L'université de Nantes reçoit un Emmy award pour la création d’un algorithme de compression de vidéo pour Netflix

L’université de Nantes vient d’obtenir un Emmy award, une récompense américaine remise par l’Académie des arts et des sciences de la télévision, dans le cadre de sa collaboration avec la plateforme Netflix. 

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C’est un événement pour les universités en France, c’est la première fois qu’une université française a ce prix. C’est le laboratoire de sciences numériques (LS2N) de Polytech Nantes qui est à l’origine de ce travail. 

"J’étais en réunion sur Zoom, j’ai vu passer un mail, je me suis dit, tiens, c’est un spam, raconte Patrick Le Callet, professeur à Polytech Nantes et chercheur au Laboratoire des sciences du numérique de Nantes (LS2N - Université de Nantes - CNRS - Centrale Nantes - IMT Atlantique)

"Le lendemain, je reçois un autre message de l’académie des Emmy : une personne me demande mon adresse physique, là, je me dis cela fait deux fois et je réponds poliment tout en me disant que je réponds peut-être à un spam". 

Lors d'une réunion avec Netflix, Patrick Le Callet comprend que ce n'est ni un spam, ni une blague, mais belle et bien la réalité. "Derrière une énorme communication, c’est la première fois qu’une université reçoit un prix comme celui-là".

C’est vraiment un truc énorme et ce n’est pas notre culture en France de récompenser la technologie. Les Américains font ça et je ne savais même pas que cela existait.

Patrick Le Callet

 

Un encodeur nommé VMAF (Video Multimethod Assessment Fusion)

Les chercheurs de l’IPI (Image Perception et Interaction) se sont penchés sur la perception visuelle ou comment améliorer simplement un flux d’images vidéo. 
L’idée est d’améliorer la compression des vidéos pour rendre les flux vidéos plus légers sans perdre en qualité.

"Nous avons développé une manière de prédire la qualité d’une vidéo telle qu’elle va être perçue par les humains. L'Emmy, on l’a pour une innovation ouverte, quand on met une vidéo en entrée, l’algorithme va être capable de dire quelle est la qualité perçue par les humains. Cela permet d’optimiser les recettes de compression", explique Patrick Le Callet.

Le fait de compresser est intéressant, car on va pouvoir diffuser sur des tuyaux plus contraints, là où on a des débits limités, le poids de stockage et de diffusion est également important car il va diminuer l’empreinte écologique

"L’objet de l’innovation est un algorithme en open-source qui permet de compresser au plus juste, en gardant un maximum de qualité. Là, avec Netflix, nous avons eu la possibilité de tester à très-très grande échelle le résultat, il est tout de suite visible", poursuit le chercheur.


Un travail d'équipe

"À l’époque nous avions les formats audios type MP3 qui jouaient sur la même chose. La question était, qu’est-ce que l’on peut enlever des fréquences ou des sons que l’on ne peut pas entendre ? Si l’on n’a pas à le transmettre, à le compresser et l’archiver, c’est déjà ça de gagné."

C’est un peu le début de la grande aventure, qui va pousser Patrick Le Callet à s’intéresser non pas au son, mais à la vidéo. "On a beaucoup travaillé là-dessus, comment optimiser la compression, comprendre le système visuel humain, mieux comprendre ses limites". 

Des études importantes, pendant plusieurs années, en interaction avec plusieurs disciplines, comme "un professeur ophtalmologue spécialiste en neurosciences, des spécialistes en interface humain-machine, des informaticiens, des doctorants, que j’étais amené à encadrer, venaient soit du traitement de signal, soit de l’informatique, soit de la psychologie cognitive".

 

Les trois piliers de la recherche

"Le premier pilier est de développer des technologies expérimentales avec des humains pour comprendre comment celui-ci fonctionne. Le deuxième est plus comment créer des modèles algorithmiques qui vont exploiter ces données afin de déterminer comment on perçoit les couleurs, ce qui attire notre regard, etc… Et puis dernier pilier, est comment appliquer cela dans la technologie qui produit et diffuse de l’image avec, en bout de chaîne, les humains." 

