Cela fait des mois, des années même que les magistrats nantais dénoncent le manque de moyens de la justice dans l’agglomération. Le Procureur et Président du Tribunal judiciaire de Nantes l’ont à nouveau rappelé ce lundi. Ils réclament plus de moyens et mettent en œuvre des solutions pour juger aussi bien, mais plus vite.
Il faut aujourd’hui en moyenne 15 mois à Nantes pour décider d’une pension alimentaire ou d’une garde d’enfant. Parfois 4 ou 5 ans pour juger une affaire de violence, de trafic de stupéfiant, d’agression sexuelle.
Insupportable, et pourtant les magistrats, les justiciables les supportent, les subissent ces délais, liés à un manque de personnel et à une population en forte hausse (+9 000 habitants par an dans la métropole nantaise).
24 magistrats de plus demandés à Nantes
La Justice en France est pauvre : on compte 11 juges pour 100 000 habitants, alors que la moyenne européenne est de 21, et de 24 en Allemagne.
Et Nantes est dans une situation encore plus dégradée : il faudrait 186 magistrats, le Tribunal n’en compte que… 51 !
"Nous sommes dans une situation les plus dégradées de France" reconnaît Renaud Gaudeul, le Procureur de la République de Nantes.
Un document publié par la conférence des présidents de Tribunaux judiciaires énonce des demandes à minima au ministère de la Justice, pour répondre à l’urgence.
Pour Nantes, ce sont 24 créations de postes de magistrats qui sont considérés comme indispensables pour juger convenablement, et autant de greffiers et personnels de justice.
"Ce ne sont pas des postes de confort, mais des créations nécessaires" rappelle le Président du Tribunal Judiciaire, Franck Bielitzki. Eric Dupond-Moretti, le Garde des Sceaux, a le document entre les mains…
Mais la période électorale n’est pas propice à des prises de décision rapides. Alors, pour l’instant, ce sont des contractuels, recrutés pour un ou trois ans, qui renforcent les effectifs, mais en nombre insuffisant, une quinzaine actuellement.
Heureusement, la vague Omicron, qui a beaucoup touché les personnels du Palais de justice, a entrainé peu de reports d’audience grâce à des réorganisations en interne. Deux audiences pénales seulement ont dû être reportées, de plusieurs mois.
Des moyens en plus… Et d’autres peines, plus rapides
Mais au-delà des demandes de créations de poste, il y a aussi des possibilités de faire mieux fonctionner la justice, comme l’explique Franck Bielitzki.
"Nous ne sommes pas là à demander seulement des effectifs. Nous tentons aussi de trouver des solutions pour dégager des marges de manœuvre". Par exemple, développer les CRPC (Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité) et les alternatives aux poursuites.
Des sanctions et des peines immédiatement décidées après la garde à vue. Pas d’audience alors des mois plus tard, et des peines exécutées dans les jours qui suivent sous forme par exemple de travaux d’intérêt général.
Et il y urgence à agir sur les deux fronts. Car, en deux ans, entre 2019 et 2021, le nombre d’affaires à traiter au tribunal judiciaire de Nantes a augmenté de 10%. Une des priorités est la lutte contre le trafic de stupéfiants, en accentuant les contrôles des usagers (761 ont eu une amende de 200€ l’an dernier pour consommation de cannabis) et de plus se concentrer sur les points de deal.
"L’objectif c’est de les entraver, de continuer à gêner les trafiquants suffisamment pour les dissuader" . explique le Procureur, réaliste malgré tout sur l’ampleur du trafic, "On ne se fait pas d’illusions. Il n’y a pas moins de points de deal aujourd’hui sur la Métropole qu’en septembre".