse ses investigations.

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L'annonce ne satisfera sans doute pas les familles concernées. Mais les conclusions de l'enquête menée par l'Agence Régionale de Santé et Santé Publique France se veulent claires : "Sur 14 années de données, nous ne constatons pas de situation singulière en terme de cancer sur le secteur concerné." 

C'est ce qu'a affirmé ce jeudi matin, Lisa King, responsable de la cellule régionale de Santé Publique France en Pays de la Loire. 

Les 16 cas répertoriés par l'ARS de cancer chez des enfants de moins de 18 ans entre 2005 et 2018 sur le secteur de Saint-Pazanne ne constituent pas ce que l'on a appelé un "cluster" de cancers pédiatriques.
 

80 000 analyses

L'ARS revoit aujourd'hui son vocabulaire et parle de "suspicion" de cluster. 

Après avoir réalisé 80 000 analyses environnementales, prélevé 600 échantillons et mobilisé selon ses propres mots "des dizaines d'experts régionaux et nationaux", l'Agence Régionale de Santé des Pays de la Loire annonce n'avoir trouvé aucun point commun ou explication à ces cas pourtant géographiquement et temporellement rapprochés.

L'ARS parle d'une répartition "homogène" sur la Loire-Atlantique qui compte 35 à 50 cas de cancers pédiatriques par an, 571 entre 2005 et 2018, chez des enfants de 0 à 14 ans .

 
Bien conscient que ces conclusions ne peuvent pas répondre aux questions des familles concernées, Jean-Jacques Coiplet, le directeur de l'Agence Régionale de Santé des Pays de la Loire précise qu'une "veille" va se poursuivre en lien avec les CHU de Nantes et d'Angers.

"Nous continuons d'agir, dit-il, avec le plus grand respect, l'empathie, et l'attention pour les familles touchées. Il y a le cœur mais aussi la raison. La raison c'est d'objectiver, d'argumenter avec des méthodes de travail participatives et transparentes. Il y a eu six comités de suivi, deux réunions publiques, nous n'avons rien caché."

Dans un communiqué, l'ARS refait l'historique de ses recherches et détaille ses investigations tant épidémiologiques qu'environnementales :

"En complément de l’enquête épidémiologique, des investigations environnementales ont été conduites par l’ARS et la DREAL - avec l’appui de plusieurs agences et opérateurs (IRSN, ADEME, SPF, HPC…) - pour repérer d’éventuels dépassements des valeurs de référence et prendre, si nécessaire, des mesures de protection. Plusieurs campagnes ont été menées à partir du mois de juillet 2019 : école Notre-Dame de Lourdes, lotissement construit sur l’ancien site Leduc, logements des enfants atteints de cancer… Des centaines de prélèvements et mesures ont été réalisés dans l’eau, l’air, les sols, les champs électromagnétiques, les rayonnements ionisants…"
 

Une qualité d'air améliorée dans l'école Notre-Dame-de-Lourdes 

Et ce travail, s'il n'a pas permis de trouver un point commun, une raison, une explication scientifique à ces cancers pédiatriques, a conduit cependant à des recommandations comme une meilleure aération des locaux de l'école de Saint-Pazanne, Notre-Dame de Lourdes, où quatre cas avaient été recensés.

L'air y avait été analysé et on avait constaté une qualité dégradée par "la présence de polluants : le radon (issu des formations géologique), le formaldéhyde (émis par les revêtements, le mobilier) et le lindane (en lien avec un traitement de la charpente)."

Travaux et protocoles d'aération ont permis de faire baisser les niveaux de polluants. Les concentrations sont désormais en deçà ou très proches de la valeur de référence, précise l'ARS.

Les champs électromagnétiques ont été mis hors de cause. Des mesures ont été faites lors d'une période de forte consommation électrique. "Ces mesures statiques, dit le rapport, ont été complétées par des mesures individuelles (deux enseignants ont porté des appareils pendant 24h). Dans les deux cas, les valeurs mesurées ne révèlent pas d’exposition dépassant les valeurs guides."

