Confinés avec des ados ça va être l'enfer, on l'a tous pensé. Parce qu'ils nous agacent autant qu'on les aime, on a cru qu'il serait impossible de superposer nos vies. Au final pas tant que ça. Les jours passent, rallongent même...Entre rires et coups de gueule, la vie se réinvente chaque jour.
Il y a d'abord eu cette annonce "tous les établissements scolaires ferment jusqu'à nouvel ordre" et les cris de joie qui ont suivi. "Plus de cours génial ! Des vacances avant l'heure ! j'en étais sûre qu'il allait fermer le lycée, c'est carré!"(entendez trop cool).
En réalité, l'euphorie n'aura été que passagère. La réalité a vite repris le dessus et les embrassades débridées entre frangines se sont arrêtées net. "Wesh, mais si il nous confine c'est que ça craint vraiment là". Un éclair de lucidité retombé aussi vite qu'un soufflé aux brocolis. "Ah non mais zherma ça va pas être possible. Comment je vais faire sans voir mes potes???". Parce que oui pour les ados, les ami.e.s il n'y a que ça qui compte.
Connectés comme jamais
Leur tribu c'est du sacré. Une sacrée belle bande qui parvient à garder le contact H24. Ils sont connectés comme jamais. Et créatifs ! Pendant que dans les hypers en ce début de confinement on se crêpe le chignon pour du papier toilette, eux, organisent un jonglable PQ, entendez par là dribbler avec un rouleau qui finit par exploser l'écran de leur smartphone, certes recyclé, mais qui coûte quand même un bras."Maman t'as vu on se marre, je suis naze, j'y arrive pas, j'ai failli péter ma vitre". Vérification faite l'écran va bien mais c'est vrai qu'elle n'est pas douée pour le foot.
Un aperçu des défis entre ados, "Quand j'étais petit"
Parce qu'il y a un problème avec cette génération là, les "Z", font vite le tour de la question. Il leur suffit de huit secondes pour zapper. Sachant qu'on est parti pour 6 semaines, ça promet...
"De toute façon e-lyco, ça va pas marcher!"
"Ah non mais moi j'ai pas mes codes e-lyco, je vais pas pouvoir..." C'est la première chose que j'ai entendue, quand Maëlle, ma grande de 16 ans a découvert que, oui, malgré la fermeture de son lycée pro, elle devrait bosser quotidiennement, que, chaque jour, les enseignants enverraient des cours, des exercices et des consignes. "De toutes façons, ça va pas marcher y aura trop le monde en ligne".On dirait une série Netflix, sauf que là c'est pas du cinéma - Lily, 15 ans
Très vite en fait, les cours et les devoirs en ligne deviennent un réflexe qui ponctue les journées. Comme une parenthèse bienvenue, parce non, les profs ne sont pas aux fraises ! Ils assurent derrière leurs écrans.
Le premier cours de sciences physiques en visioconférence est même un succès. 25 des 32 élèves de la classe de 2nde K du lycée des Bourdonnières, sont scotchés à leur smartphones et à vrai dire très contents d'entendre et de voir leur enseignante.
Une heure de cours, de discussions, de réflexion commune. Il y a de l'affect, beaucoup d'affect dans cette connexion là. Lily en sort revigorée "C'était vraiment trop chouette, j'ai adoré, on a beaucoup parlé, j'ai pas arrêté de participer. Et puis à la fin trop bien la prof nous a fait de gros bisous. Vivement lundi prochain, pour la prochaine session".
Tous les enseignants vous le diront "le présentiel il n'y a que ça de vrai. Une classe ça se sent, ça se vit." Sur ce coup là, malgré l'éloignement, malgré tout, le savoir est transmis, comme un cours très particulier. En revanche, la prof de sport qui demande une chorégraphie en vidéo, elle pourra repasser.
Non mais la prof de sport, elle veut qu'on lui envoie une vidéo d'une chorégraphie. T'as raison, je vais pas danser ! C'est trop la honte, non mais jamais ! - Lily, 15 ans.
Les perles du confinement
El les enseignants, je ne les ai jamais autant admiré. On s'est tous dit un jour, "celle-là j'aurais du la noter". Vous savez les premiers mots qui sortent tout biscornus de leur bouche en coeur.Moi, il y en a quelques unes que je n'ai pas loupé ces derniers temps. Entre la poire et le fromage, on parle de tout de rien, des choses de la vie, de cette drôle de vie toute bouleversée.
Et là, alors que, comme chaque soir ou presque, nous nous attardons à parler du Covid-19, de la situation en France et ailleurs, du nombre de morts qui ne cesse de croître... une fulgurance.
Pas peu fière d'annoncer la couleur, Lily embraye sur la politique et lâche d'un coup d'un seul : "Moi des femmes politiques noires j'en connais trois : Rosa Parks, Christiane Taubira et...Simone Veil". J'aurais pu m'étrangler, j'ai pris un joli fou rire. De ces éclats de joie qui explosent plus fort que d'habitude en cette période où l'espoir semble si lointain.
Elle n'ont qu'un an d'écart, presque des jumelles au caractère diamètralement opposé mais avec ce point commun, celui de vous redonner un coup de fouet quand le moral décroche. Et en matière de "perles", j'aurais bien du mal à établir un classement.
Sachant que toutes les deux pourraient être premières de la classe, la grande n'ayant, il faut bien l'avouer, pas grande appétence pour les études.
