Depuis la rentrée, la Semitan, l'opérateur des transports publics de Nantes Métropole expérimente avec Écovélo un service de trottinettes associées dans le quartier de la Chantrerie. Un "quartier campus" d'activités denses et résidentiel propice à l'émergence de nouvelles mobilités.
Se déplacer en trottinette électrique, de nombreuses villes en font l'expérience sous des formes différentes. En général sous la forme de "free-floating", en libre-service. On prend une trottinette là où on la trouve, et on la laisse là où on s'arrête. L'exploitant propriétaire s'occupe de récupérer ses trottinettes le soir, de les entretenir et de recharger la batterie. Une solution qui présente de nombreux inconvénients.
Le premier inconvénient, c'est l'occupation désordonnée des trottoirs par des trottinettes abandonnées par centaines par les utilisateurs. Fin de trajet, ou épuisement de la batterie. Second inconvénient, la circulation anarchique des trottinettes. En principe limitées à 25 km/h, leur usage vient perturber les cyclistes et surtout les piétons qui doivent composer avec cette mobilité nouvelle. Le piéton qui reste toujours le gêneur, et la victime en quelque sorte, des mobilités motorisées.
Pour l'instant la métropole de Nantes n'a pas donné suite aux demandes des opérateurs de free-floating. Pour autant elle expérimente depuis la rentrée de septembre une solution intermédiaire dans le quartier de la Chantrerie au nord de la ville. Un quartier récent, peu dense, composé de logements, de campus universitaires, d'un hôtel 3 étoiles, d'un restaurant coté, et où vit une population plutôt jeune et moderne.
Le laboratoire Lemon
La métropole nantaise a créé Lemon, un laboratoire d’expérimentation des mobilités, en association avec la Semitan, qui fait rouler les bus et les trams, et Transdev, un opérateur de transports publics. Lemon développe un programme d’innovations partagées pour penser la mobilité de demain et notamment favoriser le recours aux transports publics, plutôt qu'aux solutions individuelles.
Ce service de trottinettes, mais aussi de vélos, électriques, en libre-service sur la Chantrerie, est l’innovation choisie pour cette année 2021. L'expérimentation est prévue sur deux ans. Pour voir comment on peut contenir un développement anarchique de l'usage de la trottinette électrique, et pourtant en développer l'usage pour les trajets terminaux.
L'usage est soumis à un abonnement spécifique à l'appli Captain Bike, et devrait être intégré à l'abonnement Libertan. "Dans quelque temps" indique Pierre Lemeleder d'Écovélo qui gère le dispositif nantais. Contrairement aux libres services rencontrés ailleurs, on passe ici par une inscription volontaire de l'utilisateur. Les trottinettes, ou les vélos, sont disponibles dans six stations réparties dans le quartier.
On les y dépose en fin d'utilisation. À la manière des vélos Bicloo ou des autos partagées Marguerite. "L'utilisation démarre doucement, surtout en début et fin de journée", ajoute Pierre. Idéal pour prolonger un trajet depuis le centre de Nantes en bus jusqu'à son école.
J'ai testé pour vous
Au terminus du bus C6, "Chantrerie Grandes Écoles", impossible de ne pas voir le dispositif d'accueil. Une borne informative et quelques vélos à assistance électrique et trottinettes électriques sont à disposition. Il suffit de scanner un QR code pour arriver sur le formulaire d'inscription au service. Il faut renseigner un numéro de carte bancaire, fin de validité, code à trois chiffres, attendre l'autorisation de la banque, rien que de très classique. En cinq minutes devant les vélos, le compte est créé et la première trottinette réservée. On peut aussi télécharger l'appli.
Réservée, et débloquée. La trottinette se déverrouille, le dispositif clignote, bippe bruyamment, parle, on se croirait dans "La guerre des étoiles" ! Impressionnant. Alors on part, bizarre la trottinette ne démarre pas comme on le penserait. Faut-il faire quelques mètres en poussant avec le pied ? Appuyer très fort sur le bouton on / off ? Après quelques tâtonnements, la chose démarre, on "fonce" vers les bords de l'Erdre.
Les défauts de la rue secouent fort les deux bras, la chose peine dans les pentes et s'emballe presque dans les descentes. Oups un piéton ! Le freinage est un peu raide. Mais l'objet et son utilisateur restent debout. Huit minutes après la réservation et trois kilomètres plus loin, on s'arrête sur la rive de l'Erdre.
La station pour rendre la trottinette est à proximité devant le manoir de la Régate. On emboite la chose dans son support, qui parle de sa voix synthétique une langue quasiment incompréhensible, clignote et bippe de nouveau comme un forcené. R2D2 sort de cette machine !
À la station n°2 c'est la sortie des cours. Plusieurs étudiants, s'informent et observent. "Sympa pour s'amuser", dit l'un. "Compliqué s'il faut créer un compte", lui répond son camarade. "Et si on ne rend pas la trottinette ?" Ben... on doit payer un maximum.
Car si les 15 premières minutes sont gratuites, la minute supplémentaire est facturée 10 centimes d'euro. Soit 6 euros de l'heure. "Si à Paris ils faisaient comme ça, on ne retrouverait pas les trottinettes dans la Seine", conclut, laconique, un troisième.
Amusant, les stations disposent d'un poteau "vélo en panne". Pour y accrocher un vélo défectueux et ne pas bloquer les autres. Car ici on ne trouve pas une borne pour chaque vélo, ils sont chainés les uns aux autres. La notion de "station pleine" n’existe pas sur ce service, on peut toujours accrocher un vélo "en caddie" à un vélo déjà en station.
Pas besoin de courir après des places de stationnement libres donc, toutes les stations sont toujours disponibles pour le rendu du vélo ! Autre avantage la chaine sert d'antivol pour un arrêt minute. Pas mal !