En mars 2023, des militants de "Dernière rénovation" avaient aspergé de peinture à l'eau orange la façade de la préfecture de Nantes Un acte sans violence pour obliger le gouvernement à investir davantage dans la réhabilitation énergétique des bâtiments. Grégoire, un Nantais de 22 ans comparaissait ce mardi 16 avril devant de tribunal correctionnel.
Ils redoutent un désastre climatique, alors ils assument leurs actes. Ce mardi 16 avril, les militants sont une petite cinquantaine. Ils viennent soutenir Grégoire, juriste nantais de 42 ans qui comparait devant le tribunal correctionnel de Nantes.
C'est pour avoir participé à une action de la campagne"Dernière rénovation" que le quadragénaire est jugé. Le 22 mars 2023, avec cinq autres citoyens, il avait aspergé de peinture à l'eau orange la façade de la préfecture.
"Une action de résistance civile non violente"
Si le militant est, aux dires de son avocate, "satisfait de passer devant la justice, c'est une tribune pour lui", il n'a pas souhaité nous répondre directement.
Cette action, c'est une action de résistance civique, non violente, pacifiste et à visages découverts dans le but d'alerter les pouvoirs publics sur l'inaction climatique
Louise HennonAvocate de Grégoire, militant "Dernière rénovation"
"Cette opération était et est toujours totalement assumée. Le jour même, après avoir lancé les pots de peinture, les citoyens sont restés debout, le bras levé pour revendiquer leur action", ajoute l'avocate du prévenu.
Pendant de longues minutes, Louise Hénon va plaider la relaxe pleine et entière au motif du droit à la liberté d'expression et l'état de nécessité qui est une cause d'exonération pénale.
Le prévenu, lui, reconnait et assume les faits. "C'est de la désobéissance civique. Notre combat se porte sur la rénovation des bâtiments énergétiques".
La présidente l'interroge sur les autres citoyens présents à ses côtés ce jour-là. "Je ne vous dirai rien sur eux", répond fermement Grégoire en affirmant n'avoir participé depuis ce jour à aucune autre opération coup de poing.
"Cette démarche était spontanée", dit-il. Celui qui était bénévole à la Cimade est aujourd'hui observateur pour la Ligue des Droits de l'Homme. "J'ai fait des marches pour le climat. Nous étions une petite centaine, ça n'a eu aucun impact. La peinture, ça a marché, ça a été médiatisé", poursuit le militant.
Le réchauffement climatique est la plus grave menace à laquelle l'humanité est confrontée
GrégoireMilitant "Dernière rénovation"
8 200 euros de frais
La procureure dit "la cause louable". Il n'est pas question ici de tribune et de débat politique. Le nettoyage a coûté 8 200 euros aux contribuables", rappelle-t-elle.
"Et à combien se chiffrent les conséquences sur la santé du réchauffement climatique ? Ça aussi, c'est de l'argent public", rétorque l'avocate du militant.
William Aucant, conseiller régional "l'écologie ensemble" et ancien membre de la convention citoyenne pour le climat, est là. Il va témoigner à la barre.
"Je n'ai pas assisté à l'opération, en revanche, j'ai été témoin de l'inaction d'un gouvernement qui en 2019 est venu me chercher ainsi que 149 autres citoyens pour réfléchir à des mesures afin d'aider le pays à réduire ses émissions à effet de serre. Après neuf mois de travail, 500 pages de propositions, on se retrouve avec une expérience inédite qui n'a pas touché son cœur de cible, se désole le désormais conseiller régional."
On devait réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 %, le gouvernement a réduit de 12,5 %
William AucantConseiller régional écologiste, ancien membre de convention citoyenne pour le climat
📢🏚Demain à #Nantes, je témoignerai pour la 5ème fois en tant que membre de la #ConventionCitoyenne lors d'un procès de militant écologiste. D'habitude l'état se porte partie civile, cette fois, c'est @NantesMetropole. Incompréhensible ! Découvrez tout dans cette note de blog.… https://t.co/uWnoxnn19B
— William Aucant (@WilliamAucant) April 15, 2024
L'indignation prend plusieurs formes, soit l'engagement en politique pour aller porter au plus haut près ces mesures de la convention citoyenne, soit la colère de citoyens qui se disent ce n'est pas normal que ce travail n'ait pas été suivi
William AucantConseiller régional écologique, ancien membre de la convention citoyenne pour le climat
"Ce genre d'actions, ça ne correspond pas à mes méthodes, mais elles permettent de mettre le sujet de la rénovation thermique des bâtiments au cœur de la politique", poursuit le conseiller régional.
