"J'y ai élevé dix enfants et nous avons été très heureux", l'immense immeuble HLM du Sillon de Bretagne fête ses 50 ans

Il y a 50 ans était inauguré le Sillon de Bretagne. L'ensemble architectural, véritable repère visuel du nord de la métropole nantaise, compte aujourd’hui 800 logements et près de 2500 habitants. Il a vu défiler des générations entières d’Herblinoises et d’Herblinois. Le plus connu d’entre eux, Jean-Marc Ayrault, ancien maire de Saint-Herblain et Nantes, ancien Premier ministre, y a vécu 6 ans à la fin des années 70.

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Avec ses 100 mètres de haut, 1 km de long, Le Sillon de Bretagne est le plus haut immeuble HLM de l’Ouest. Son architecture atypique, à la fois pyramidale et triangulaire, en fait un repère incontournable du nord de l’agglomération nantaise. Le rêve des architectes de l'époque ? Construire une ville à la campagne.

"J'y ai élevé dix enfants"

Maggy Desouches, doyenne du quartier, y a passé toute sa jeunesse, elle en garde de précieux souvenirs. "J'y ai élevé dix enfants. Bien sûr, je ne travaillais pas, j'étais une mère au foyer. Nous avons été heureux ici", dit-elle avec au fond des yeux une pointe de nostalgie. "À l'époque, l'immeuble était entouré de vallons, on se retrouvait entre famille, il y avait, les Algériens, les Tunisiens, les Portugais, les Indonésiens. Nous apportions des couvertures et on se retrouvait sur l'herbe lorsqu'il faisait beau ou pendant les périodes de vacances. On était toujours ensemble."

Les générations ont changé, les habitudes aussi. Aujourd'hui la vie est bien plus dure. Financièrement, les familles ne s'en sortent pas

Maggy Desouches

Habitante du Sillon de Bretagne

Assise dans un fauteuil, elle regarde les murs du salon et les photos de cette famille nombreuse aujourd'hui éparpillée. Autrefois très active, elle a été patronne de la troupe théâtrale du Sillon, et très investie dans les activités du centre socioculturel, Maggie est souvent seule désormais. Avec l'âge et sa colonne vertébrale qui l'a fait souffrir, elle sort moins.

De toute façon, "Il n'y a plus de commerce, plus rien à proximité. Il fallait voir avant la galerie qu'on avait. Moi, j'ai connu des marchés souterrains, des magasins, la Poste, on avait tout". Et aujourd'hui ?  "Il n'y a plus rien. En vêtement, vous avez Bréal, terminé, point final, heureusement, il reste Auchan !"

 

Les premiers des 4 000 logements sont livrés en 1971, très vite les locataires déchantent. Les tuyauteries d'eau chaude ne fonctionnent pas. Les coupures sont quotidiennes, les habitants sont exaspérés et décrivent à l'époque un immeuble neuf et déjà insalubre, "des halls d'entrée infects, des couloirs sales", un bâtiment trop grand". Ils n'ont qu'une hâte, partir pour aller vivre en pavillon.

Même Jean-Marc Ayrault alors jeune maire de Saint-Herblain et habitant du Sillon, dépeint en 1977 un triste décor.

Je suis hostile à ce genre de construction et de concentration urbaine. Le Sillon de Bretagne, c'est 4000 habitants, un seul immeuble, 30 étages. C'est un véritable scandale !

Jean-Marc Ayrault en 1977

Maire de Saint-Herblain

"Ce qui est en cause finalement, c'est toute une conception d'urbanisme, c'est non seulement le Sillon de Bretagne, mais ce sont aussi toutes ces grandes banlieues dortoirs", ajoutait alors celui qui allait devenir des années plus tard maire de Nantes et Premier ministre.

 

100 millions d'euros de réhabilitation

Après une première phrase de réhabilitation à la fin des années 70, C’est entre 2011 et 2014, que le bâtiment se transforme de façon spectaculaire, suppression d'appartements au profit de bureaux, travaux énergétiques, construction d’une médiathèque et d'un pôle de services publics.100 millions d'euros sont engloutis dans cet immense chantier.

"C'était énorme, on l'a très mal vécu. Le bruit était infernal. On a souffert et pour avoir ce résultat ? Par contre, le parc qui a été fait est impeccable ! ", admet l'octogénaire. 

Marie-Thérèse, 86 ans, et Rosalie, 74 ans, arrivent bras dessus bras dessous. Elles aiment se retrouver sur un banc pour parler de la vie, de la pluie et du beau temps. 

"Ils ont très bien aménagé, renouvelé, transformé. Cette espèce de ville qu'ils avaient créée avec ses grandes avenues, ces longues coursives sans ascenseurs, c'est vite devenu ingérable", raconte Marie-Thérèse. "C'était lugubre ! ", insiste Rosalie.

Aujourd'hui les gens s'y trouvent bien 

Marie-Thérèse Bernier

Habitante du quartier depuis 56 ans

Les deux amies aiment le quartier et participent régulièrement à la vie associative. "Moi ce que j'aime c'est la mixité. J'aime les étrangers, j'aime être en contact avec eux, la richesse de nos échanges, de nos partages.

Rosalie Rayer, 74 ans

Habitante du Sillon de Bretagne

"Ils sont généreux, on découvre leur coutume, leur cuisine. Il y a une vraie mixité ici. C'est très rare de voir ça", ajoute Rosalie.

"Les jeunes restent entre eux"

Ce qui est immuable, c'est la convivialité, "tout le monde me connait depuis 44 ans que je vis ici. Je n'ai jamais eu de problèmes, même pas avec un voisin. Il y a un côté chaleureux." 

Les jeunes, Maggie les croise moins, "ils restent entre eux".

Quand je fais mes courses et que j'ai besoin d'aide, il y en a toujours un pour porter mon panier. Et quand je propose la pièce, ils refusent toujours. Ils font ça par pure générosité

Maggy Desouches

Habitante du Sillon de Bretagne

Voir le reportage

76 % des habitants trouvent le quartier agréable

Avec un taux de pauvreté de 64 % le Sillon de Bretagne est aujourd'hui le quartier prioritaire de l'agglomération nantaise le plus touché par la précarité. Mais, il est surtout le plus aimé par ses habitants, 76 % d'entre eux y trouve le quotidien agréable. À 87 ans et malgré les étages difficiles à monter lorsque l'ascenseur est en panne, Maggy Desouches n'envisage pas sa fin de vie ailleurs qu'ici.

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