Nantes : "les premières visites, c'était émouvant", témoignages dans un EHPAD après la vaccination

Résidents, personnels, direction, familles, ils témoignent après 10 mois d'un protocole lourd qui a éloigné les personnes âgées de leur famille. La vaccination a ramené un peu de légèreté mais les règles sanitaires demeurent encore contraignantes.

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Dans une petite salle du rez-de-chaussée de la résidence La Chézalière, Jasmine, la coordinatrice des projets d'animation a réuni une douzaine de résidents. Il y a quelques semaines, ça n'aurait pas été possible. La pandémie et son protocole sanitaire avaient interdit les regroupements.

Aujourd'hui, quasiment 100 % des résidents ont été vaccinés et plus de 60 % des personnels. Ça a changé beaucoup de choses.

"La vaccination, on en fait tout un plat, s'exclame une résidente qui n'a pas hésité à recevoir les deux injections. j'ai été vaccinée dès toute petite !"

Quelques rires accueillent cette remarque de bon sens. 

"On est libéré, témoigne Christiane, on peut sortir comme on veut. Les familles ne peuvent venir que pour une heure mais l'important c'est qu'ils viennent, même s'il faut prendre rendez-vous."

"Je n'avais pas d'angoisse pour moi mais pour mon entourage"

Les mots qui leur viennent à l'esprit pour qualifier cette année 2020 et la crise de la Covid, ce sont restriction et contrainte. Paradoxalement le mot angoisse ne vient pas spontanément. "Je n'avais pas d'angoisse pour moi, dit Geneviève, mais pour mon entourage."

Du mal-être, il y en a eu pourtant pendant ces longs mois. 

"Toutes les semaines, on faisait le point sur les situations exceptionnelles" explique Catherine Hermant, la directrice de cet EHPAD du centre ville de Nantes. Et quand il le fallait, même lors des deux premiers mois où les visites étaient interdites, on se débrouillait pour que la famille puisse venir. Une salle à l'écart était prévue. La Covid-19 n'a pas tué ici mais la détresse non plus. 

"0% de décès liés au Covid, dit fièrement le Dr Cozic, médecin coordonnateur de l'établissement. Et le nombre de décès de 2020 n'est pas supérieur à celui de 2019." 

On a pourtant craint le "syndrome de glissement" ce phénomène connu dans les EHPAD qui conduit lentement la victime vers la mort lorsqu'il n'y a plus d'envie de vivre. Ici, comme dans beaucoup d'établissements, le personnel a dépensé beaucoup d'énergie pour accompagner les résidents mais aussi leurs familles.

"On a eu des décès pendant le Covid et après parce qu’ils étaient fatigués"

"Le moral des résidents est meilleur" témoigne Jérémy Harmel, le directeur de l'EHPAD L’étoile du Soir à La Bruffière, en Loire-Atlantique. Un établissement qui a eu plusieurs décès de la maladie et jusqu'à 75 % de contamination. La vaccination a changé l'atmosphère.

"Certains n’avaient pas vu leurs arrières-petits-enfants (mineurs) depuis plusieurs mois, dit-il, et vivaient cette relation à travers des photos. On a eu des décès pendant le Covid et après parce qu’ils étaient fatigués, ils en avaient marre de ne plus pouvoir recevoir leurs proches."  

France Bauvin venait voir sa maman de 99 ans très souvent à la Chézalière avant la pandémie. Du jour au lendemain, plus aucune visite. "Pour ma mère, dit-elle, à son âge, perdre une seule journée de contact, c'était beaucoup. Ça a été un arrêt brutal. Pendant la période de fermeture, ma mère s'est laissée aller. Le syndrome de glissement, je l'ai vu."

A cette période, elle est venue, comme d'autres, voir sa mère dans le sas d'entrée de l'établissement, à travers la vitre et lui a parlé par l'interphone. Et puis, les visites ont pu se faire, mais sur rendez-vous, et seulement à deux adultes et une heure deux fois par semaine, dans une salle prévue à cet effet. C'était tout. C'était déjà ça.

