Nantes : "Où est Steve ?", le mouvement prend de l'ampleur, les proches du jeune homme demandent justice

Des affiches en ville et sur des statues, une "veille" organisée quai Wilson et une plainte sur les causes de la disparition de Steve Caniço. Les proches de Steve conjuguent leurs efforts pour que la lumière soit faite sur les conditions du drame qui s'est déroulé la nuit du 21 au 22 juin dernier

Pas question de laisser retomber la pression. De laisser imaginer que la disparition de Steve le soir de la fête de la musique ne serait due qu'à un hasard malheureux. 
Plusieurs acteurs de la vie culturelle nantaise ont décidé de relayer tant qu’ils le peuvent, la question "Où est Steve ?".

Très vite après la soirée du drame, des danseurs sont venus sur le quai Wilson, rendre hommage au jeune homme, à la danse et à la fête. En silence et en geste.
Ensuite, ce sont les dessinateurs qui ont pris le relai, en affichant sur les statues de l'œuvre installée place Royale à Nantes, puis partout dans le centre-ville des affiches sobres, blanches, ne portant qu'une inscription. La lancinante question.Manière de dire que la disparition de Steve et surtout, les conditions de sa disparition doivent continuer d'être questionnées.
Car pour l'heure, de la part des autorités, c'est le silence qui prévaut. "A part quelques prises de positions individuelles, comme le note Eric Chalmel (Frap) l'un des dessinateurs à l'origine des affichettes, on sent que tout le monde veut enterrer l'affaire"
 

Ce que sous-tend cette question "Où est Steve ?" c'est bien le dispositif de dispersion utilisé ce soir-là par la police pour faire éteindre le dernier sound system, qui à 4h30 du matin, le soir de la fête de la musique, jouait les prolongations. "Le fond du problème c'est qu’on n’appelle pas une police anti-émeute pour disperser une fête... c'est incroyable !" s'insurge encore le dessinateur.

« Je pense qu’une opération têtue comme celle-là, nous explique Eric Chalmel, c’est une façon de dénoncer le caractère ultra-violent de la répression policière sur des jeunes qui faisaient une fête et avaient simplement dépassé l’horaire ! »

La vigilance des proches

Tandis qu’en ville la disparition de Steve occupe l’espace public, au pied du seul bâtiment du quai Wilson, les amis de Steve, veillent. "On est là, de 8h à 3h du matin. On essaie de toucher le maximum de personnes, on aimerait que tout le monde se mobilise et se pose la question" explique Anaïs, une amie du jeune homme disparu. « Se voir ici c’est un moyen de ne pas lâcher. On le fait pour sa famille, pour nous, pour tous, renchérit Maël.
 
Les amis de Steve scrutent la Loire, observent, ont déjà alerté deux fois les autorités. Parce qu’ils avaient aperçu d’abord un sac qui flottait, puis une forme longue et inerte qui s’est avérée être un silure mort. La seule chose qu’ils affirment ne pas voir ce sont des bateaux de recherche. Ici sur ce bout de quai, on a l’impression que les investigations sont au point mort...

De nouvelles enquêtes ouvertes

Pourtant le procureur de Nantes a indiqué avoir mobilisé d’importants moyens de recherches ainsi qu’un hélicoptère.
Pierre Sennès a aussi annoncé mardi 16 juillet, l’ouverture de deux enquêtes.  L'une d'elles,  pour "mise en danger de la vie d'autrui et violences volontaires par personnes dépositaires de l'autorité publique", vise l'action des policiers dans la nuit du 21 au 22 juin. Cette enquête judiciaire a été confiée par le procureur à l'IGPN, la police des polices.

La seconde enquête a été ouverte pour "violences sur personne dépositaire de l'autorité publique". "J'ai reçu dix plaintes de policiers qui ont été blessés lors des événements de la Fête de la musique » a t-il indiqué à nos confrères de France Info. C'est la police judiciaire qui se chargera de cette enquête.

Deux autres enquêtes sont déjà en cours : une enquête administrative de l’IGPN demandée par Christophe Castaner et une du défenseur des droits qui s’est autosaisi.

Si l’espoir de retrouver Steve s’amenuise, celui d’être enfin entendu par la justice est relancé par les dernières annonces du Parquet.
Car,« jusqu’ici, confie Marianne Rostand, l’avocate du collectif Média-Son qui a porté la plainte collective au nom de 89 personnes dès le 3 juillet, personne parmi les proches de Steve n’a été auditionné » .
 

L'analyse des vidéos de l'intervention policière


De son côté, le journal Libération a travaillé sur les vidéos amateur tournées le soir de la fête de la musique. Une quinzaine d'extraits vidéos, issues de 4 sources différentes, qui depuis le 22 juin, ont circulé sur les réseaux sociaux.

En récupérant les fichiers originaux, les journalistes ont pu accéder aux "métadonnées", ces informations qui incluent notamment l'heure de la prise de vue. C'est ainsi que le journal a pu reconstituer l'essentiel de la charge, de 4h31 jusqu'à 4h52.

Journaliste à Libération, Ismaël Halissat nous explique ce que cette analyse permet de révéler : "Contrairement à ce qu'avaient dit les autorités, il s'agit bien d'une charge qui a été préparée pour disperser la fête. Au tout début de la séquence, on voit les policiers un peu à l'écart du sound system, en train de se préparer, équipés en tenue de maintien de l'ordre. Puis ils vont avancer en ligne, à une dizaine, en direction du sound system. Donc c'est bien une charge préparée."


Plus grave, l'analyse des vidéos montre que dès la première minute, certains fêtards avertissent les policiers de la proximité avec la Loire. "Et deux minutes plus tard, à 4h34, il y a des fêtards qui cette fois-ci les avertissent qu'il y a deux personnes qui sont tombées dans l'eau. Ils viennent de commencer leur charge depuis 2 minutes. Et pourtant, pendant toute notre séquence de 21 minutes, on va les voir tirer des grenades lacrymogènes vers la foule et vers la Loire", explique Ismaël Halissat. 

Des éléments auxquels réagit Marianne Rostand, l’avocate du collectif Média-Son : "Il y a potentiellement d'autres faits qui pourront être révélés par les investigations, et notamment se pose la question de la non assistance à personne en danger. Alors qu'on a l'information, et que des jeunes sont en train de crier qu'il y a des personnes à l'eau et qu'elles sont en situation de danger, on n'a pas l'impression que l'intervention des forces de l'ordre soit stoppée à ce moment là."
 

 
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