Les formulaires de don du sang ne comporteront plus de questions sur l'orientation sexuelle. Jusqu'ici, un homme homosexuel devait avoir respecté une abstinence sexuelle de 4 mois pour pouvoir donner son sang.
"Il était temps". Pierre-Alain Cottineau, président de l’association lgbtqi+ du Pays d'Ancenis, en Loire-Atlantique, va enfin pouvoir donner son sang en toute légalité.
"On a tellement envie d'aider qu'on ment"
Il l'a déjà fait à plusieurs reprises avant d'en avoir le droit : "j'étais en couple, on était déjà très informé sur le VIH et les modes de contamination, je suis O positif donc donneur universel, je suis soignant et on voit que les services de santé manquent de réserves de sang... Alors on a tellement envie d'aider qu'on ment, on coche 'non' à la question 'avez-vous eu des relations sexuelles avec un homme'".
En 2012, il a finalement arrêté : "c'est lourd de mentir. Et puis... mentir pour donner son sang, c'est un peu se renier".
Mais à partir de ce 16 mars 2022, Pierre-Alain, comme tous les hommes ayant des relations homosexuelles auront le droit de donner leur sang, sans condition d'abstinence.
Plus de question sur l'orientation sexuelle
Un arrêté publié au Journal officiel du 13 janvier 2022 supprime toute référence à l'orientation sexuelle dans les questionnaires préalables au don du sang, distribués par l'Etablissement français du sang (EFS). L'abandon de ce critère avait été voté lors des débats sur la loi de bioéthique promulguée l'été dernier.
Les homosexuels jusqu'ici soumis à une abstinence sexuelle de 4 mois pour donner leur sang
Un long chemin... puisque depuis l'épidémie de sida qui a sévi dans les années 1980, les hommes homosexuels n'étaient plus autorisés à donner leur sang, en raison des risques de transmission.
Une interdiction qui a pris fin en 2016, mais seulement à condition de ne pas avoir eu de rapports sexuels pendant un an, période d'abstinence ramenée à 4 mois en 2019. Une autorisation très théorique donc.
"L'extrême vigilance des autorités sanitaires" permet cette évolution
Après l'Espagne, l'Italie, Israël et l'Angleterre, la France fait donc un pas de plus, ce 16 mars 2022.
Un pas dont se réjouit Florient Poupon, président d'Homogène, le centre LGBT du Mans : "donner son sang est un acte citoyen, beaucoup de personnes LGBT étaient très frustrées de ne pas pouvoir le faire".
Un pas possible, selon Jérôme Salomon, le directeur général de la Santé, grâce à "l'extrême vigilance des autorités sanitaires".
Dans un avis rendu le 20 décembre 2021, le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) considère qu'en supprimant les questions sur l'orientation sexuelle dans le questionnaire de don du sang, "le risque résiduel estimé de sélectionner un donneur infecté par le VIH serait multiplié au maximum par un facteur 1,5, mais qui resterait inférieur au risque résiduel calculé sur la période 2015-2017 - 1/6 000 000 de dons - qui était déjà faible".
"Certes, la modélisation annonce un risque faible, confirme Sébastien Maury, de l'association de lutte contre le sida Aides. Mais nous préférons rester prudent, les vrais résultats, on ne les connaîtra que début 2023".
Un nouveau critère qui fait polémique
Pour palier le risque de transmission, le questionnaire permet toujours d'identifier les comportements à risque incompatibles avec le don du sang : multi-partenaires, consommation de drogues, etc. Et un nouveau critère sera ajouté : le donneur devra déclarer s'il prend un traitement pour la prophylaxie pré ou post-exposition au VIH, auquel cas le don sera reporté quatre mois plus tard.
Un nouveau critère, "ou plutôt un non sens", considère Violette Cordaro, présidente du Centre lgbtqi+ de Nantes, Nosig. "Cette loi permet aux homosexuels qui ne prennent pas la Prep - un traitement préventif qui permet de se protéger du VIH - de donner du sang. Tandis que ceux qui la prennent, qui comportent donc le moins de risques, ne peuvent pas donner leur sang. Or aujourd'hui, dans la communauté LGBT, beaucoup de personnes prennent la Prep, vu qu'il n'y a toujours pas de vaccin". Un avis que partage Aides : "La Prep ayant prouvé son efficacité très haute avec l'étude Prévenir, ne pas intégrer ses usagers démontre une incompréhension des stratégies de santé sexuelle par les pouvoirs publics".
A cette interrogation, l'établissement français du sang répond que "la prise de ces traitements entraine un ajournement de 4 mois car elle peut interférer avec le dépistage du VIH effectué lors des dons. L’ajournement de 4 mois permet de garantir la fiabilité des tests de dépistage et donc la sécurité des malades transfusés".