Beaucoup de travail, de succès, et un jour les géants du numérique arrivent. "Je date cela de 2014, l’écosystème européen se pose alors beaucoup de questions là-dessus, et on est en train de se faire doubler par les géants du numérique, mais les géants du numérique viennent me voir. Pour certains, c’était la première fois qu’ils venaient hors des États-Unis sur ces sujets-là. C’était Netflix !", et sa capacité de financement en mode mécénat.

Nous avons pu parler rapidement de la propriété intellectuelle, des aspects légaux et, du coup, on n’a pas mis trois mois à se mettre d’accord. Netflix est donc le premier à nous financer en mode mécénat.

"Les outils que nous avons développés pour lesquels nous avons eu l’Emmy Award, ce sont des outils d’innovation ouverts, c’est tombé dans le domaine public. Le financement a pu également marcher car il y avait deux supports, CAPACITÉS qui est la filiale privée de l’Université de Nantes, spécialisée dans l'ingénierie de projets innovants et le Laboratoire des sciences du numérique de l'Université de Nantes, c'était un peu un OVNI dans le monde universitaire français". 

Cela a été aussi très décisif pour être très réactif vis-à-vis de gros groupes américains, comme Netflix : "On est en France, mais on a, en face, des bons acteurs capables de discuter. On parle de dons, on a la fondation Capacité, on parle d’innovation, on a le Laboratoire".

 

Facebook, YouTube, Amazon, les autres géants arrivent

"Depuis, il y a Facebook, YouTube et nous avons aussi d’autres contrats en direct comme ByteDance, Amazon et d’autres, nous sommes identifiés comme un gros centre de référence, nos doctorants sont débauchés avant d’avoir terminé leur thèse, avec des salaires inimaginables." 

Pour la petite histoire, je pars avec un doctorant à la Silicon Valley, je suis revenu tout seul car Apple a mis le grappin dessus. Moi, je suis le seul qui reste, mais j’ai ma liberté, je n’ai pas la pancarte Netflix même si c’est Netflix qui est venu le premier.

Patrick Le Callet

 "Il y a des entreprises avec qui je fais des négociations ouvertes et il y en a avec qui je n’en fais pas. C’est un modèle de financement qui marche bien et qui nous a rendus très visibles".

 

Cet Emmy Award, c’est l’arbre qui cache la forêt

Patrick Le Callet ne veut pas en rester là, avec cette expérience et son algorithme autour de l’humain et la vidéo, il vise d’autres domaines d’applications. "Toutes ces connaissances, surtout sur l’aspect protocole expérimental et modèle associés, on peut le faire sur beaucoup de choses comme l’alimentaire, les produits manufacturés, de l’ergonomie en interaction humain et robot, tout cela, c’est des choses qu'il me tarde de ramener vers notre écosystème, qu'il soit ligérien, national ou européen". 

"Moi, j’utilise beaucoup les IA (intelligence artificielle) pour comprendre ce que font les humains. Aujourd’hui avec des algorithmes d’IA, je souhaite comprendre comment ils fonctionnent, car ils deviennent quasiment aussi compliqués que les humains, pour améliorer la collaboration humain et la machine".

Quels sont les domaines d’applications ? " Évidemment il y a tout ce qui est audiovisuel, la compression, moi ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est comment on interagit avec une intelligence artificielle, comment on peut comprendre et rendre acceptable la collaboration humain-machine notamment avec les Tchatbots".

"On travaille aussi sur l’expérience du goût, sur la robotique agricole pour savoir comment on peut aider, assister, notamment dans la culture maraîchère avec des machines intelligentes pour éviter les gâchis alimentaires. Ce qui m’a toujours intéressé, c’est de comprendre comment les humains fonctionnent et à partir de ça qu’est-ce qu’on en fait en technologie. C’est énorme, c’est du cognitif-computing au cœur de mes activités", conclut le chercheur de l'Université de Nantes.

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