Les propriétaires forestiers contestent l'obligation d'élagage à leurs frais le long des lignes de télécommunications. Une charge trop lourde, alors, de leur point de vue l'enfouissement répondrait à toutes les questions posées par le passage en aérien des fibres optiques.
"En matière de télécommunications et de distribution de l'énergie, la France est un pays du tiers monde avec ses fils électriques aériens partout".
Jean-François de Ramecourt, qui préside Fransylva en Loire-Atlantique (la fédération des forestiers privés), fait remarquer que ces poteaux plantés et ces lignes déroulées au nom du bien collectif, génèrent un entretien coûteux à la charge des propriétaires privés, quand leurs végétaux débordent sur l'espace public. Là où passent les lignes des télécommunications.
"Avec le déploiement de la fibre en aérien sur le territoire des communes, chaque propriétaire riverain reçoit du maire un courrier lui enjoignant de tailler les arbres à proximité immédiate du passage des fibres", dit-il.
On met à la charge d'un propriétaire privé des coûts qui ressortent d'un équipement collectif
Un hectare de terre agricole, une fois les impôts locaux et sur le revenu payés, rapporte entre 20 et 40 € par hectare. Un hectare est bordé par 100m de haies en moyenne. "Pour les élaguer c'est 300 à 400 € à chaque fois. Et si on applique la loi, ce serait deux à trois fois par an".
Obligation légale
Si les départements ont bien la responsabilité de l'installation des réseaux de télécommunications numériques, ils confient le travail à des opérateurs comme Axione Vauban en Loire-Atlantique. C'est une filiale d'Orange.
Robert Mitu le délégué régional d'Orange confirme cette obligation légale d'élagage du débordement des végétaux sur l'espace public. "Ce n'est pas une problématique nouvelle, c'est une continuité, réseau en cuivre ou fibré, l'élagage est essentiel pour protéger nos installations aériennes, il est essentiel que la végétation ne s'approche pas trop du câble. Pour deux raisons, l'accès en sécurité des techniciens, et la protection des installations, contre les chutes de branches durant les tempêtes".
En prévision de l'arrivée de la fibre, les opérateurs demandent que les arbres soient élagués. Certaines communes le font, et si rien ne bouge, l'entreprise en charge des travaux peut le faire avec quelques débordements.
"Autrefois les cantonniers utilisaient des épareurs d'un mètre de large, maintenant ils utilisent des lamiers de cinq ou six mètres de hauts, ils penchent les lames vers l'intérieur des parcelles, et sectionnent le houppier, la partie feuillue des végétaux, ce qui les fait crever en un ou deux ans", déplore Jean-François de Ramecourt.
La législation telle qu'elle existe n'incite pas à l'enfouissement des lignes, celles des télécommunications comme la distribution de l'électricité. Curieusement, elle n'est pas la même dans les deux cas.
L'élagage est strictement à la charge des propriétaires pour les télécommunications, alors qu'il est pris en charge par le distributeur d'énergie Enedis pour l'électricité.
Les élus interpellés
Réglementations, aspects économiques et environnementaux sont à revoir pour Fransylva. Jean-François de Ramecourt interpelle les élus au conseil départemental et conseil régional, ainsi que les députés qui, eux, peuvent faire évoluer la loi.
Appel qui ne semble pas entendu. L'avantage n'est pas aux propriétaires fonciers. "On échange beaucoup avec les élus des zones rurales sur cette question", indique Robert Mitu, "on a formalisé cette question de l'entretien du bord des routes dans une charte avec l'association des maires de France le 24 août 2021, charte qui vise à renforcer l'élagage pour améliorer les services en zone rurale".
Pour diminuer leurs charges et augmenter sensiblement leurs surfaces productives, les propriétaires de parcelles agricoles cultivées suppriment les haies. 45 000 km de haies ont été coupées en 2020 !
"C'est absurde", proteste Jean-François de Ramecourt, "au moment où les questions de biodiversité et d'environnement sont plus cruciales que jamais, le déroulement des nouvelles technologies conduit à une aberration économique et écologique. Alors qu'il suffirait d'enterrer ces lignes".
Entre intérêt collectif et privé, balance entre bénéfice à court et long terme, la question des élagages est sans cesse reposée.
Et Jean-François de Ramecourt de faire remarquer qu'en fonction des "copinages" entre propriétaires et élus, les communes et les opérateurs savent parfois trouver des arrangements, "en s'appuyant sur un point réglementaire visant à préserver des haies remarquables, pour enterrer les lignes et favoriser ainsi tel ou tel propriétaire".