Profitant d'un de ces nombreuses phases d'ennui, celles pourtant, où tous les imaginaires sont possibles, je suggère à l'ainée de prendre un livre. Un objet dont elle cerne à peu près la forme mais qu'elle n'a plus ouvert depuis quelques mois. La réponse fuse comme une opposition de principe. " Starfulah, ça va pas ??? moi quand je lis, je saute des lignes pour que ça aille plus vite". Non, décidément, je n'aurais pas pu être prof.
"Maman je sais pas quoi faire ! Maman, j'ai faim...maman qu'est-ce-qu'on mange ?"
Si la vie confinée n'est pas un roman, elle est, en revanche, un frigo. On entend toujours dire "mais qu'est-ce-qu'ils bouffent". Je confirme : oui elles bouffent, et d'autant plus quand elles ne trouvent rien d'autre à faire. Le matin, le midi, l'après-midi, le soir, la nuit...elles mangent. A croire qu'elles comblent un vide. Après tout pourquoi pas. Mais comme ce sont des filles, il ne faut pas prendre un gramme, les beaux jours approchent.Non mais vas-y, on va quand même pas manger des patates tous les jours - Lily, 15 ans
Moi j'aime pas les petits pois, j'aime bien ta quiche mais j'aime pas les lardons, non mais, vas-y là, comment ça il y a que la moitié d'une pizza par personne ? Moi j'ai besoin d'être plus nourrie que ça! - Maëlle, 16 ans
Entre deux sorties courses, pure partie de plaisir par les temps qui courent, il y aussi le travail à la maison. Et là pan...le couplet sur la mère indigne :"J'aime pas quand tu bosses à la maison, tu m'écoutes plus, t'as autre chose à faire, tu réponds pas quand je te pose une question".
Parce que l'adolescent est comme ça, un peu autocentré quand même, capricieux comme l'enfant d'hier. Il veut tout, tout de suite. Même un gros calin, et ça pour le coup c'est vachement bien.
"Va te coucher"
Tous les spécialistes vous le disent "il faut qu'il gardent le rythme, et donc qu'il se couchent tôt, comme s'ils avaient école le lendemain". A ce jeu là, j'ai renoncé assez vite. D'abord parce que je ne rentre jamais dans leur chambre, espace quasi sanctuarisé, et surtout parce qu'évoquer la question du sommeil réparateur, alors qu'ils sont comme nous, en perte de repères, c'est à coup sûr provoquer un pétage de plomb dans les règles, alors que pour l'instant, hormis quelques coups de sang entre soeurs, chiens et chats cohabitent plutôt pacifiquement.Pas l'enfer...le paradis !
15 jours viennent de s'écouler, déjà 15 jours...Et s'il y a une chose que nous a offert cette pandémie c'est du temps. Un temps inespéré.L'occasion de s'arrêter, de les regarder vivre vraiment, tendrement, jusque dans les moindres détails. Les regarder comme "la normalité "ne nous permet pas de le faire, parce que le rythme est d'ordinaire effréné.
Les observer en très gros plan. Mes filles en zoom... J'aurais pu craindre l'enfer, elles m'offrent chaque jour le paradis.
Le lexique pour mieux les comprendre
Askip : Abréviation de "à ce qu'il paraît". Très employé pour les potins de couloirs au collège ou au lycée.Bader : Vous,vous avez le moral dans les chaussettes, eux ils badent...
Bails : "c'est quoi les bails ?" : "quelles sont les nouvelles ? que se passe-t-il ?"
BG : Le brun au fond de la classe il est BG, acronyme de beau gosse. Votre fille n'est pas insensible à ses charmes.
Boloss : le nouveau crétin, boulet absolu, celui avec lequel il ne faut surtout pas être vue.
Charo : "il pécho plein de meufs toute les semaines il a une nouvelle gow", un Don Juan de bas étage peut recommandable.
Cheum : en verlan, moche...si votre ado vous trouve "cheum", changez de tenue !
Crush : si Vincent est le "cruch" de votre fille, entendez qu'elle a le béguin, qu'elle est mordue...
Dar : C'est dar ! synonime de "c'est frais !" ou "c'est chanmé !". Autrement dit ,ça le fait, c'est chouette !
Daron(ne) : "Oh la honte y ma daronne !", entendez "ma mère est venue me chercher au bahut".
Friendzone : le fameux Vincent, son "crush" a envoyé votre fille dans la "friendzone". Pas franchement une bonne nouvelle ils ne seront jamais autre chose que des amis.
Gow : "Ma gow", c'est ma gonzesse...
Maggle : mon ami, mon pote. "Ça va ma gueule ?"
OKLM : au calme (le truc qui ne dure jamais trés longtemps)
Passer crème : ça le fait, comme sur des roulettes, impeccable...
Saucé : il n'a pas pris la pluie, il est juste...content
Seum : "J'ai le seum", je suis énervé, en colère, agacé ou dégouté
Starfoulah : "Oh mon dieu !"
Swag : "avoir le swag" ou "être swag", c'est être cool. Déjà passé de mode, essayez d'éviter!
Toz : pour restée polie, tais toi, va te faire voir...
Yolo : on ne vit qu'une fois, carpe diem...
Wesh : Veut absolument TOUT dire, tout est question d'intonation
Zyva : Attention piège, expression de l'ancien monde, totalement ringarde, surtout bannissez ce mot de votre vocubalaire vous passeriez pour un boomer !