Les logements de 14 familles ont été inspectés, sans révéler de concentrations suspectes. Parfois, des recommandations ont été faites, notamment pour deux parcelles de terrain "il a été recommandé de ne plus les utiliser en potager" a précisé Chantal Gloaguen, directrice déléguée Santé Environnement de l’ARS Pays de la Loire.
 

Des données insuffisantes en 2019

Mais pourquoi ce revirement, pourquoi avoir un temps fait le constat d'une situation inquiétante avec un nombre de cancers pédiatriques anormal pour ensuite revenir sur ce constat et expliquer qu'il n'y a pas de situation singulière ?

Tout est affaire de chiffres et de territoires concernés selon les participants à cette conférence de presse. "Lors de la première évaluation (en novembre 2019) explique Nicolas Durand, directeur général adjoint et Directeur de la Santé publique et environnementale de l’ARS Pays de la Loire, on n'avait pas de données en dehors du secteur où étaient signalés les cas. Par rapport au taux moyen national, on obtenait un résultat plutôt en faveur d'un excès."

Ramenés au niveau départemental, ces chiffres ne montrent semble-t-il plus ce caractère excessif. La situation, si elle demeure intolérable pour les familles concernées et angoissante pour les habitants de Saint-Pazanne, n'aurait donc plus rien de singulier.

Ces investigations n'ont pas été inutiles selon Jean-Jacques Coiplet, le directeur de l'ARS. "Ce qui a été fait est pratiquement inédit, je ne suis pas sûr que dans d'autres territoires, on ait agit avec autant d'engagement... Nous allons poursuivre notre action mais sous une autre forme."

Un contrat local de santé avec des recommandation sera mis en place avec le concours de la communauté d'agglomération Pornic-Pays de Retz et une enquête sur les pesticides va être lancée qui durera un an .

Le collectif "Stop aux cancers de nos enfants" qui lui, a recensé 22 cas dont cinq décès, avait lancé le 16 septembre dernier un appel au Président Macron "pour qu'il protège la santé de nos enfants".

Il est peu probable qu'il accepte les conclusions surprenantes de cette enquête.
 

"J'ai du mal à comprendre ce qui a été fait"

Xavier Derangeon est  père d’enfants, il habite près de Saint-Pazanne, à Saint-Marc-de-Coutais. Ce maître de conférence à l'université de Nantes, spécialiste de l'impact des pesticides sur la santé a mis ses connaissances au service du collectif. 

"Il viennent (les parents concernés) de subir un nouvel affront. J'ai du mal à comprendre ce qui a été fait. Au début, on calculait par communes et maintenant par secteur. Ce qui permet de diviser le cluster qui a été identifié en trois zones donc forcément de diminuer les incidences."

Pour lui, nier l'existence d'un foyer de cancers pédiatriques évite de continuer les investigations avec le coût que cela représente. 

De son côté, le maire de Sainte-Pazanne, Bernard Morilleau,  se dit surpris par le compte-rendu de l'ARS et de Santé Publique France. "Ils relativisent beaucoup la situation, estime-t-il, peut-être de trop. Le fait de dire , on ne va plus chercher parce qu'on n'a rien trouvé,  je ne m'attendais pas à ce positionnement-là. L'important c'est de continuer à travailler sur ce qui se passe sur ce territoire. Nous, on a besoin de comprendre ce qui se passe."

Bernard Morilleau attend maintenant que les moyens soient mis sur la recherche pour lutter contre les cancers pédiatriques mais il compte aussi sur la prévention et le contrat de santé qui doit être mis en place "pour ne pas, dit-il, que ce qui a été observé depuis un an et demi sur ce territoire reste lettre morte. Mettons-nous en action pour améliorer les choses."



 
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