EasyJet condamnée pour "discrimination à raison d'un handicap" envers une passagère en fauteuil roulant

La compagnie aérienne devra payer une amende de 40 000 euros au Trésor public. La victime attendait ce verdict depuis 2011.

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"Une amende de 40 000 euros à payer au Trésor public, 2500 euros de dommages et intérêts ainsi que 2000 euros de frais de justice à payer à son ancienne cliente". Marie-Bernadette peut enfin souffler. Cela faisait 13 ans que cette habitante de Montaigu en Vendée attendait l'issue de ce procès devant le tribunal correctionnel de Nantes dans lequel l'entité suisse easyJet Switzerland a été condamnée ce jeudi 12 septembre 2024 pour "discrimination à raison d'un handicap".

Des "consignes strictes"

Les faits remontent au 21 avril 2011. Ce jour-là, la Ligérienne devait prendre un Nantes-Genève pour s'envoler voir de la famille. Mais au moment d'entrer dans l'avion, la passagère en fauteuil roulant s'était vu "arracher" sa carte d'embarquement par un agent d'Avia Partner. Le sous-traitant de la compagnie aérienne low cost britannique avait appliqué les "consignes strictes". EasyJet avait en effet fait "obligation" à Avia Partner d'appliquer son "guide de bonnes pratiques". Il imposait notamment à chaque passager de pouvoir "évacuer l'avion sans assistance" en cas de problème. Or, devant le sous-traitant, la passagère vendéenne avait convenu qu'elle était incapable de "se lever seule". Marie-Bernadette est paraplégique et elle n'était pas accompagnée.

"Ils n'ont pas les moyens d'avoir les services nécessaires pour s'occuper d'une personne en situation de handicap, donc ils remettent la responsabilité sur les passagers", nous avait assuré Maître Patrick de la Grange, l'avocat de la victime, en amont du procès en dénonçant une pratique récurrente de la compagnie à bas coût.

EasyJet n'en est pas à sa première condamnation pour discrimination envers un passager en situation de handicap. Entre 2013 et 2017, pour des faits identiques, la compagnie avait dû payer des amendes allant de 50 000 à 70 000 euros.

Une "discrimination inacceptable"

"Cela fait des années que ma cliente attend cette audience, mais son état de santé ne lui a pas permis de venir", a commencé par expliquer l'avocate de Marie-Bernadette devant le tribunal correctionnel de Nantes. "EasyJet est la seule compagnie à être aussi sévère : ma cliente a pu voyager avec d'autres sans avoir de telles consignes."

Pour cette "discrimination inacceptable", que sa cliente a "très mal vécu", l'avocate de la partie civile demandait 25 000 euros de dommages et intérêts et 5000 euros de frais de justice en raison de la "particulière longueur de la procédure".

On lui a dénié la qualité de personne humaine

Avocate de Marie-Bernadette

Partie civile

"Cette somme peut paraître importante, mais elle ne l'est pas au vu du préjudice subi, qui a été extrêmement important et très élevé", a-t-elle commenté. "Le sentiment de colère et d'injustice est toujours aussi présent aujourd'hui : elle a eu l'impression qu'on lui a dénié la qualité de personne humaine en la laissant sur le quai."

Le procureur de la République avait lui prévenu les juges nantais qu'ils allaient "faire de l'archéologie judiciaire" en se penchant sur ces faits vieux de plus de treize ans, où se confrontent "le principe d'égalité" et "le principe de sécurité". Mais easyJet se livre à une "interprétation" d'une "réglementation propre au Royaume-Uni", selon lui, et non pas à celle de l'Union européenne (UE) : une "nécessité de formation du personnel navigant" et une "obligation d'assistance aux personnes handicapées" pèsent sur les compagnies aériennes.

La compagnie low cost britannique répond en réalité à des "impératifs économiques" avec les "missions les plus réduites possibles", de son point de vue. "On a le sentiment que cette compagnie fait le choix de ne pas former le personnel sur ce plan pour des raisons économiques", a redit en d'autres termes le représentant du ministère public. Il avait donc requis une amende de 50 000 euros et avait "laissé le tribunal apprécier" l'opportunité d'une diffusion de la condamnation dans la presse "compte tenu de l'ancienneté du dossier".

"On a construit le droit avec les tribunaux"

De son côté, l'avocate d'easyJet Switzerland a rappelé que "trois poursuites" avaient été faites contre "l'entité britannique" de la compagnie aérienne à Paris, Bobigny (Seine-Saint-Denis) et Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) et que ces poursuites à Nantes étaient les seules pour "l'entité suisse" qu'elle défend. "Il n'y en a plus depuis : il n'y a pas de réclamation auprès de la Défenseure des droits, ni dans les commissariats", a-t-elle certifié. "Pendant toutes ces années, on a construit le droit avec les tribunaux, même si cela n'a pas été en notre faveur."

Elle en veut pour preuve qu'easyJet a été "partenaire des Jeux paralympiques" de Paris 2024 et qu'il n'y a "pas eu de problème pour transporter les sportifs et les spectateurs" porteurs d'un handicap.

Sur le fond, l'avocate de la compagnie aérienne a regretté l'absence d'Avia Partner à la barre du tribunal : le jour des faits, le sous-traitant n'a "pas impliqué" easyJet dans sa "décision". "Selon nous, on n'est pas responsables... Mais on a toujours assumé : cela ne nous intéresse pas de nous fâcher avec les gens", a-t-elle embrayé. "Nos sous-traitants nous permettent d'avoir un modèle économique intéressant, pour nous et pour nos passagers. Ce n'est donc pas en les insultant qu'on va régler les choses."

EasyJet Switzerland emploie un millier de personnes et génère 247 millions d'euros de chiffre d'affaires.

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