La Commission Européenne doit présenter un projet de réglementation du sel bio d'ici la fin 2022. "Il ne faut pas faire n'importe quoi" prévient le président de l’Association Française des Producteurs de Sel marin de l’Atlantique.
Voilà quelques années déjà que l'Europe discute avec la profession des producteurs de sel d'un label bio pour ce produit naturel mais pas forcément récolté et préparé de la façon la plus bio qui soit.
Contrainte d'intégrer le sel, qui est un aliment, dans sa réglementation du bio, la Commission Européenne doit, d'ici la fin 2022, préciser dans un texte le cadre de ce label bio pour ce produit de la mer, de mines ou de carrières.
Dans ces discussions, on a été un peu le poil à gratter
Christophe AnnaheimPaludier à Guérande
En tant que président de l'association française des producteurs de sel marin de l'Atlantique récolté manuellement, Christophe Annaheim a suivi le travail de la Commission Européenne et apporté le point de vue des paludiers. Ce paludier guérandais veut défendre la philosophie du bio.
"Je n'ai rien contre les sels de mine ou les sels industriels, il en faut pour tout le monde, dit-il. Mais sur le bio, il y a un enjeu. Et si on ne veut pas perdre l'essence même du bio, il ne faut pas faire n'importe quoi !"
Si l'Etat français a su défendre une notion restrictive du label bio pour le sel auprès de l'Europe, il n'en a pas été forcément de même pour d'autres pays. Aucun compromis n'étant ressorti des discussions préalables, la Commission Européenne doit trancher.
C'est important car aujourd'hui, on peut trouver du sel étiqueté bio juste parce qu'il est accompagné d'herbes aromatiques bio et quelque soit la méthode d'extraction.
"Autoriser de telles méthodes pour le sel bio est totalement incohérent"
Or, le sel récolté à la main par les paludiers au nord de la Loire, et les sauniers, au sud, ne représente qu'une petite part de ce qui est consommé. Rien à voir avec le tonnage de ce qui sort à coup de bulldozers des mines ou de l'extraction d'un sel de mer obtenu par une évaporation artificielle.
"Une part importante du sel européen est actuellement produite en chauffant artificiellement de l’eau salée jusqu’à obtenir une cristallisation. La production du sel par évaporation artificielle est la plus énergivore des méthodes de production, justifiant son inscription au registre européen des industries les plus émettrices de carbone. Autoriser de telles méthodes pour le sel bio est totalement incohérent" estime l'Association française des producteurs de sel de l'Atlantique récolté manuellement.
Pour Christophe Annaheim, le texte en gestation à la Commission Européenne "autorise en l'état, tous types de production et on se retrouve (les paludiers) au milieu de tout ça, noyés dans la masse. Il n'y a aucune valorisation du bio. On utilise le bio à des fins de verdissements de pratiques qui n'ont rien de bio. Il faut un bio qui ne dénature pas le produit, où on n'utilise pas des produits chimiques et où on respecte la ressource."
Le paludier guérandais pointe du doigt ces méthodes de "lavage" du sel de façon industrielle qui utilisent de la saumure pour blanchir le sel récolté. "Au final, dit-il, on a un nouveau sel. La composition chimique à l'entrée n'est plus la même à la sortie."
Donner le cap
Le pot de terre contre le pot de fer. Les paludiers ont souvent eu ce sentiment dans cette bataille qui les oppose aux grands groupes.
Le texte attendu pourrait entrer en vigueur en avril 2023.
"Le label AB est et doit rester le fer de lance de la politique européenne en distinguant par ce label les systèmes économiques viables qui sont écologiquement les plus vertueux, afin de donner le cap" alerte l'association des producteurs de sel de l'Atlantique récolté manuellement.