Notre-Dame-des-Landes : cinq ans après l'abandon du projet d'aéroport, le réaménagement de Nantes-Atlantique ne décolle pas

Le 17 janvier 2018, Édouard Philippe alors Premier Ministre annonçait l'abandon du transfert de l'aéroport de Nantes-Atlantique à Notre-Dame-des-Landes. Il promettait alors des mesures d'accompagnement pour les riverains d'un trafic aérien annoncé grandissant. Cinq ans plus tard, l'évolution est perçue comme mitigée par les riverains, communes et associations locales.

Ce n'est pas trop près du soleil, mais trop près des habitations que volent quotidiennement les avions qui passent par l'aéroport de Nantes-Atlantique.

Loin de brûler, leurs ailes continuent d'user les tympans et les nerfs des riverains, cinq ans pile après l'abandon du transfert de l'aéroport à Notre-Dame-des-Landes annoncé le 17 janvier 2018 par Édouard Philippe, à l'époque encore Premier ministre. 

Depuis cette date, le réaménagement du site tourne au ralenti. Habitants et acteurs locaux s'estiment lésés, et pointent du doigt les promesses faites et non tenues par l'État. 

La persistance des nuisances sonores

"Depuis qu'on est là, on a toujours vécu avec l'idée qu'il y aurait quelque chose à Notre-Dame-des-Landes. On a été déçus, on penserait qu'on finirait par avoir plus de calme", témoigne Monique, habitante de Bouguenais, commune où s'étend l'aéroport. 

L'hiver ça va, on est enfermés, mais l'été c'est infernal, surtout les week-ends.

Monique

Habitante de Bouguenais

"Même avec le double-vitrage on les entend", ajoute Jean-Claude, un autre voisin de l'aéroport. Le retraité a pourtant bénéficié des travaux d'insonorisation réalisés par la société d'ingénierie acoustique Espace 9.

Des aides financières insuffisantes

Malgré l'aide financière accordée pour le chantier, Jean-Claude n'avait pas souhaité faire tous les travaux nécessaires. La faute à l'ancienneté du dispositif d'aide, selon Paolo Ferreira, président du Collectif des citoyens exposés au trafic aérien (Coceta).

Les plafonds d'aide ne sont pas actualisés en fonction de l'inflation galopante qu'on est en train de connaître. Donc on a un reste à charge qui correspond à 50% du coût des travaux.

Paolo Ferreira

Président du Coceta

"Les subventions ne sont pas mises à jour par rapport à la réalité des coûts des travaux à réaliser, donc on se retrouve dans l'obligation de suspendre des dossiers. Certains propriétaires demandent à faire moins de travaux, ce qui est moins efficaces et met leur vie en danger", explique-t-il.

Alarmiste, ce constat est partagé par Monique, qui estime aussi que "la santé en prend un coup. Le kérosène crée de la pollution, il ne faut pas se leurrer"

Non-respect du couvre-feu

"Ce qui est bien, c'est qu'on ne les entend plus la nuit !", se réjouit tout de même Monique.

Ce soulagement résulte du changement le plus concret opéré à Nantes-Atlantique ces dernières années : la mise en place d'un couvre-feu qui interdit aux avions d'atterrir ou décoller entre minuit et 6h du matin.

Paolo Ferreira n'est pas aussi enthousiaste et dénonce les "effets de bord" de cette mesure. "Des autoroutes se sont créées juste avant et juste après le couvre-feu. De 6h à 8h du matin vous avez un avion tous les 3 à 4 minutes", s'indigne-t-il.

Un peu plus de 300 infractions ont été constatées par la Direction générale de l'aviation civile.

Jean-Claude Lemasson

Maire de Saint-Aignan-Grandlieu

Sans compter que le couvre-feu n'est pas tout à fait respecté. "Aujourd'hui, on ne sait pas quelles sanctions ont été prises par l'Acnusa [Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires], qui est l'autorité compétente en la matière", confie Jean-Claude Lemasson, maire de la commune de Saint-Aignan-Grandlieu située au sud de l'aéroport. 

