Miroir d’eau, parcours végétalisé, fontaines : ces aménagements urbains sont de plus en plus courants dans les villes. À l’heure du réchauffement climatique et des canicules à répétition, ces dispositifs sont-ils efficaces ? À Nantes, les chercheurs ont mené des études pour mesurer leur performance et évaluer leur usage par le public.
À Nantes, le Quai des Plantes prend ses quartiers chaque printemps depuis 2016 sur les bords de Loire. Cette pépinière éphémère offre un parcours ombragé de 500 mètres, un passage désormais bien connu des riverains. En parallèle, le Quai de la Fosse, industriel et bitumé, absorbe les rayons du soleil, pour le meilleur et pour le pire.
Le Quai des Plantes fait partie des équipements nantais étudiés par le laboratoire Ambiances Architectures Urbanités dans le cadre du projet Coolscapes. Il vise à évaluer l’impact des aménagements urbains créés pour modifier le climat à très petites échelles, que l’on peut qualifier d’îlots de fraicheur.
"Nous observons par où arrivent les gens, vers où ils vont, comment ils traversent l'espace, est-ce qu'ils tournent autour de telle fontaine, est-ce qu'ils passent par telle zone d’ombre ou pas, explique Ignacio Requena-Ruiz, enseignant-chercheur à l'École Nationale Supérieure d'Architecture de Nantes. Cela nous permet de comprendre un peu comment vit l'espace."
Ensuite, nous arpentons ces mêmes lieux avec notre station climatique mobile, équipée de capteurs, et nous soumettons les instruments à la même épreuve que les piétons lorsqu'ils passent, traversent ou s'assoient dans un espace.
Ignacio Requena-RuizEnseignant-chercheur à l'ENSA de Nantes
Durant l’été 2020, les chercheurs ont ainsi mené une série de mesures : température et humidité de l'air, vitesse et direction du vent ou encore rayonnement solaire et rayonnement réfléchi par le sol ou les murs.
Les données ont été relevées sur plusieurs jours, à raison de 4 à 5 fois par jour, en particulier aux moments de forte chaleur. "Ce que nous avons pu obtenir, ce sont des différences en termes de ressenti thermique, parfois de 3 à 4 degrés, entre le fait de passer sur les bords de Loire ou sous la canopée arborée", souligne le chercheur.
"Les personnes âgées prenaient systématiquement les passages arborés, tandis que les personnes moins vulnérables se trouvaient plus uniformément dans l'espace. Un aménagement de ce type peut contribuer à éviter des situations de stress thermique en milieu de journée, conclut-il.
Des trames de fraicheur dans la ville
La même année, des mesures comparables ont été effectuées sur plusieurs zones de la carrière Misery, dans le quartier du Bas-Chantenay. À l'aplomb de la cascade, 200 variétés d'arbres ont été plantées, comme des plantes d’eau géantes, des bananiers, ou encore des fougères arborescentes. Le site est connu pour son micro-climat, abrité du vent et exposé plein sud.
Les chercheurs y ont comparé plusieurs zones, celle devant la cascade avec son effet brumisateur et une autre zone très arborée avec des sols en copeaux de bois. "On a observé que l'on pouvait arriver au même degré de confort dans ces deux zones, avec parfois une réduction d'environ 6 degrés de la température ressentie."
"Entre ces zones, il y a cependant des dépenses de ressources, d'eau et d'énergie qui ne sont pas comparables, rappelle le chercheur. Il faut avoir une lecture stratégique de la ville. Dès lors que l'on utilise ces ressources-là pour rafraichir, il faut le faire de manière intelligente, il faut choisir les lieux. On ne va pas rafraichir toute la ville."
Le ressenti thermique des piétons varie certes selon la température, mais aussi selon les lieux et les trajectoires de déplacement. "Si vous venez de marcher pendant dix minutes à l'ombre dans un centre-ville ancien aux rues étroites ou que vous sortez d'un parc, vous pouvez très bien marcher trois minutes en plein soleil, vous sentirez la chaleur, mais vous ne serez pas en situation de stress", explicite Ignacio Requena-Ruiz.
"Inversement, un lieu a priori frais, s'il est précédé et suivi d'une zone chaude, ne sera pas perçu comme tel parce que le temps de rafraichissement sera trop court", compare-t-il.
La méthode de mesures du ressenti des piétons dans la ville développée par les chercheurs du projet Coolscape intéresse logiquement les municipalités confrontées aux hausses de températures, un phénomène amené à s'intensifier. "A ces latitudes, dans la moitié nord de la France, les villes ont été historiquement construites pour capter la chaleur, pour les conditions d'hiver, rappelle Ignacio Requena-Ruiz.
Les chercheurs du projet Coolscapes poursuivent leur travail de collecte de données sur plusieurs espaces publics du centre-ville de Nantes, notamment dans le cadre d’une expérimentation de mobiliers "îlots de fraîcheur" menée par le Nantes City Lab.