Composée de paléontologues du Muséum d'Histoire Naturelle de Nantes et de collègues du Muséum de Bruxelles, cette expédition a pour but de trouver et de ramener un squelette entier d'allosaure ou de grand sauropode, deux espèces de dinosaure. Le spécimen est destiné à être exposé dans le futur Muséum de Nantes qui doit rouvrir en décembre 2028.
Comme qui dirait, acheter un squelette de dinosaure, ça coûte un bras ! Bien que très apprécié et visité par quelque 190 500 visiteurs en 2023, le Muséum d'Histoire Naturelle de Nantes n'en a pas les moyens.
Sans donner le détail, la direction du muséum évoque "une facture exorbitante hors de portée".
Il est donc apparu plus raisonnable d'aller chercher sur place un exemplaire de ce qui fut l'un des animaux les plus imposants que la Terre ait jamais portés.
Un lieu qui doit rester secret
C'est pourquoi, en cet été 2024, une expédition est partie pour deux mois de fouilles aux États-Unis, sur un site réputé pour être riche en fossiles de dinosaures. Il est absolument interdit de donner les coordonnées géographiques exactes afin d'éviter des pillages, mais on peut préciser que c'est dans le Wyoming. Un État du centre du pays.
Les paléontologues fouillent depuis le mois de juillet et jusqu'à la fin août dans un gisement qu'on appelle "formation de Morisson". Une couche géologique qui date d'il y a environ 150 millions d'années.
Pour précision, la France était, à cette époque-là, quasiment entièrement sous les eaux. On désigne cette période par le nom de "Jurassique supérieur".
Aidés de leurs collègues du Muséum de Bruxelles, les Nantais (ils sont entre 6 et 8 selon les semaines) espèrent mettre au jour un fossile de dinosaure, soit de l'espèce des allosaures, soit des sauropodes.
L'allosaure est un bipède de 8 mètres de long, carnivore, qui se nourrissait notamment de dinosaures herbivores. Dont le sauropode, un quadrupède pouvant atteindre jusqu'à 25 mètres de long.
On ne trouve de tels fossiles exposés en France que dans les muséums de Lyon et de Paris.
Toute la difficulté pour l'équipe nantaise est de trouver le bon fossile, suffisamment grand pour être intéressant, mais pas trop.
"Certains pourraient poser problème pour l'atrium (prévu dans le nouveau muséum), fait remarquer Philippe Guillet, le directeur du muséum. Pas question que la tête soit dans le jardin du muséum et la queue, rue Voltaire !"
De la pelleteuse au couteau à huitre
Si l'équipe nantaise est partie avec une délégation bruxelloise, c'est parce que celle-ci a déjà fouillé sur ce site et travaillé avec les Allemands qui sont sur place depuis une quinzaine d'années. Les Nantais ont négocié de pouvoir emmener le premier exemplaire de grande taille que les équipes trouveront.
Le travail se fera en plusieurs étapes. D'abord un dégagement de la couche supérieure, sans intérêt, au moyen d'une pelleteuse. Ce sont les Allemands qui s'en chargent. Puis le travail se poursuit à la main avec pelles et pioches. Lorsque la zone intéressante est dégagée, la fouille se fait avec des marteaux.
L'outil final, celui que chaque géologue se doit d'avoir en poche, c'est le couteau à huitre.
"C'est l'outil adapté à ce genre de chose, témoigne Philippe Guillet, Il permet d'enlever la couche d'argile autour des os."
"C'est physique et assez éprouvant"
Philippe Guillet rentre tout juste du Wyoming où il faisait partie de la première équipe en juillet. Il y retournera mi-août.
"C'est physique et assez éprouvant, dit-il. Il fait 30 à 35° à l'ombre. On travaille sous le soleil et dans la poussière."
Et parfois la météo s'en mêle et défait le travail accumulé par les géologues.
"C'est une zone montagneuse à 1 500 mètres d'altitude, explique Philippe Guillet, Des orages arrivent à passer et avec la pluie, les argiles se diluent et tendent à recouvrir ce qui a été fait."
Protégés par des sédiments
L'équipe a identifié deux sites. Sur le premier, le site A, elle a trouvé un grand sauropode. Mais il manque la tête.
"On a décidé d'aller 100 mètres plus loin (sur le site B), raconte Philippe Guillet, là où, actuellement, des dégagements sont en cours. Un camarasaurus (végétarien) sera dégagé dans les semaines qui viennent."
Ce spécimen ne poussait pas des cocoricos, mais l'équipe nantaise qui l'a découvert, si ! C'était le 14 juillet !
Si la zone des recherches est si riche en fossiles, c'est parce que nombre de cadavres y ont été ensevelis lors des inondations du Jurassique supérieur, sans avoir été détériorés par des charognards. Les fossiles s'y trouvent conservés dans leur gangue faite de sédiments, non pas à plat, mais en "3D". Ce qui facile leur reconstitution.
Deux ans de travail en laboratoire
L'équipe du Muséum d'Histoire Naturelle de Nantes y retournera l'été 2025 pour poursuivre ce travail. Chaque pièce de squelette dégagée doit être protégée dans un cocon de plâtre avant d'être expédiée. Ce sera ensuite un laboratoire spécialisé qui procèdera au nettoyage des éléments après avoir enlevé le cocon de plâtre.
"Il faudra deux ans de travail en laboratoire et ensuite, il y aura le montage pour assembler les ossements et reconstituer l'animal", précise Dominique Guillet.
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Si ces fouilles paléontologiques, financées par Nantes Métropole, ont été possibles, c'est parce qu'elles se situent sur un terrain privé et qu'aux États-Unis, contrairement à la France, le propriétaire d'un terrain est également propriétaire du sous-sol. Il recevra une rétribution.
"Si on avait été sur un terrain fédéral, explique Philippe Guillet, on n'aurait pas pu."
Une précision que tient à apporter le directeur du Muséum de Nantes : "On ne pille pas, ce sont des zones immenses où il y a des quantités de fossiles. C'est un patrimoine qui va être étudié scientifiquement."
Le fruit de ces recherches, allosaure ou sauropode, sera exposé dans le nouveau Muséum d'Histoire Naturelle de Nantes. L'actuel doit fermer courant 2025 pour ne rouvrir que fin 2028, à la fin des travaux de rénovation.
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