Nantes. Le procès des collages féministes reporté en novembre 2022 : "Dix mois c'est long, ma vie est déjà en suspens depuis un an et demi", confie Marianne Thion, l'une des prévenues

Le procès des 4 militantes appartenant au collectif de collages féministes de Nantes a été reporté au 28 novembre 2022 en raison de l'absence de la présidente du tribunal. Pour les co-prévenues, la déception est grande. Marianne Thion est l'une d'entre elles. Confidences sur sa vie chamboulée depuis le 14 juillet 2020.

« Je me sens comme une boxeuse qui a préparé son match durant des mois et qui se fait renvoyer directement au vestiaire ». En sortant du palais de justice de Nantes ce lundi 21 février Marianne Thion est déçue. Et elle n’est pas la seule. Ses trois co-prévenues, elles aussi, accusent le coup. La présidente du tribunal correctionnel de Nantes est malade et non remplacée. Leur procès est reporté de 10 mois, au 28 novembre 2022. «  Dix mois c’est long. Ma vie est déjà en suspens depuis un an et demi, depuis le 14 juillet 2020, jour de mon interpellation », avoue la militante.

Liberté égalité impunité  

Dans la nuit 14 juillet 2020, jour de fête nationale, à Nantes, six membres du collectif collages féministes de Nantes, dont Marianne Thion, se donnent rendez-vous pour une opération de collage militant.

Elles tapissent les murs d’une banque de lettres noires sur fond blanc. Leur méthode d’action. Des lettres qui forment trois mots : « Liberté, Egalité, Impunité ». Trois mots qui visent alors Gérald Darmanin tout juste nommé ministre de l’intérieur et accusé de viol (l’enquête dans ce dossier a mené vers un non-lieu).

Quelques instants plus tard, elles croisent deux policiers qui leur demandent de se soumettre à un contrôle de leurs sacs. Elles refusent, estimant à cet instant n’avoir rien à se reprocher. Le contrôle dégénère. « Je n’ai pas voulu me laisser faire. Le ton est monté. Je me suis sentie projetée au sol, plaquée violemment », se remémore Marianne. Des renforts sont appelés. « Ils devaient être une petite vingtaine pour nous six.»

Les militantes sont interpellées et placées en garde à vue dans la foulée durant 21 heures. « Un cauchemar » , précise Marianne. « J’étais assistante sociale du travail, mes droits, je les connaissais ça ne leur a certainement pas plu. Je me suis retrouvée isolée dans des conditions horribles : j’ai dû attendre une demi-heure qu’on daigne m’apporter du papier toilette, 12 heures pour voir mon avocat, et je n’ai pas eu le droit de prendre mon traitement médicamenteux de l’époque, traitement que je devais prendre à horaire régulier ».

Les policiers ont porté plainte. Sur les six militantes, quatre sont poursuivies pour rébellion en réunion sans armes. Marianne Thion paye le prix fort. Elle est aussi poursuivie,- et c’est la seule - pour violences volontaires sur personnes dépositaires de l’autorité publique n’ayant pas entravé d’ITT (Incapacité temporaire de travail). 

Je risque une peine maximale de 5 ans d'emprisonnement et une amende de 75 000 euros.

Marianne Thion, militante féministe

« Le premier médecin que j’ai vu 3 jours après ma garde à vue m’a fait un certificat à ma demande attestant du nombre et de la forme de mes lésions et bleus sur le corps. Mais d’après lui, cela ne nécessitait pas de jour d’ITT. Six mois plus tard en décembre 2020, dans le cadre d’une plainte que j’ai également déposée, je suis retournée voir un autre médecin légiste de l’unité médico-judicaire du CHU de Nantes, mandaté par l’IGPN (l’inspection générale de la police) qui m’a délivré 14 jours d’ITT.

Marianne souffre de stress post-traumatique. Elle en perd jusqu’à son emploi puisqu’elle est licenciée 15 jours après les faits pour inaptitude en août 2020. Elle a alors 52 ans. « Le médecin conseil de le sécurité sociale m’a examiné et validé mon invalidité 2ème catégorie. C’est dire mon état d'alors et les conséquences de cette soirée sur ma vie et ma santé. Cela n’arrive normalement jamais, et en tant qu’ancienne assistante sociale du travail, je peux vous dire que je connais ces situations. »  

Ne plus se taire

Il y a 15 mois, Marianne Thion a même quitté Nantes pour l’Auvergne, pour s’éloigner de ce passé douloureux. « Ma vie est entre parenthèses. Dans l’attente de mon procès évidemment, et parce que désormais j’ai peur de la police, j’ai arrêté toute action militante ».

Pourtant son engagement militant date d’il y a plusieurs années. Victimes de violences conjugales et de violences sexuelles durant deux années de sa vie, elle a milité pour ne plus se taire.

Notre procès c’est un peu le procès des violences faites aux femmes, et le procès de la colère des personnes qui ne veulent plus se taire.

Marianne Thion, militante féministe

Puis en décembre 2019, elle s’engage dans le collage féministe militant. « Pourquoi le collage ? Parce que la première fois que j’en ai vu à Nantes, j’ai aimé, ça pète à la gueule des gens, ça bouscule ».

Pour ses co-prévenues, âgées d’une trentaine d’années, l’attente aussi est très longue. Et le report du procès vécu comme une « punition ». Elles aussi parlent de troubles du sommeil, de l’appétit, d’angoisses et de difficultés à se concentrer dans leur quotidien. « Nous ressentons un sentiment d’injustice et d’acharnement », confie l’une d’elles.

Marianne aujourd’hui a 54 ans, deux fils de 21 et 23 ans « qui me soutiennent », et le féminisme à bras le corps. En témoigne le pin’s qu’elle arbore fièrement sur son pull « Fuck the patriarchy ». Et son franc parler. « Je m’appelle Marianne, comme la République, et je suis née un 4 août… la nuit du 4 août 1789 c’est l’abolition des privilèges féodaux. Il faut croire que j’étais prédestinée à faire suer le monde! »  

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