La phobie scolaire est un sujet qui touche de plus en plus de familles. Virginie Landemaine, mère d'une adolescente ayant vécu cette épreuve, partage son expérience dans un livre poignant. Comment comprendre ce phénomène complexe et quelles sont les solutions envisageables ?
Laïa, 14 ans, n'a pas mis les pieds à l'école depuis deux ans. La jeune fille est victime d'une anxiété extrême qui l'empêche de se rendre en classe. Virginie Landemaine, sa mère, a décidé de partager son expérience dans un livre intitulé Phobie scolaire, mon enfant n'arrive plus à aller à l'école, paru en août 2023. Elle y décrit le parcours de sa fille, les symptômes qu'elle a présentés, et les démarches qu'elles ont entreprises pour comprendre et traiter ce trouble.
Souvent confondue avec le décrochage scolaire, Virginie Lendemaine précise dans son livre que les victimes de phobie scolaire ont généralement la volonté d'aller à l'école, mais en sont physiquement incapables en raison d'une anxiété paralysante.
En France, il y aurait 1 à 2 % d'élèves, de la maternelle au lycée, touchés par ce phénomène selon l'Institut national de santé et de recherche médicale (Inserm). Ce "refus scolaire anxieux" (RSA) est difficile à quantifier, faute d'indicateur. L'Éducation nationale ne mesure que l'absentéisme, qui englobe des situations et des élèves très différents.
L'incompréhension face à un trouble méconnu
Dans son livre, Virginie Landemaine témoigne de son vécu, de celui de sa fille, mais aussi du parcours de trois autres familles de Loire-Atlantique. Elle cherche à définir un phénomène encore trop peu connu, qui laisse les familles démunies.
"On se pose un tas de questions parce que la situation est inédite. Moi, j'avais jamais été confrontée à ça." explique l'autrice. Aux difficultés familiales, s'ajoutent les remarques extérieures : "Ensuite, on fait face aux regards des autres, aux jugements et à la société" explique-t-elle.
Pour comprendre le phénomène et le définir, Virginie Landemaine s'appuie à la fois sur l'expertise de professionnels de la santé mentale, mais aussi sur sa propre expérience.
"La phobie scolaire, on parle aujourd'hui plutôt de refus scolaire anxieux, c'est une anxiété très intense qui empêche les jeunes d'aller à l'école."
Virginie LandemaineAutrice du livre "Phobie scolaire"
"C'est un phénomène multifactoriel, qui peut être lié par exemple au harcèlement scolaire, à des difficultés d'apprentissage pour les élèves avec un profil cognitif dit atypique comme les DYS : dyslexique, dyspraxique, etc, ajoute Virginie Landemaine, ça peut aussi être lié à une hypersensibilité, couplé à un profil Haut potentiel intellectuel (HPI)."
La phobie scolaire, le burn-out des élèves
Pour les enfants avec un profil neuro-atypique, les efforts réalisés pour s'adapter à l'école au quotidien sont conséquents. Sur le long terme, c'est ce qui peut venir créer de l'anxiété, jusqu'à ce que le corps développe des symptômes comme de grosses migraines et des maux de ventre. "C'est un peu le burn-out de l'élève" synthétise Virginie Landemaine.
Selon les premiers résultats d'une étude en cours, l'Inserm indique que, chez les adolescents, le refus scolaire est principalement lié à des troubles psychiques (dépression, phobie sociale) ou a un environnement scolaire délétère. L'étude montre que "sur 1 328 élèves souffrant de RSA, près de la moitié avaient été victimes de harcèlement scolaire, d'insultes ou de menaces".
Un accompagnement psychologique
Quelles solutions pour les enfants et les familles impactées par ce trouble ? Parce que si l'élève souffre, le reste de la famille est, elle aussi, impactée. Les parents adaptent leur emploi du temps dans 69 % des cas d'après l'Inserm."S’il y avait un remède, on le saurait" souligne Virginie Landemaine.
"Dans un premier temps, il faut identifier les causes de la phobie scolaire. Qu'est-ce qui a généré cette anxiété intense ? Au fur et à mesure, on élimine les causes et on progresse comme ça."
Virginie LandemaineAutrice du livre "Phobie scolaire"
Selon elle, depuis le confinement et la pandémie de Covid-19, les praticiens et les pédopsychiatres sont très sollicités, ce qui rend les délais de prise en charge particulièrement longs.
"Le phénomène a pris de l'ampleur depuis cette période. Tout ça est très long, on avance comme on peut à tâtons. Ce qui est très important, c'est déjà d'être entouré par un ou plusieurs bons thérapeutes." précise l'autrice.
Un soutien associatif
L'Association phobie scolaire, fondée en 2008, est l'acteur référent pour accompagner et orienter les familles. La structure est composée de parents qui, après avoir été concernés par le phénomène, ont voulu faire évoluer la compréhension, la reconnaissance et la prise en charge des enfants concernés par la phobie scolaire. Ce trouble touche l'ensemble des facettes de la vie des enfants, que ce soit au niveau du suivi pédagogique comme au niveau des interactions sociales.
Au niveau scolaire, pour que le RSA, le "refus scolaire anxieux" n'engendre pas de décrochage, il faut mettre en place un enseignement à distance. Laïa, la fille de Virginie Landemaine, a suivi pendant deux ans des cours via le Centre national d'enseignement à distance (CNED).
"Elle a eu une scolarité très hachée", précise sa mère. Faire face à l'autonomie d'un apprentissage à distance et à l'isolement social n'est pas simple. Aujourd'hui, Laïa va essayer de retourner à l'école et pourra peut-être retrouver une scolarité normale cette année.
L'entretien Ça se passe ici avec Emmanuel Faure est disponible en replay sur la plateforme France TV.