Et la vaccination est arrivée en février. Même les familles ont pu en profiter. "On commandait des doses, explique le Dr Cozic. On arrivait toujours à avoir des doses disponibles. Au lieu de les jeter, on les proposait systématiquement aux familles"

"Le fait de pouvoir à nouveau aller en chambre, ça a été formidable" sourit Françoise qui pouvait à nouveau avoir des conversations plus intimes avec sa maman. 

"Chapeau bas !"

Les familles ont pris conscience aussi de la relation, parfois de tendresse que les personnels avaient établi avec les résidents. "Ça nous a permis de tenir", avoue France qui, comme Françoise, leur rend hommage. "Les personnels ont pris aussi des précautions dans leur propre vie pour protéger les résidents, chapeau bas !" dit Françoise.

"Ça nous a rajouté une dose de travail, reconnaît François Vrignaud, infirmier depuis trois ans à la Chézalière. Sur les isolements, les tests PCR, le stress avec la vigilance sur les mesures sanitaires à faire respecter par les familles."

Cécile Reminiac qui est responsable des soins se souvient de beaucoup de peur au début "Mais on a eu beaucoup de chance, dit-elle, il n'y a eu que deux cas de contamination."

Le protocole sanitaire a aussi rendu plus difficile l'arrivée des nouveaux résidents. Un moment pourtant extrêmement important pour la suite. "Le Covid nous a mis des bâtons dans les roues, ajoute-t-elle, avec l'obligation de rester en chambre pendant sept jours avant un deuxième test PCR."

Ces deux soignants constatent que la vaccination a permis de souffler un peu. Mais ils ont bien vu que pendant cette crise, certains résidents, par manque d'activité, ont perdu en mobilité. Des maladies ont évolué plus rapidement. 

Ordre et contre ordre

L'obligation d'intégrer de nouvelles façons de travailler a aussi mis les équipes à rude épreuve.

"On avait parfois l'information le soir à 18h pour une mise en place le lendemain à 9h, se souvient Catherine Hermant. On pouvait avoir dans la même journée trois consignes différentes !"

"On sait qu’avec la vaccination, ça réduit grandement le risque de développer une forme grave et le risque de transmission, précise, Mickaël Wanbergue Directeur d'un EHPAD à La Planche et président régional de la Fédération des associations de directeurs d’EHPAD. Les tensions ont diminuéIl y a très peu de décès dans les EHPAD ligériens depuis deux mois. Mais on a obligation de maintenir les mesures barrières."

Nathalie Perrier, qui après avoir été infirmière a pris en charge l'accueil de la résidence La Chézalière, a vu la différence. "A l'accueil, dit-elle, on sent bien que les familles sont moins tendues, moins agressives. Si elles veulent, elles peuvent venir prendre leur parent tous les jours."

A l'Etoile du soir, à Bruffière, la contamination d'un nombre important de résidents a eu au moins un effet bénéfique. "On a pu enfin recevoir à nouveau les familles dès le mois de décembre, explique le directeur Jérémy Harmel, parce que la grande majorité des résidents avait été touchée par la Covid et il y avait une certaine immunité mais surtout, il y avait absolument besoin de revoir leurs familles. Une fois que la vaccination a été faite, les résidents ont pu à nouveau sortir, aller manger en famille."

"Je voudrais tirer mon chapeau aux résidents"

"On aspire à revenir à la normale mais ça va prendre du temps. Le virus continue de circuler et de muter." prévient Mickaël Wanbergue. Ça fait plus d’un an qu'on est dedans et je voudrais féliciter les équipes. Je voudrais aussi tirer mon chapeau aux résidents qui ont connu une année difficile."

"On n’aurait pas réussi sans le niveau de travail du personnel et la grande patience des résidents." confirme son collègue de La Bruffière.

A La Chézalière, dans la salle, autour de Jasmine, tout le monde s'accorde à dire que d'avoir subi cette crise ensemble, en groupe, a été salvateur. "C'était rassurant" avoue Christiane.

"Les petits enfants ne peuvent pas venir si on est dans le jardin ?" demande Gisèle, une résidente. "Non pas encore" répond Jasmine. 

Les personnes mineures ne peuvent toujours pas rendre visite. Des visites qui sont encore réduites à deux par semaine et pendant une heure seulement. Mais les familles peuvent, si elles le veulent, venir chercher leur parent pour sortir.

La vaccination n'a pas tout réglé.

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