Selon le dernier rapport de l'Insee ; 6 % des actifs ayant un emploi sont considérés comme pauvres en Bretagne et en Pays de la Loire. La plupart d'entre eux sont des couples avec enfants.
Travailler ne met pas nécessairement à l'abri de la pauvreté. C'est ce que montre la dernière étude de l'Insee, publiée ce mardi 3 septembre. À partir de données datant de 2021, l'agence de statistiques révèle que 7,4 % des travailleurs en France métropolitaine sont pauvres.
Un chiffre plus bas dans l'ouest de la France. La Bretagne et les Pays de la Loire comptent à elles deux 162 000 travailleurs vivant au-dessous du seuil de pauvreté. Cela équivaut à 6 % des actifs ayant un emploi sur le territoire.
Les travailleurs pauvres tirent le diable par la queue, ils n'y arrivent pas
Jacques Bernardsecrétaire général du Secours Populaire de Saint-Nazaire
"La différence avec le chiffre national est significative, mais logique puisque ces deux régions sont celles ayant les taux de pauvreté les plus faibles", note Arnaud Fizzala, chef de projets à l'Insee des Pays de la Loire et coauteur du rapport. En effet, 11 % des habitants de la Bretagne et des Pays de la Loire vivent sous le seuil de pauvreté monétaire, contre 14,5 % en France métropolitaine.
Mais les chiffres ne sont pas tout de même pas rassurants. L'inflation est vectrice de pauvreté et les travailleurs pauvres sont les premiers à en pâtir. "Ils tirent le diable par la queue, ils n'y arrivent pas", nous avait confié Jacques Bernard, secrétaire général du Secours Populaire de Saint-Nazaire en février dernier. L'homme accompagne 44 familles relevant des travailleurs pauvres.
Moins de 970 € par mois
Un travailleur est considéré comme pauvre dès lors que son niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. En 2021, année étudiée par l'Insee, celui-ci s'élevait à 1 158 € par mois et par adulte. Il est aujourd'hui évalué à 1 216 euros.
Dans l'ouest, le rapport de l'agence de statistique situe le niveau de vie médian des travailleurs pauvres à moins de 970 € par mois. Ce chiffre est calculé après redistribution, c'est-à-dire en prenant en compte l'apport d'autres revenus, la composition du ménage, les prestations sociales et les impôts directs.
Sans la colocation, je ne donne pas cher de ma peau. Ensemble, on se soutient et ça fait du bien
Marwananimateur en périscolaire et en centres de loisirs
Marwan fait partie de ces actifs pauvres. Animateur en périscolaire et en centres de loisirs, il gagne 650 euros par mois dont plus d'un tiers part directement dans le loyer. Le quasi trentenaire vit dans un petit T3, en colocation avec deux autres personnes en situation de précarité.
"Sans la colocation, je ne donne pas cher de ma peau. Ensemble, on se soutient et ça fait du bien", avait avoué Marwan, lorsque nous l'avions rencontré en février. Pour faire quelques économies, les trois amis ont notamment fait une croix sur l'achat de viande.
"À noter que près de 500 000 travailleurs disposent d'un salaire inférieur au seuil de pauvreté", souligne Arnaud Fizzala. Cela équivaut à un actif sur six et tous seraient considérés comme pauvres s’ils vivaient seuls et n'avaient d’aucun autre apport financier.
Cette étude a été réalisée en collaboration avec le commissaire à la lutte contre la pauvreté des Pays de la Loire, la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités des Pays de la Loire (Dreets) et celle de Bretagne. "Ainsi, le rapport met à disposition des données de cadrage pour établir des politiques publiques aidant les travailleurs pauvres", assure Arnaud Fizzala.
Le co-auteur de l'étude attire notamment l'attention sur les prestations sociales. "Pour 78 % des actifs en situation de pauvreté, la perception d’au moins une prestation sociale ne suffit pas à atteindre un niveau de vie supérieur au seuil de pauvreté", indique-t-il de telle manière que leur revalorisation apparaît comme une piste d'amélioration.
