Un médecin poursuivi pour avoir délivré 541 prescriptions de prégabaline, la nouvelle "drogue du pauvre"

Un médecin aurait délivré 541 prescriptions de prégabaline à une centaine de patients n’ayant aucune raison de se voir délivrer cette substance. Médicament destiné essentiellement au traitement des douleurs neuropathiques et des crises d’épilepsies, la prégabaline est connue pour avoir des effets désinhibants.

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Entre janvier 2020 et aout 2023, 94 procédures pénales ont été dénombrées, "contenant des auditions portant sur du trafic de prégabaline ou des agressions commises sous l’effet de cette substance", rapporte le procureur de la République de Nantes ce mardi 19 novembre.

"Un certain nombre d’individus, bien souvent en situation irrégulière sur le territoire national, s’adonnent à cette consommation, déplore Renaud Gaudeul, plusieurs d’entre eux, interpellés à la suite d’agressions commises en particulier dans le centre-ville de Nantes, expliquent avoir agi sous l’effet de cette substance, qui les désinhiberait".

Le doute des pharmaciens

En fin d’année 2023, plusieurs pharmaciens nantais ont émis des doutes "quant à la régularité d’ordonnances prescrivant de la prégabaline, émanant d’un même médecin installé à Nantes".

Le parquet de Nantes a alors ouvert une enquête, confiée à l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) "des chefs d’aide au mésusage de substances médicamenteuses, prescriptions non conformes, escroquerie et complicité d’escroquerie au préjudice de la CPAM".

Un rapport de l'OCLAESP a permis d’établir que le médecin suspecté aurait délivré "de manière indue", entre le 17 juillet 2020 et le 12 janvier 2024, 541 prescriptions de prégabaline à 106 patients "n’ayant aucune raison médicale de se voir délivrer cette substance".

Le 16 juillet 2024, une perquisition a été menée au cabinet du médecin.

"Parmi les 106 patients ayant obtenu une prescription, seuls huit avaient un dossier médical", précise le parquet qui ajoute que, "placé en garde à vue le même jour, ce médecin a reconnu la prescription de prégabaline ne présentant pas de caractère médical".

Plusieurs patients ont confirmé que ce médecin prescrivait à la demande et sans réelle consultation médicale.

Renaud Gaudeul

Procureur de la République

Plusieurs chefs d'accusation

Ce médecin âgé de 61 ans, sans antécédents judiciaires, a été déféré au parquet le 14 novembre dernier.

Il est convoqué devant la justice le 6 mai 2025,

Il devra répondre de complicité d’escroquerie, complicité d’obtention au moyen d’ordonnances fictives ou de complaisance de substances classées comme psychotropes, d'aide au mésusage ou à l’abus de médicaments, plante, substance ou préparation classée comme vénéneuse,

Il est également poursuivi pour "mise en danger par la violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement en l’espèce en prescrivant de manière indue à 106 personnes des médicaments contenant de la prégabaline sans aucune raison médicale justifiant ces prescriptions".

Dans l’attente de son procès, il a été placé sous contrôle judiciaire  avec interdiction d’exercer la profession de médecin et l’obligation de verser une caution de 50 000 euros (en plus d'une somme de 13 000 euros saisie au cours de l’enquête).

Deux euros le comprimé

La prégabaline est souvent vendue au marché noir.

À deux euros le comprimé, surnommée la "drogue du pauvre", la prégabaline est régulièrement vendue par des réseaux de délinquance urbaine.

Détourner la prégabaline de son utilisation première, le traitement de douleurs neuropathiques et de crises d’épilepsies, peut provoquer la mort de ceux qui en font usage abusivement, mais a également un effet désinhibiteur.

Les personnes dépendantes au médicament peuvent présenter, en plus de l'agressivité, des troubles psychiatriques ou suicidaires.

"L’usage détourné de la prégabaline constitue un enjeu majeur non seulement de santé publique", estime le procureur de la République de Nantes, "mais également d’ordre public".

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