Emmanuel Macron a annoncé ce jeudi 2 avril un assouplissement des règles de confinement pour les autistes, en les autorisant "à sortir plus souvent". Pour Astrid Willemet, mère d'un enfant handicapé de 11 ans, cette mesure est un véritable soulagement.
Au téléphone, la voix d'Astrid est plus claire comme si elle avait retrouvé le sourire. Cette mère il y a quelques jours encore, nous confiait son désespoir. Avec l'annonce faite, ce jeudi 2 avril, par Emmanuel Macron, elle respire à nouveau. Et va pouvoir anticiper et calmer les angoisses de Gabin, son fils handicapé de 11 ans.
Le président a compris qu'il fallait apporter une peu de souplesse, dans le dispositif, c'est une bonne chose. autrement ça allait exploser dans certaines familles. Après ça ne fait pas tout mais c'est déjà ça - Astrid Willemet
Emmanuel Macron a choisi son jour pour prendre la parole. Ce jeudi 2 avril est, en effet, la journée mondiale de sensibilisation à l'autisme. Le chef de l'Etat a adréssé un message vidéo aux familles et aux accompagnants qui connaissent "une période difficile", avec la crise du coronavirus.
"Depuis le confinement qui a débuté le 16 mars, vos habitudes ont changé et vous êtes peut-être un peu perdus", déclare t-il aux autistes. "Vous aviez l'habitude d'aller travailler ou d'étudier quelque part, et du jour au lendemain tout cela n'était plus possible. Vous aviez l'habitude de sortir de chez vous quand vous le vouliez, et vous avez du rester chez vous. Je sais que vous ne voulez qu'une seule chose : qu'on vous rende votre vie d'avant", ajoute Emmanuel Macron, car "pour cetrains d'entre vous, rester enfermé chez soi est une épreuve qui fait parfois monter des angoisses, en cette période dure, pour vous et pour vos proches", conclut-il.
Le chef de l'Etat a par ailleurs précisé qu'un formulaire d'attestation adapté spécialement pour les personnes autistes et leurs accompagnants leur permettra de "sortir un peu plus souvent", tout en leur demandant de continuer a respecter les mesures barrières.
"D'après ce que j'ai compris ça veut dire que l'on peut sortir quand on veut en justifiant le fait que notre enfant soit handicapé. En plus, ils ont fait une attestation plus claire et plus facile à lire. Peut-être que ça va permettre à Gabin de s'approprier l'attestation. C'est une bonne chose", réagit Astrid Willemet.
"Ça va alléger un peu le quotidien. Cela va permettre d'apaiser certains moments de grande tension, assure-t-elle. Quand tu sens que ça ne va pas et que tu vis comme nous dans 35m², tu dis allez hop on va faire un tour dehors, c'est essentie l! Tu dévies l'attention de l'enfant sur autre chose. Moi, Gabin quand je le promène, il y a tout de suite d'autres petites stimulations, comme le chant des oiseaux, le bruit des voitures".
Ça va l'extraire de l'angoisse. Il ne tournera plus en boucle - Astrid Willemet
"Toutes les associations le reconnaissent, ça ne va pas tout régler mais ça va simplifier certains moments de la vie. Ça empêchera que ça implose dans les familles", poursuit Astrid Willemet.
Un quotidien jusque là "désespérant"
Gabin a eu 11 ans en décembre dernier. Le diagnostic précis n'a jamais été clairement posé mais il est atteint depuis la naissance de troubles autistiques avec retard global du développement. Ses parents se partagent la garde alternée mais depuis que l'institut médico éducatif du Val de Sèvres, où il est accueilli chaque jour, à Vertou, près de Nantes, a fermé ses portes, ils doivent gérer le handicap 24 heures sur 24."Normalement Gabin part tous les matins à 8h15. Il revient le soir à 17 heures. Et le soir grâce à la MDPH, il a des aides de prestations compensation du handicap qui nous permettent de faire intervenir une association pour une garde à domicile jusqu'à ce que nous rentrions du travail à 18h30 ou 19 heures", explique Astrid.
Avec le confinement, ce cadre structurant a volé en éclat. Il est pourtant essentiel.
"Et là en fait tout a volé en éclat lorsque le confinement a été annoncé. Il n'est pas parti à l'école. On a mis des mots pour expliquer la situation, raconte Astrid, mais on avance pas à pas, puisqu'on ne sait pas. En fait c'est un enfant qui a vu tout son quotidien, son rythme partir. Tous ses repères se sont envolés. Et d'avoir ses parents 24 heures sur 24 heures ce n'est pas bon, comme pour n'importe quel autre enfant", raconte Astrid, la mère de Gabin.Le cadre structurant pour tous les enfants souffrant de troubles de la sphère autistique est primordial. Ils n'ont pas la même notion du temps, de l'espace - Astrid Willemet
Pour nous parents d'enfant handicapé, il est impossible d'avoir une multi casquette, de parent, d'éducateur...On n'en peut plus de faire ça. On n'en peut plus. On n'a pas la patience et quand il faut travailler à côté, c'est juste impossible ! - Astrid Willemet
Confrontée aux signes d'angoisse de son enfant, Astrid s'en réfère à la pédopsychiatre qui suit Gabin habituellement. "Je l'ai appelée en urgence. Gabin est très triste, il se met à pleurer sans raison, à s'enfermer en croisant les bras. Et puis comme il ne parle pas, on ne peut pas savoir exactement comment il ressent les choses", confie Astrid.
