Après l'arrêt d'un projet de Centre d'accueil pour demandeurs d'asile, une commune de l'Indre reste fracturée

Le projet de Centre d'accueil pour demandeurs d'asile, initié par le maire de Bélâbre, dans l'Indre, avait suscité de vives oppositions entre "pros" et "antis". Si le projet est enterré du fait d'une incapacité financière de l'association Viltaïs à le mener à bien, la fracture est déjà consommée dans le village.

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C'est la fin d'un feuilleton qui a cristallisé les tensions au sein du village de Bélâbre, dans l'Indre. Le millier d'habitants est divisé depuis l'annonce par le maire sans étiquette, Laurent Laroche, d'un projet de transformation de friche industrielle en Centre d'accueil pour demandeur d'asile (Cada). Si une partie de ses administrés soutenait le projet, l'opposition, menée par l'extrême-droite, était virulente. 

Pourtant, le préfet de l'Indre, Thibault Lanxade l'assure : "L'unique raison pour laquelle le Cada ne voit pas le jour, c'est parce que l'association Viltaïs n'a pas les capacités financières pour pouvoir porter à bien ce projet." Si certains, à Bélâbre, sont satisfaits de cette issue, du côté du maire, Laurent Laroche, la déception est forte. "Je voulais montrer aux habitants que c'était une idée positive", explique-t-il.

Une raison "uniquement financière" 

C'est l'association Viltaïs qui était en charge du projet de Cada à Bélâbre. Cette dernière avait racheté l'ancienne chemiserie de la commune afin de la réhabiliter pour accueillir 38 demandeurs d'asile. Mais aussitôt le bâtiment racheté, l'association connaît des difficultés. Le préfet de l'Indre, Thibault Lanxade, raconte : "Ils ont eu des problématiques de gouvernance, mais le projet porté par l'association qui a consisté au rachat de la chemiserie puis de contracter un emprunt pour porter à bien ce projet, avec des travaux lourds, ne peut pas se réaliser compte tenu de la situation financière de Viltaïs."

"La difficulté, c'est que tout ceci a pris du temps et que nous n'avons pas eu l'ensemble des informations tout de suite", détaille le préfet. À cela s'ajoute une forte opposition au projet de la part d'une partie de la population. Laurent Laroche et son équipe municipale reçoivent même des menaces. Mais le maire de Bélâbre reste déterminé. "Partout où il y a des Cada, ça se passe bien, rappelle-t-il. Je voulais montrer aux Bélâbrais qu'on pouvait faire quelque chose de bien avec ces gens."

Il assure que le projet était très encadré et que les craintes de certains habitants n'étaient pas justifiés. "C'est une méconnaissance et un refus de l'autre, en plus exacerbé par un certain nombre de partis politiques. Il y a aussi la peur de l'autre", déplore Laurent Laroche.

Un village plus que jamais divisé

Selon lui, le projet était aussi fait pour sauver l'école de Bélâbre, où de moins en moins d'enfants sont scolarisés. "Le département de l'Indre perd des habitants. On nous parle de 200 suppressions de classes d'ici à 2030, c'est énorme, alerte l'édile. Je sais que Bélâbre perdra surement une classe, voire deux. L'idée de voir venir des jeunes enfants qui pouvaient venir combler ce déficit de population, c'était une belle idée." Il ajoute qu'une fois régularisés, certains demandeurs d'asile auraient pu investir les entreprises locales, car il y a "des métiers en souffrance ici".

J'ai même appris que des familles s'étaient séparées parce qu'ils ne pensaient pas la même chose.

Patricia Fassiaux, opposée au projet de Cada

"Il faut arrêter de dire ça, s'énerve Patricia Fassiaux, très active dans l'opposition au projet. Cela aurait été essentiellement des hommes, donc il faut arrêter de dire que c'étaient des familles avec des enfants qui auraient rempli l'école." La gérante de la supérette de la commune est "trop contente" de l'abandon du projet de Cada. À tel point, qu'elle a affiché la Une de la presse locale qui annonçait la décision sur la devanture de son commerce.

Parmi ses clients, selon elle, l'immense majorité est également satisfaite. "Ceux qui étaient pour le Cada ne viennent plus depuis un petit moment", explique-t-elle. Plus que jamais, à Bélâbre, la fracture se fait ressentir sur ce sujet. "J'ai même appris que des familles s'étaient séparées parce qu'ils ne pensaient pas la même chose", rapporte Patricia Fassiaux. 

La gérante de la supérette se défend de tout racisme ou xénophobie. "On n'a rien contre ces gens-là", assure Patricia Fassiaux. Elle reproche au maire de la commune de ne pas avoir fait de consultation publique sur la question. Ce dernier persiste et signe. "J'aurais pu montrer aux Bélâbrais que ça se serait bien passé et que toutes les menaces dont j'ai fait l'objet auraient pu s'éteindre tranquillement", regrette Laurent Laroche. 

C'est une méconnaissance et un refus de l'autre, en plus exacerbé par un certain nombre de partis politiques. Il y a aussi la peur de l'autre.

Laurent Laroche, maire de Bélâbre

L'édile peut compter sur le soutien de la préfecture de l'Indre. "L'engagement du maire de Bélâbre est à saluer. Il a été meurtri, car il a été attaqué", déclare Thibault Lanxade, le préfet de l'Indre. Car à présent que le Cada est abandonné, qu'adviendra-t-il du bâtiment racheté par l'association Viltaïs ? Les services de l'État vont accompagner la commune pour qu'elle rebondisse, assure le préfet. Contactés, les responsables de Viltaïs n'ont pas répondu aux sollicitations de France 3.

Le contre-exemple de Mérigny et son "vivre ensemble"

À quelques kilomètres de Bélâbre, à Mérigny, la situation est totalement différente. "Comme nous avions besoin de places, il a été mis en place un dispositif provisoire sur l'Ehpad de Mérigny, détaille le préfet Thibault Lanxade. Cette situation provisoire se révèle être aujourd'hui quelque chose que nous pouvons pérenniser, car il y a une harmonie reconnue par le maire du village et le directeur."

En effet, à Mérigny, tout "fonctionne très bien", se réjouit le directeur de la structure, François Raffault. Il constate que la cohabitation se passe très bien, en dépit des différences culturelles. "On accueille des personnes handicapées, des personnes âgées dépendantes et des demandeurs d'asile. Ce sont des humains qui ont envie de vivre ensemble, de partager", décrit le directeur François Raffault.

Il en veut même pour preuve des scènes émouvantes entre les résidents de l'Ehpad et les enfants des familles de demandeurs d'asile. "Chacun apprend de l'autre", conclut-il. Une diversité que n'aura pas la chance de connaître la commune de Bélâbre, au grand regret de son maire et de ses soutiens. 

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