Nantes : la musique de l'exil au programme de la Folle Journée

S’il est une musique qui répond bien au thème de cette 24 ème édition, c’est assurément le «klezmer», ce mélange de chants juifs religieux et profanes influencés par la musique tzigane et orientale.

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Le mot "klezmer" apparaît pour la première fois au 16 ème siècle à Cambridge. Dérivé de l’hébreu, il signifie "instruments du chant". Aujourd’hui, le Klezmer désigne un autodidacte qui joue à l’oreille des musiques populaires, selon son humeur et en improvisant sur une mélodie connue. Il est décrié parce qu’il ne maîtrise pas les règles de la grande musique, quand on ne le traite pas de "voleur" ou de "criminel".

La tradition des "Klezmer"


Les Klezmer sont les héritiers d’une longue tradition de musiciens itinérants juifs qui remonte à l’époque romaine. Au Moyen Age, on retrouve ces troubadours à la cour des rois catholiques et des sultans. Au 17 ème siècle, à Prague, ces saltimbanques forment une confrérie, jouent en procession, célèbrent les fêtes juives, animent les commémorations de l’Empereur. Ils établissent des ponts entre les juifs et les non juifs, échangent avec les tziganes jusqu’à ce que leur vie soit bouleversée par les pogroms et la misère.

A la fin du 19ème siècle, les juifs d’Europe centrale, chassés par l’antisémitisme, se réfugient en masse aux Etats-Unis où ils vont perpétuer leur art. Ils créent des cabarets, ouvrent des restaurants, fondent des théâtres faisant émerger une nouvelle génération de musiciens chantant le "yiddish", ce mélange d’hébreu, d’allemand et de polonais, la langue des juifs ashkénazes.
L’industrie du disque américaine flaire le filon et grave 50 000 disques de musique juive. Le klezmer s’enrichit des influences jazz tout en conservant ce qui constitue son ADN : une musique joyeuse, des chants pleins de ferveur, des danses envoûtantes.

Après la seconde guerre mondiale, le klezmer tombe dans l’oubli avec la création de l’Etat d’Israël. L’hébreu remplace le yiddish, les juifs s’assimilent et perdent progressivement leur identité jusqu’à ce que ce genre musical refasse surface dans les années 1970-1980, modernisé par un mouvement revivaliste et des instruments divers et variés : violon, clarinette, cymbales, cuivres.

Yiddishe Mame et Brundibar


En programmant à la Folle Journée de Nantes, Yom et le Sirba Octet avec son "Yiddishe Mame", René Martin rend un hommage vibrant à cette musique éternelle, celle de l’exil et de la fusion de nombreuses cultures musicales. Mais surtout, il remet au goût du jour l’histoire tragique de Terezin avec "Brundibar", un opéra pour enfants qui sera joué par la maîtrise des enfants et l’ensemble instrumental du Conservatoire de La Roche-sur-Yon.

Brundibar, c’est cette œuvre du compositeur tchèque Hans Krasa qui a été jouée 55 fois dans cette forteresse, antichambre d’Auschwitz. Hitler avait fait venir la Croix-Rouge pour qu’elle témoigne du bon traitement des prisonniers dans ses camps. Dans un film de propagande, "Le Führer offre une ville aux juifs", on voit une population en liesse, faisant du sport, travaillant dans les champs et jouant de la musique.
En réalité, sur les 144 000 personnes entassées à Terezin, 33 000 mourront sur place de famine et du typhus, 88 000 seront déportées et gazées à Auschwitz, 19 000 survivront. Pour faire illusion dans le film, on a fabriqué des fausses boutiques, repeint les murs, maquillé les femmes. Les acteurs du film ne seront pas épargnés et seront, eux aussi, déportés.

Rappelons enfin que de nombreux compositeurs ont payé un lourd tribut sous le régime nazi qui considérait leur musique comme de l’"art dégénéré". 32 ont péri en déportation, 35 ont été chassés et emprisonnés, 5 sont morts en combattant contre leur gré pour la Wehrmacht . Entre 1933 et 1944, on estime que 1500 musiciens ont dû s’exiler.
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