TEMOIGNAGE. Covid, trois ans après le confinement, une directrice d’école se souvient de tout ce qu’il a fallu mettre en place pour assurer "la continuité pédagogique"

Pour Claire Perdrial, le défi du confinement du printemps 2020 était de garder le contact avec les enfants et les parents d’élèves de son école à Nantes et ne pas en perdre en chemin.

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Claire est enseignante depuis 1997 et directrice de l’école primaire des Agenêts à Nantes depuis maintenant six ans.

Pour elle et ses collègues de cette école de 11 classes du CP au CM2, la crise du covid a commencé début mars avec les consignes qui se succédaient concernant les enfants qui revenaient de séjours à l’étranger,  Asie mais aussi Italie ou même de France lorsqu’il s’agissait du cluster de la région d’Auray, dans le Morbihan. Les mesures à respecter changeaient d’une communication à l’autre.

"On a eu en trois jours trois contrordres" se remémore Claire.

Aux Agenêts, deux familles étaient concernées, une revenait de Singapour. Il y avait aussi une enseignante qui revenait d’Italie. Le feuilleton Covid-19 commençait.

Fermeture jusqu'à nouvel ordre

Et puis, le jeudi 12 mars à 12h45, un mail est arrivé sur son ordinateur invitant les équipes à prévoir un "plan de continuité pédagogique".  La fermeture des écoles se profilait entre les lignes. Elle fut officiellement annoncée le soir-même, dans les journaux télévisés.

"On avait un jour pour se préparer" se souvient la directrice. 

Se préparer, ça voulait dire imaginer un enseignement… à distance.

"J’ai donné à chaque enseignant les coordonnées des parents des élèves, téléphone et mail, pour qu’ils puissent communiquer avec eux."

Mardi 17 mars. Là, c’est le confinement pour tout le pays annoncé la veille au soir par le Président de la République.

L'école à la maison

L’école des Agenêts a, pendant les premiers jours, accueilli tout de même sept enfants dont les parents étaient prioritaires ou avaient fait savoir qu’ils ne pouvaient garder leurs enfants à la maison, des soignants, des enseignants, des familles monoparentales... Et puis, rapidement, des écoles de la ville ont été désignées pour prendre en charge les élèves sans solution de garde.

Pour tous les autres, il a fallu faire l’école à la maison.

"On faisait le plan pour la semaine et on l’envoyait le dimanche soir aux parents en évitant qu’il y ait trop de choses à imprimer, précise Claire Perdrial. Pour ceux qui ne pouvaient imprimer, on préparait des liasses de feuilles qu’ils venaient chercher à l’école. La base, c’était, pour les élèves, de lire au moins 15 minutes chaque jour, faire des exercices de numération, des opérations, un peu de géométrie. Des choses basiques mais qui demandent un entrainement régulier."

"J’ai demandé aux enseignants s’ils avaient eu des nouvelles des élèves"

Et puis, il a fallu garder le contact. "On passait parfois la journée à appeler les parents, raconte Claire, une collègue institutrice qui n’avait pas prévu de forfait téléphonique illimité s’est retrouvée avec une facture énorme ! Après 10 jours de confinement, j’ai demandé aux enseignants s’ils avaient eu des nouvelles de chaque élève."

L’école s’est vidée d’un seul coup. Les enseignants passaient pour imprimer des feuilles. Claire, elle, venait chaque jour pour, notamment, avoir accès à son ordinateur professionnel et écouter les messages laissés sur le répondeur. Ou arroser le petit potager créé par les élèves. Car, le soleil a bien brillé pendant le confinement.

Et puis, des classes "virtuelles" ont été organisées. Une fois par semaine, l’enseignant réunissait ses élèves (ceux qui le pouvaient) pour un temps de classe en visio. Pas simple, même pour les enseignants.

