Ils sont Afghans et résident en France, les raisons de leurs venues sont diverses, ils ont choisi la France et s'y sont intégrés. Mais tous sont bouleversés par les évènements. L'Afghanistan occupe toujours une grande place dans leur cœur. L'espoir d'y retourner un jour s'amenuise.
L'Afghanistan retombe aux mains des fondamentalistes musulmans, et pour tous les Afghans de France c'est une très mauvaise nouvelle. Ils estiment leur population à 50 000 personnes sur le sol français. Nombre d'entre eux résident dans les environs de Nantes, y formant une petite communauté. Certains sont arrivés il y a plus de 40 ans, pratiquement avant les premiers conflits quand les Russes ont envahi leur pays pour contrer les Moudjahidines qui voulaient imposer la charia, la loi coranique.
Les Talibans menacent de rétablir l'interdiction de l'école aux femmes
Taher Youssufi était ingénieur agronome dans son pays, et membre du parti politique au pouvoir Le parti central démocratique. Les conditions de vie imposées l'on contraint de partir. "Je suis social-démocrate, rétablir les châtiments corporels, interdire l'école aux femmes, c'était impossible". Il est né à Helmand dans le sud-est du pays. Sa femme et ses trois enfants sont nés à Kaboul. Ils ont pu partir tous quatre vers la France qui les a accueillis en 1997. Lui a dû attendre de nombreux mois avant de pouvoir enfin les rejoindre.
"C'est tragique, c'est douloureux, grave, voir les Talibans au pouvoir c'est dur. La guerre dure depuis 1973..." Et il ajoute de sa voix un peu monocorde comme lasse de cette répétition de l'histoire, "le peuple afghan n'est pas terroriste, pas fondamentaliste".
Là-bas il a encore des sœurs, des frères, "ils sont partis au Kandahar, ou à Herat vers l'Iran". Taher Est inquiet pour eux.
Arrivé en France il a dû se mettre au Français, lui qui avait fait ses études en Anglais à Kaboul. "Ça été difficile, doucement je me suis intégré à la société française, c'est mon deuxième pays". Parlant cinq langues, il aide à la traduction de documents administratifs, se fait interprète entre Afghans et administration française. Il est traducteur de la langue Pachtoune.
Mes enfants sont nés à Kaboul
Kassim Osmani vit en France depuis sa jeunesse. "J'ai rencontré l'amour en France" dit-il avec un peu de malice. "Après le lycée je suis venu en France, j'ai rencontré ma femme, nous nous sommes mariés à Nantes. Puis nous sommes allés en Afghanistan en voiture jusqu'à Kaboul en 1970 et 71. Ça prenait 13 jours ! Et finalement nous sommes partis nous installer là-bas. Nos enfants sont nés à Kaboul, ma femme à la nationalité afghane, elle n'a pas été reconnue comme française".
En mars 1980, la maman revient en France avec les quatre enfants. La plus jeune a 9 mois. Kassim reviendra quelques mois plus tard. La famille refait sa vie à Nantes, Kassim abandonne les études, et devient dessinateur industriel, puis chômeur. Il crée alors son resto rue Louis Blanc, Le Pamir. Un plat unique à midi, savoureux, et des livres de photos qui racontaient son pays en guise de carte !
Ce n'est qu'en 2019 qu'ils pourront retourner voir leurs amis, leurs familles, à Kaboul ou au Panchir, au mausolée de Massoud. "La vie a changé, il y a des cafés à l'occidentale, des commerces modernes, on a même commandé des repas au restaurant, à livrer ! L'université, les routes tout a changé".
La France a perdu sa place en Afghanistan
Kassim a eu ses cousines ce matin, par WhatsApp, c'est facile. "Elles me disent que pour l'instant ça va bien. L'air est calme, les commerces sont ouverts, les gens vont au travail, seule l'école est suspendue pour 10 jours. L'une est professeur de lycée, l'autre est obstétricienne. Pour elle, dans le nord, c'est plus compliqué, les gens quand ils ne sont pas contents vont se plaindre aux Talibans, qui viennent toquer à sa porte..."
Kassim a vécu son enfance et son adolescence dans une famille qui avait les moyens d'éduquer ses enfants. "Je sais que la France coopère depuis 1920. Entre les Russes et les Anglais, elle a toujours continué. Mais petit à petit elle a perdu sa place. Alors que les Afghans étaient francophiles".
Les Talibans font peur
Kassim est inquiet pour les droits fondamentaux. "Le droit des femmes va être remis en cause, elles vont être de nouveau punies, encagées !" Les Talibans ne sont pas connus pour être respectueux de la vie de leurs opposants. "Ils veulent supprimer la République et établir un Émirat islamique. Le Pakistan les pousse dans cette direction. Et la Chine soutient le Pakistan. Je pense cependant qu'ils vont être obligés de tenir de la vie occidentale qui s'est installée désormais".
En France Kassim Osmani travaille bénévolement pour les Aghans réfugiés, Il collabore au trimestriel Les Nouvelles d’Afghanistan publié par l'Afrane (Amitié franco-afghane) dont il est administrateur. Et il ajoute dans un souffle : "Pourvu qu'ils ne restent pas longtemps".