Les premiers postes d'économie que l'on cherche à faire, c'est sur l'écologie, on l'a vu en janvier dernier avec Bruno Lemaire avec qui annonçait la réduction d'un milliard d'euros à la rénovation thermique des bâtiments
William AucantConseiller régional Ecologiste, ancien membre de la convention citoyenne pour le climat
"Emmanuel Macron nous a trahis"
Chez l'élu, il y a de colère et surtout de l'amertume, comme une grosse arrête coincée dans la gorge.
Emmanuel Macron nous a trahis, il devait passer sans filtre les mesures de la convention citoyenne au Parlement ça n'a pas été fait. Tout a été amoindri, anéanti. Aujourd'hui des citoyens ont pris la relève, c'est le cas de "Dernière rénovation"
William AucantConseiller régional écologiste et ancien membre de la convention citoyenne pour le climat
Nantes métropole s'est portée partie civile. L'agglomération avait d'abord réclamé 8 200 euros de dommages et intérêts pour couvrir le montant des travaux. Avant de se rétracter pour ne demander finalement qu'un euro symbolique.
Les élus écologistes ont obtenu que la demande de réparation soit abaissée à son maximum.
La métropole assume de dire qu'il y a une forme de légitimité dans l'action portée par ces militants
Tristan RiomVice-président de Nantes Métropole (Les Écologistes)
"Le plaidoyer porté par les citoyens de "Dernière rénovation" c'est ce que nous prônons en tant qu'élus, le besoin d'avoir un plan massif de rénovation thermique, c'est un enjeu climatique majeur, un enjeu de justice sociale", ajoute Tristan Riom.
Ce militant défend une cause d'intérêt général. Une action juridique c'est une action politique aussi
Tristan RiomVice-président de Nantes métropole (Les Écologistes)
"Que ce soit de la soupe sur de la protection d'œuvres, donc un coup d'éponge et c'est fini ou de la peinture très facile à enlever, ces actions sont non violentes, il n'y a aucune destruction, aucune détérioration. Il n'y a pas de débat à avoir sur le fait que ces citoyens cherchent à interpeller sur une cause essentielle", conclut le vice-président de Nantes métropole.
"Il y a une volonté de pénaliser le mouvement écologiste"
"On n'est pas sur le premier procès concernant des militants de "Dernière rénovation" ou des militants des Soulèvements de la Terre. Je pense à Sainte-Solline. Le combat, il dure depuis longtemps, nous dans le 44, nous sommes aux premières loges avec ce qui s'est passé sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes", souligne Andy Kerbrat, député LFI. Il assiste à l'audience lui aussi.
Il y a une volonté de pénaliser le mouvement social, de pénaliser le mouvement écologiste. C'est une stratégie politique ; faire peur par l'intermédiaire de la justice
Andy KerbratDéputé LFI de Loire-Atlantique
"Je suis là pour apporter mon soutien. Oui, la métropole de Nantes s'est portée partie civile, oui l'État s'est porté partie civile, mais les parlementaires de gauche et écologistes sont dans la lutte avec les militants. Le combat pour notre planète est trop important pour avoir peur", ajoute le député LFI.
"Quelle sera la prochaine étape si la justice ne sanctionne pas ? " s'interroge la procureure en requérant 800 euros d'amende à l'encontre du prévenu.
"Le 28 février dernier, des militants de Dernière rénovation, accusés d'avoir jeté de la peinture orange sur les murs du ministère de la Transition écologique, ont été relaxés", rappelle l'avocate de Grégoire.
Le tournant, il est maintenant, il est majeur, il est urgent
Louise HennonAvocate de Grégoire, militant "Dernière rénovation"
Le jugement sera rendu le 30 mai prochain.
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