"Tout le monde a été un peu déboussolé, reconnait la directrice des Agenêts, notamment ceux qui maîtrisaient moins bien les nouvelles technologies. Mais ils ont joué le jeu ! »

Ce qui a pu donner, parfois, des situations cocasses quand, ici, l’ordinateur de l’enseignant plantait subitement laissant les élèves sans son ni image de l’institutrice ou, là, tout le monde assistant à un différend familial via la caméra. Claire en rigole encore.

"On créait des petits défis pour les enfants"

"Le but n’était pas de faire de l’apprentissage lors de ces classes virtuelles, précise Claire, mais de garder le lien et de voir si les enfants allaient bien. On créait des petits défis, fabriquer la tour la plus haute et envoyer la photo, décrire ce que l’enfant voit depuis la fenêtre de sa chambre."

Claire dit retirer aujourd’hui des enseignements de cette expérience.

"Je pense, dit-elle, que cet épisode a rapproché les familles et les enseignants. On a pris l’habitude de téléphoner ou d’écrire par mail pour faire un point avec les parents"

Claire a pu constater, en revanche, que ce confinement a laissé sur le bord de la route certains élèves. Ceux qui étaient déjà identifiés comme en difficulté avant cette nouvelle épreuve. Chez les plus petits ou ceux de familles non francophones, qui donc, n’étaient plus amenés à parler le Français puisque ne sortant plus de l’environnement familial. Des témoignages de parents dépassés par la tâche sont parvenus aux enseignants.

D’autres enfants, en revanche, ont ramené d’épais classeurs remplis de tout le travail fait à la maison. 

"Mais rien n’est jamais perdu" estime Claire qui veut croire que ces élèves ont compensé par la suite ce qui a été laissé de côté pendant le confinement.

Le retour à l'école avec, à nouveau, des directives changeantes

Un point positif de cette expérience a été, selon cette directrice d’école, de développer une capacité à réorganiser l’école, à s’approprier les outils numériques, internet.  Même si les réunions ou les classes en visio l’ont un peu soulée.

"Je n’ai pas fait ce boulot pour être en distanciel !" dit l’institutrice qui se souvient tout de même des dictées qu’elle enregistrait dans sa voix et mettait sur le site e-primo à destination de ses élèves. 

Le plus dur, pour Claire Perdrial, n’a pas été le confinement mais l’après. Le retour en mai des enfants à l’école. Retour qui s’est fait progressivement et avec des protocoles qui ne cessaient de changer d’une semaine sur l’autre et que souvent, les directeurs-trices d’école apprenaient à la radio ou au journal télévisé de 20h. De quoi agacer.

Faire le plan de communication aux familles, organiser les groupes d’élèves, les emplois du temps, les espaces à utiliser, les sens de circulation, la désinfection, les toilettes, la cantine…

"A ce moment-là, on a perdu des élèves, constate Claire. Certains parents étaient inquiets et n’ont pas ramené leur enfant jusqu’à la fin de l’année."

Une famille a même complètement descolarisé ses deux enfants.

Et puis est arrivé 2021 avec les vagues de covid, les enfants touchés par la maladie, les enseignants aussi, les mails à envoyer le matin pour prévenir de l’absence de l’enseignant...

Une dernière chose importante qui a frappé Claire pendant le confinement : le silence. Le silence de l’école où plus aucun enfant ne courrait.

Un énorme pissenlit en a profité pour pousser sous le préau. Claire a pris une photo pour l’envoyer aux enfants. "L’école est désertée, la nature a repris sa place" a-t-elle écrit.

Les dates du confinement dans les écoles

  • 13 mars : fermeture de toutes les écoles "au moins jusqu'aux vacances de Pâques".
  • 17 mars : confinement général. Les vacances scolaires sont unifiées pour tout le territoire du 10 au 25 avril.
  • Après avoir envisagé une réouverture des écoles au retour des vacances de Pâques, le 26 avril, le Président de la République annonce la prolongation de la fermeture jusqu'au 10 mai.
  • 11 mai : réouverture progressive des écoles en commençant par les classes de grande section de maternelle, CP et CM2. Mise place d'un protocole sanitaire dans les établissements qui évoluera à plusieurs reprises.
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