"Seule au monde"
Aujourd'hui Astrid se sent seule. "Il y a des structures qui gardent le lien. Nous, ils nous envoient deux vidéos mais simplement sur deux minutes. Pour garder l'attention fixée, c'est pas terrible. Là j'ai eu son éducateur. On va essayer de mettre en place un Whatsapp tous les après-midi pour que Gabin puisse avoir un contact et une image d'un référent", explique Astrid."Là tu bénis ton attestation pour faire sortir ton enfant, sauf que comme beaucoup se sont trouvés une soudaine passion pour le footing, ils ont fermé tous les bords de Sèvre et tous les parcs. Donc tu fais courir tes enfants sur les trottoirs, c'est pas non plus l'idéal, tout est compliqué en fait", déplore la mère de Gabin.
"Pour télétravailler je suis obligée de le mettre sur les écrans"
Le constat peut paraitre terrible mais pour télétravailler Astrid n'a pas d'autre choix que de mettre Gabin devant un écran."C'est télé quasiment toute la journée. Son quotidien, il ressemble à pas grand chose. La pédopsychiatre m'a raconté au téléphone que la situation est explosive dans toutes les familles comme la nôtre. Elle croule sous les appels et m'a dit que les écrans ça les rassurent en fait. Notamment les dessins animés. Là par exemple il est devant "Ratatouille".
"Il joue un peu dans sa chambre mais le probléme c'est que chez des enfants comme Gabin jouer peut virer en stéréotypie, avec des mouvements très répétifs et donc très enfermants. Donc, je ne peux pas le laisser tout seul. Et je ne peux pas non plus être constamment en train de jouer. Je n'ai plus la patience", avoue Astrid.
En gros, le matin, il se lève, il peut jouer dans sa chambre entre 30 et 45 minutes. Après il va s'habiller, puis il regarde un film. Après on sort, on mange... et de nouveau il est sur un film, après il va aller jouer après on prend l'air et puis rebelote pour un dessin animé. Arrive ensuite l'heure du bain et du dîner. C'est extrêmement compliqué de pouvoir le stimuler autrement. Le gouvernement nous incite à faire des parcours de motricité chez nous. Dans un mètre carré c'est impossible ! - Astrid
"J'essaye de déculpabiliser"
Le problème pour les parents comme Astrid est de ne pas tomber dans la culpabilisation. "J'essaye de déculpabiliser. Je ne peux être dans l'éducatif et la stimulation en permanence. moi aussi je vis le confinement. Et puis Gabin, il n'en peut plus non plus, il a besoin de voir d'autres têtes."La pédo psychiatre dit que six semaines d'écran dans une vie ce n'est rien mais je suis très inquiète. Cette période le fragilise psychologiquement et dans ses aquisitions. Toutes les prises en charge sont arrêtées. L'entourage est aussi menacé, moi, comme toutes les autres familles. Nos enfants mettent du temps à avancer. Cet espèce de néant où personne ne sait, c'est terrorisant pour l'après et l'avenir - Astrid Willemet
"Je tiens le coup parce que je suis entourée"
Si Astrid tient le coup c'est parce qu'elle est soutenue par sa pédopsy, ses amis, son compagnon. Autant d'épaules sur lesquelles elle s'appuie chaque jour.Astrid ne pense jamais à demain. "Si je me demande comment on va tenir jusqu'en mai je m'effondre. Alors c'est pas après pas, marche après marche".Hier clairement j'ai craqué. A la fois la situation me désole et me révolte. Parce que je me dis à quoi bon continuer à se battre. Ce système ne tient qu'avec des bouts de ficelle déjà quand tout va bien. Le handicap est toujours relégué, alors quand il y a un grain de sable, il y a tout qui pète. Personne n'est là pour te répondre et trouver des solutions adaptées pour ces publics vulnérables. Tu te retrouves à devoir avancer dans un quotidien désespérant. Je vis au jour le jour - Astrid Willemet
Deux fois par semaine, la sonnette retentit, atténuant un peu ce profond sentiment de solitude. Un infirmier continue à assurer la toilette de Gabin chaque lundi et chaque mercredi. Ce sont les seuls soins dont bénéficient encore le jeune adolescent. "En fait nous sommes abandonnés, on est à bout. Je suis à bout. Le gouvernement fait des effets d'annonce pour le handicap mais derrière il n'y a rien. Absolument rien..."
Pour contacter Astrid Willemet :
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