De fait, entre le 8 avril et le 30 novembre 2022, "il y a eu 299 vols opérés durant le couvre-feu [...] même si l'essentiel des infractions ont été constatées sur les premiers mois", détaille Didier Martin, préfet des Pays de la Loire, indiquant que la situation devrait aller en s'améliorant.

"Droit de délaissement"

Le préfet rappelle que le couvre-feu fait partie, comme les aides à l'insonorisation, de 31 mesures sur lesquelles l'Etat s'est engagé à l'issue d'une concertation achevée à l'automne 2019.

Parmi ces mesures se trouve aussi la création d'un "droit de délaissement", c'est-à-dire la possibilité pour l'Etat de racheter les maisons des populations qui sont les plus exposées aux nuisances.

Le préfet indique avoir procédé au premier achat de ce type en décembre 2021, tout en précisant que seuls 54 logements ont "été identifiés comme satisfaisant aux critères prévus" pour pouvoir bénéficier de ce droit de délaissement.

Le droit de délaissement ne concerne qu'une toute petite partie de logements.

Jean-Claude Lemasson

Maire de Saint-Aignan-Grandlieu

Là aussi, la pilule passe mal. "Les conditions d'éligibilité ont restreint le nombre de logements concernés", affirme Jean-Claude Lemasson, pour qui tous les logements construits exposés à un fort niveau de bruit devraient bénéficier de ce droit.

Quid du développement économique du Grand Ouest ?

Outre les riverains, la liste de détracteurs de l'abandon du transfert de Nantes-Atlantique compte aussi des entreprises qui s'inquiètent des limites que l'infrastructure impose au développement économique de la Bretagne et des Pays de la Loire.

L'association Des Ailes pour l'Ouest se fend d'un communiqué incisif à l'occasion de l'anniversaire de l'abandon du projet de transfert. Le collectif soutenait la construction d'un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes pour stimuler la croissance économique du Grand Ouest. 

Que s'est-il passé depuis cinq ans ? Pas grand chose, sinon rien.

Des Ailes pour l'Ouest

"Les habitants et entreprises du Grand Ouest attendent du sérieux, une vision et des engagements respectés", martèle l'association, qui annonce qu'elle défendra "un nouveau scénario" lors du prochain comité de suivi des engagements de l'État le 27 janvier. 

En attente d'un nouveau concessionnaire

Au Coceta, Paolo Ferreira s'accorde pour dire que "le projet tel qu'il est prévu actuellement ne répondra à aucun des engagements pris par l'État : préserver l'environnement, protéger la santé publique et développer l'attractivité économique"

L'association considère aussi que la nomination d'un nouveau concessionnaire manque de transparence, alors que le futur gestionnaire des lieux aura la main sur les investissements de réaménagement de l'aéroport, comme l'allongement de la piste de 400 mètres vers le sud. 

En réalité, ce flou peine à masquer le secret de polichinelle qui entoure Vinci, actuel concessionnaire et seul candidat restant au contrat de concession après qu'Eiffage et Ferrovial se soient retirés. 

Il y a un vrai sujet d'accompagnement des riverains et des collectivités.

Jean-Claude Lemasson

Maire de Saint-Aignan-Grandlieu

La signature du contrat de concession devrait intervenir au premier trimestre 2023. À Saint-Aignan-Grandlieu, Jean-Claude Lemasson attend "un travail en commun avec les collectivités territoriales pour discuter de ce que pourrait être la plateforme aéroportuaire. Et suffisamment de latitude dans le cahier des charges de la Direction générale de l'aviation civile pour que l'on puisse amender le projet du concessionnaire".

Le nouveau concessionnaire héritera de la lourde tâche de prouver que le réaménagement de Nantes-Atlantique peut véritablement être "l'alternative crédible au transfert de l'aéroport à Notre-Dame-des-Landes" promise par Édouard Philippe le 17 janvier 2018. 

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