Le delphinarium de Planète sauvage, à Port-Saint-Père (Loire-Atlantique), a rendu publique le 4 février la naissance de deux dauphins au sein de la structure. Les opposants aux delphinariums dénoncent un coup de communication qui intervient alors que ces lieux de captivité sont censés progressivement disparaître d'ici 2027.
Les bassins de Planète sauvage comptent depuis quelques mois deux résidents supplémentaires. Sur ses réseaux sociaux, le parc a annoncé la naissance d'une femelle, Pili, et d'un mâle, Yaqu, respectivement en septembre et octobre 2022.
"Pili est vue comme une petite fonceuse par les soigneurs. Yaqu, lui, est plus réservé et reste très proche de sa mère," affirme Planète sauvage sur sa publication, relayée sur sa page Facebook une semaine avant l'ouverture saisonnière.
Et la fin de la captivité ?
L'heureuse nouvelle fait néanmoins grincer des dents chez les opposants de ces lieux de captivité, notamment chez One Voice et PETA. Pili et Yaku voient en effet le jour alors que le gouvernement a acté la disparition progressive des delphinariums d'ici 2027.
On comprend cette nouvelle d'un point de vue économique - c'est un bon coup de com' avant l'ouverture de la saison - mais il semble qu'on ne prend pas en compte le fait que la captivité de ses animaux devra bientôt prendre fin.
Anissa Putoisporte-parole de PETA France
"Ces bébés ne vont pas vivre une vie qui mérite d'être vécue. (...) Ils n'ont aucun avenir, si ce n'est de grandir entre les parois de bassins, dans un univers totalement aseptisé et vide, où on s'ennuie, assure Murielle Arnal, présidente de One Voice. De plus, il y a cette promiscuité, ce confinement avec beaucoup d'individus, notamment une majorité de mâles. Ces derniers sont agressifs à cause de la captivité et les conditions de stress qu'elle engendre."
"C'est un procès d'intention, répond Martin Boye, directeur scientifique de Planète sauvage. En fait, toute recherche se nourrit du terrain, où on va observer, se poser des questions auxquelles on ne peut pas forcément répondre. Et on compare avec ce que, nous, avons observé au quotidien. C'est la combinaison des deux qui permet d'avancer."
La plupart des choses qu'on sait sur la communication des dauphins, ça vient de structures comme la nôtre. En mer, on n'arrive à savoir que peu de choses. (...) Plus on a de connaissances, mieux on pourra les protéger.
Martin BoyeDirecteur scientifique de Planète sauvage
Promulguée fin 2021, la loi visant à lutter contre la maltraitance animale est censée mettre fin aux spectacles de dauphins et d'orques dans un délai de cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi. Aujourd'hui, Planète sauvage est le seul site de ce genre à subsister en France avec Marineland à Antibes (Alpes-Maritimes).
L'exception scientifique
Un article de cette loi instaure cependant deux exceptions. "Il sera mis fin à leurs détention et reproduction en captivité, sauf dans le cadre de programmes de recherches scientifiques ou dans des refuges ou sanctuaires pour animaux sauvages captifs".
Planète sauvage s'inscrit dans la première catégorie, car il abrite depuis 2005 un centre d'études et de recherches. Les treize dauphins qui évoluent dans le bassin, truffé de capteurs sonores, sont enregistrés pendant leurs jeux, ce qui permet à des chercheurs d'essayer de comprendre les communications entre individus.
On sait qu'ils peuvent s'appeler par un "sifflement-signature" - c'est comme un prénom - on sait qu'ils peuvent traduire des succès, qu'ils peuvent se coordonner sur la chasse, et on pense qu'ils peuvent prévenir les autres lorsqu'ils trouvent de la nourriture. On connaît beaucoup de choses sur le groupe; ce qu'on voudrait apporter, c'est savoir des choses sur l'individu et comment, finement dans le groupe, ça s'échange des infos.
Martin BoyeDirecteur scientifique à Planète sauvage
Depuis sa création, le centre a produit une vingtaine de publications scientifiques sur le comportement des animaux sauvages.
Pour PETA, cette "exception scientifique" est trop permissive. "Si la loi était bien faite, la transition aurait été facilitée en interdisant immédiatement la reproduction, affirme Anissa Putois. L'exploitation se serait alors naturellement tarie et les cétacés nés en captivité progressivement placés dans des sanctuaires.
Ces sanctuaires sont des lieux où les animaux captifs - et donc non adaptés à la vie naturelle - peuvent terminer leur vie plus sereinement, sans être exploités.
"En 2021, Barbara Pompili [ministre de la Transition écologique de 2020 à 2022, NDLR] avait annoncé la création d'un grand sanctuaire d'ici deux ans. Ce devait être un sanctuaire côtier qui leur donnerait largement plus d'espace, avec de l'observation, des soins, des vagues, une eau non-chlorée, rappelle Anissa Putois. Il est effarant de voir à quel point ce projet a été totalement oublié."
Des dauphins devenus des produits ?
Tant qu'ils justifient une activité de recherches, Planète Sauvage et Marineland peuvent donc continuer à détenir ces dauphins et à les faire se reproduire. Les associations préfèrent parler de "produire" des animaux.
"C'est impossible, dans des conditions de captivité pareille, de laisser faire la nature. Il y aurait des naissances dans tous les sens, des bagarres entre mâles, juge Muriel Arnal, basée dans le Morbihan, et a longuement étudié Planète sauvage. Ces derniers sont en permanence sous médicaments et ces naissances sont voulues. D'ailleurs, c'est un produit d'appel pour la réouverture du parc. On cherche à faire des bébés pour appeler le public et pour faire vendre des entrées."
Valentin Pasquier, avec Boris Vioche