"Faire barrage à l'extrême-droite" : un courriel de la présidente de Nantes Université fait polémique

Dans un courriel envoyé à l'ensemble de la communauté universitaire, Carine Bernault, présidente de Nantes Université, appelle à "faire barrage à l'extrême-droite". Un message condamné par une partie des étudiants et de la sphère politique.

Le courriel a été envoyé ce mercredi 13 avril peu après 15 h à tous les étudiants et à tout le personnel de Nantes Université, soit près de 40 000 personnes, étudiants et professeurs. 

La discrimination, l’exclusion, le repli sur soi ne seront jamais une solution. La différence est une richesse, la contradiction est l’essence même de l’université. Parce que les fondements de notre société sont en cause, je vous appelle solennellement à voter le 24 avril pour faire barrage à l’extrême droite et donc au Rassemblement National.

Carine Bernault, Présidente de Nantes Université

Cet appel à ne pas voter pour la candidate Marine le Pen lors du second tour de l'élection présidentielle fait suite, selon Nantes Université, à un communiqué publié par France Universités, une association qui rassemble les dirigeants d'universités dont l'objectif est "de porter la voix des universités dans le débat public.".

France Universités invite explicitement à voter Emmanuel Macron pour le second tour de l'élection : "Les idées et principes véhiculés par la candidature de Marine Le Pen sont résolument d’extrême droite. Son programme est contraire à nos valeurs, comme chercheurs, comme enseignants, comme dirigeants d’établissements, mais d’abord comme humanistes".

Des réactions houleuses

Si Carine Bernault a reçu des messages de soutien et de remerciements de la part de certains étudiants et de professeurs, le message n'a pas été accueilli favorablement par toute la communauté universitaire, avec des messages, parfois virulents, sur les réseaux sociaux. 

La sphère politique n'a pas tardé à réagir, en pointant du doigt une violation du droit de réserve. "La prise de position de la présidente de l'université de Nantes, en violation des règles de neutralité qu'impose sa fonction, est une faute lourde.", tweete le président du Rassemblement national Jordan Bardella.

L'antenne du Rassemblement National en Loire-Atlantique appelle la présidente de l'université "à présenter ses excuses à ses élèves, enseignants et personnels".

Axel Cazenave, responsable adjoint des jeunes Républicains et délégué en Loire-Atlantique a également condamné la prise de position de la présidente d'université. 

La sénatrice de Loire-Atlantique Laurence Garnier (LR) a également fait part de sa désapprobation. "L'utilisation des fichiers étudiants @NantesUniv à des fins électorales par sa Présidente est parfaitement inappropriée. La loi s'impose à tous", a-t-elle écrit sur twitter.

Le syndicat FO a aussi désapprouvé dans un communiqué le message envoyé par Carine Bernault. "En utilisant votre position pour communiquer sur des listes incluant tous les personnels et tous les étudiants vous ne respectez pas la neutralité inhérente à votre fonction, comme vous ne respectez pas le règlement intérieur de l'Université", dénoncent-il, en relayant un courriers de parents d'étudiants allant en ce sens : "Nous sommes choqués qu’une telle campagne soit relayée par l’école de la république qui devrait se montrer exemplaire en termes de neutralité et garantir le respect de la loi de 1905, contre toute forme de prosélytisme. Nous estimons qu’il revient aux acteurs politiques de relayer leurs professions de foi et de mener campagne"

Le syndicat étudiant FAGE partage la position de Carine Bernault et appelle à empêcher le victoire du RN : "Alors que Marine Le Pen prône des politiques discriminatoires, le repli sur soi et le rejet de l’autre, la FAGE se bat quotidiennement pour une société juste, égalitaire et une prise en compte à tout prix des enjeux climatiques". Selon son président, Paul Mayaux : "L'action de la présidente de Nantes Université est logique, à notre sens, même si elle peut être discutée. Cet appel à faire barrage est partagé avec une large partie de la communauté universitaire car l'élection d'une présidente d'extrême droite serait catastrophique pour tout ce pour quoi on travaille au quotidien".

Sortir du "devoir de réserve" ? 

Selon l'Article 7 du règlement intérieur de l'Université de Nantes : "Les Personnels sont notamment tenus au devoir de réserve, à la discrétion professionnelle et au respect des principes de laïcité et de neutralité politique et religieuse du service public".  La question se pose alors de savoir si la fonction de président d'université, attribuée suite à une élection au sein du conseil d'administration, entre dans la définition du "personnel".

David-André Camous, avocat et enseignant-chercheur spécialisé en droit public à Sciences Po Lyon souligne que "l'universitaire a une liberté de parole mais doit aussi assurer la neutralité et le fonctionnement de l'institution sans provoquer de tension"

En 2006, François Resche, le président de l'Université de Nantes, ainsi que ceux de Toulouse-Le Mirail et Nanterre avaient pris position contre le contrat première embauche (CPE). La question de la neutralité des présidents d'universités a été posée au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche Gilles de Robien. Il répond alors : 

Les agents publics sont libres de participer pleinement à l'activité politique du pays. Ils doivent toutefois observer une certaine retenue dans l'extériorisation de leurs opinions et ne pratiquer aucune discrimination à caractère politique entre les usagers du service public de l'enseignement supérieur (...) Le président d'université, en sa qualité d'enseignant-chercheur, jouit par ailleurs, en application de l'article L. 952-2 du code de l'éducation, d'une pleine indépendance et d'une entière liberté d'expression dans l'exercice de ses fonctions d'enseignement et de recherche, sous les réserves que lui imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du même code, les principes de tolérance et d'objectivité fixées par l'article L. 141-6.

Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en 2006.

Cette prise de position n'est pas inédite.

Ce n'est pas la première fois qu'une telle prise de position est assumée par un président d'université.

Avant le second tour de l'élection présidentielle de 2017, qui opposait également Marine le Pen et  Emmanuel Macron, plusieurs présidents d'universités  avaient déjà appelé à ne pas voter pour le FN (aujourd'hui RN) en adressant des courriels aux étudiants. Contactée, Nantes Université n'a pas souhaité s'exprimer. 

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