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Le rapport relève également que seuls 57 % des travailleurs pauvres bénéficieraient de la prime d'activité dans l'ouest. "Un chiffre à prendre avec précaution parce que les données actuelles ne permettent pas de déterminer si les travailleurs pauvres ne bénéficiant pas de la prime d’activité pourraient y avoir droit ou non", est-il cependant mentionné.
À l'échelle nationale, des députés assuraient en avril 2024 que près de 40 % des Français éligibles n'avaient pas recours à cette prime. Pour y remédier, un test de versement automatique est prévu pour cet automne dans cinq départements (Pyrénées-Atlantiques, l'Hérault, les Ardennes, l'Aube et les Alpes-Maritimes). S'il est concluant, la mesure pourrait être déployée dans toute la France en 2025.
31 % de couple avec enfants
De façon générale, le rapport montre que, dans l'ouest, les actifs pauvres sont des personnes ayant des parcours professionnels instables ou qui travaillent en temps partiel. Karine, AESH en CDI à raison 26 heures par semaine, a longtemps fait partie de cette deuxième catégorie.
Rencontrée en février, elle nous avait raconté avoir vécu 12 ans sous le seuil de pauvreté. Cette année, c'est la première fois qu'elle le dépasse, très légèrement. "Je suis toujours sur le fil", avait-elle déploré.
La mère de famille raconte faire ses courses la boule au ventre : "Des fois, je sais que la carte ne va pas passer. Alors, il m'arrive de faire des chèques quand je suis à quelques jours avant l'arrivée de ma paye et que je n'ai plus rien sur mon compte. Je passe le chèque et je croise les doigts".
L'étude note également une forte représentation des couples avec enfants parmi ces actifs vivant au-dessous du seuil de pauvreté en Bretagne et en Pays de la Loire. Leur taux s'élève à 31 % et ne comptabilise pas ceux vivant en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) et en zone de revitalisation rurale (ZRR).
Il s'agit d'espaces très concernés par les situations de pauvreté : 13 % de travailleurs pauvres sont locataires en QPV et 11 % vivent ZRR. "Ainsi, les quartiers à proximité des grandes villes de l'ouest et les zones principalement localisées au centre de la Bretagne, ainsi qu’en Mayenne et dans la Sarthe sont les territoires accueillant le plus d'actifs pauvres", précise Arnaud Fizzala.
1 indépendant sur 2 en dessous de la moitié du Smic
Le rapport montre aussi que 17 % des jeunes célibataires et 15 % des personnes de 50 ans et plus sont considérés comme des travailleurs pauvres. "Étudiés dans l'ouest, ces profils ne peuvent pas être élargis à l'échelle de la France", avertit le chef de projets à l'Insee des Pays de la Loire.
Arnaud Fizzala admet pourtant que celui des travailleurs indépendants peut avoir une dimension nationale. Une autre étude de l'Insee indique effectivement que plus d’un indépendant sur dix gagne moins de la moitié du Smic annuel et vit sous le seuil de pauvreté.
Le niveau de vie de certains indépendants n’est pas entièrement comparable à celui des salariés
L'InseeÉtude "En 2021, 162 000 travailleurs pauvres dans l’ouest"
En Bretagne et en Pays de la Loire, ils représentent 13 % des travailleurs pauvres. Rarement bénéficiaire de prestation sociale, un indépendant sur deux disposerait ainsi d'un niveau de vie inférieur à 864 € par mois.
"Le niveau de vie de certains indépendants n’est pas entièrement comparable à celui des salariés", précise toutefois le rapport. Il montre, entre autres, que "ces travailleurs sont plus souvent propriétaires que ceux des autres profils (68 % contre 37 % pour l’ensemble des travailleurs pauvres)".
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