L'aide sociale à l'enfance dans la rue face à une crise des vocations

Ce jeudi 10 novembre, les salariés de l'Aide Sociale à l'Enfance de Loire-Atlantique ont rejoint le cortège de la manifestation pour les salaires. Auparavant, ils s'étaient rassemblés devant l'Hôtel du Département. Leurs métiers n'attirent plus et cela pose de graves problèmes.

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Manque de moyens financiers ? Pas vraiment en fait. Ce qui manque, ce sont les candidats pour occuper les postes. Au point que les agences d'intérim sollicitées envoient parfois des personnes non qualifiées pour boucher les trous dans le planning de l'aide sociale à l'enfance, en Loire-Atlantique.

"On nous envoie des animateurs ou même des non diplômés là où il faudrait des éducateurs spécialisés et des assistantes sociales" déplore Marie Baudequin qui reconnaît que depuis quelques temps "on met des moyens sur la table".

"Il faudrait une embauche massive de personnels"

"Il y a une volonté politique, constate la déléguée CGT de l'ASE, l'Aide Sociale à l'Enfance. Mais il y a une vraie crise des vocations.. Même si on met les moyens, les équipements, il faut aussi y mettre les personnels. Il faudrait une embauche massive de personnels pérennes."

Vanessa* travaille au siège de l'ASE 44 et confirme la situation. "Certains (éducateurs spécialisés) arrivent et au bout de trois jours disent : ce que je vois ne m'intéresse pas. Et ils s'en vont." 

Manque de vocations pour les professionnels de l'aide sociale à l'enfance mais aussi pour les familles d'accueil. Beaucoup sont vieillissantes ou refusent certains profils d'enfants trop violents.

Les places manquent pour les très jeunes enfants mais aussi pour ceux qui présentent des problématiques multifactorielles. Comment accueillir un jeune qui pourrait agresser sexuellement un autre jeune accueilli en foyer ou un enfant d'une famille d'accueil ?

Il faut plus de structures adaptées à ces cas difficiles.

Faute de places, des bébés attendent à l'hôpital, des mineurs vivent à l'hôtel, d'autres attendent trop longtemps dans des familles à problèmes et lorsqu'ils arrivent dans un foyer présentent des problématiques lourdes parce qu'anciennes.

"Les équipes craquent avec des jeunes qui ont attendu trop longtemps"

"On a des jeunes qui vont de plus en plus mal et qui ont des actes d'agression contre les personnels éducatifs ou de direction, témoigne Vanessa. Les équipes craquent avec des jeunes qui ont attendu trop longtemps et qui multiplient les troubles. On a des places mais trop peu pour ces jeunes qui nécessitent un accueil particulier."

"On a des établissements qui dysfonctionnent par manque de personnel"

Une salariée de l'Aide Sociale à l'Enfance

Pour la première fois, ce mot d'ordre de grève et de rassemblement dans le secteur de la protection de l'enfance mobilisait aussi dans le secteur associatif.

Thomas Voisin, délégué syndical SUD Santé Sociaux à l'association Saint-Benoît Labre, confirme le constat dans son service de protection de l'enfance. "Notre direction nous a avoué que 70 % des éducateurs ont moins d'un an d'ancienneté tant le turn over est important, dit-il. Il faudrait aussi plus de concertation avec le Département qui nous impose parfois des des décisions violentes comme des fins de prise en charge pour des personnes qui nécessiteraient pourtant d'être encore accompagnées."

Une mobilisation nationale est annoncée chez les travailleurs sociaux pour le 29 novembre.

Un rapport inquiétant de l'IGAS

L'aide sociale à l'enfance va mal. Et le récent rapport de l'IGAS, l'Inspection Générale des Affaires Sociales, le confirme après le décès au Mans il y a un an d'un bébé victime de mauvais traitements. Un cafouillage entre les services de l'ASE et de la Justice avait empêché qu'il soit retiré de sa famille et mis à l'abri "alors qu’il faisait l’objet d’une mesure de protection de l’enfance" dit le rapport qui constate également : "La saturation de l’offre concerne également les placements, notamment pour la tranche des 0-3 ans, dans un contexte marqué par des flux soutenus de départs en retraite des assistantes familiales."

"La persistance de ces risques laisse craindre la réitération de telles situations" conclut le rapport.

"On prend des risques tous les jours avec les gamins qu'on prend en charge", se désole la déléguée CGT Marie Baudequin.

Ce jeudi 10 novembre, quelques 70 professionnels de l'aide sociale à l'enfance de Loire-Atlantique se sont rassemblés devant l'Hôtel du Département avant de rejoindre le cortège de la manifestation pour les salaires en centre-ville.

* Le prénom a été changé

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