Véronique, infirmière au CHU de Nantes, ne veut "ni médaille, ni applaudissement mais un salaire à la hauteur"

Durement éprouvés par la crise sanitaire, les soignants sont dans le rue, ce mardi 16 juin pour réclamer une revalorisation des salaires. Dans le cortège, Véronique, infirmière de nuit au CHU de Nantes n'a que faire "des médailles et des applaudissements". Elle veut que son travail soit reconnu.

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Lorsqu'elle décroche son téléphone, Véronique a besoin de s'éloigner pour pouvoir parler, signe qu'elle est noyée dans la foule.

Devant le CHU de Nantes, ils sont des milliers de soignants, tous corps de métiers confondus, réunis à l'appel des syndicats. Une manifestation monstre : "C'est fou le monde, je n'ai jamais vu ça ! Ça fait vraiment chaud au coeur. C'est un grand moment".

Véronique Bordier a 52 ans. Elle est infirmière de nuit en médecine polyvalente aux urgences du CHU de Nantes. "Si je suis là aujourd'hui c'est pour une revalorisation de nos salaires. Ils sont gelés depuis une dizaine d'années. La seule possibilité d'avoir une augmentation de salaire, ce sont nos changements d'échelons qui  interviennent tous les quatre ans", explique Véronique.

"Moi je travaille de nuit. L'heure de nuit n'a pas été revalorisée depuis 20 ans. Mon heure est à 1,07 euros. On n'a jamais été augmenté, quand on sait les conséquences que de tels horaires ont sur la santé ! Mais rien ne bouge, rien ne change", rage l'infirmière.

Véonique embauche à 20h45. Elle quitte l'hôpital à 6h45 le matin. Dix heures de présence qui ne sont payées que huit. "C'est une prime. Ce n'est pas un salaire de nuit. Quand on part en vacances ou en formation, nous perdons de l'argent. En fait l'ensemble de nos salaires sont basés sur des primes. Le salaire pris en compte pour la retraite est toujours à minima". 


2 300 euros net par mois pour 25 ans d'ancienneté

Avec 25 ans d'ancienneté, Véronique qui travaille de nuit, à plein temps et fait un week-end sur deux gagne 2 300 euros net par mois. "Heureusement que mon mari travaille et qu'il a un salaire correct parce que j'ai trois enfants. Une infirmière qui se retrouve toute seule avec trois enfants c'est un salaire de misère. On ne vit pas avec ça".

La crise sanitaire, Véronique avoue l'avoir plutôt bien traversée, "parce que les effectifs ont été renforcés".

"Au début on est allé au travail avec la boule au ventre. On ne savait pas ce que l'établissement avait mis en place pour nous protéger en terme de masques et de surblouses. Il y avait des informations et des contre-informations. A cette période- là, c'était très mouvant au niveau des décisions, les orientations changeaient très vite", se souvient Véronique.

"En fait l'épidemie on ne l'a pas si mal vécue. On avait du personnel, des élèves infirmières, notamment, qui sont venues en soutien. Les patients atteints par le Covid-19 ont été parfaitement pris en charge, parce qu'on était en nombre", explique l'infirmière.

La direction a eu très très peur, du coup, elle a ouvert les vannes

Véronique Bordier, infirmière de nuit aux urgences du CHU de Nantes

"On n'avait pas besoin d'être applaudi pour faire notre travail"

Les applaudissement tous les soirs à 20 heures ? Véronique n'en a que faire. "On avait pas besoin d'être applaudi pour faire notre travail. C'était le coup de l'émotion. On est un peu une génération comme ça qui fonctionne sous le coup de l'émotion. Ça se dégonfle aussi vite que s'est apparu. C'est toujours pareil ! On a pas attendu ça pour bosser. Cela ne nous a en rien stimulé. Ça a galvanisé les foules."

Les gens qui ont choisi l'hôpital public ne le font pas par hasard. On est là parce qu'on a des valeurs. Si on est là c'est parce que ça représente quelque chose, ça a du sens

Les honneurs, Véronique les balaient d'un revers de main, elle préfère parler revalorisation des salaires. "Au niveau salarial européen, au classement de l'OCDE nous sommes 27e sur 30. Nous avons pourtant un excellent diplôme en France. Avec des responsabilités de plus en plus importantes. Dès qu'il se passe quelque chose dans un service, la première chose que l'on demande c'est qui était l'infirmière ? pas qui était le médecin ? On a intérêt à avoir une très bonne expertise", rappelle Véronique.

Pendant la crise on a vu combien les infirmières étaient essentielles pour la bonne marche du pays. On a bien su nous mettre en avant. Maintenant, il faut valoriser ces carrières et notamment pour les jeunes

"Aujourd'hui on ne parle plus en terme de vocation, on n'en est plus là. Le terme de vocation a fait que nos salaires sont restés au bas de l'échelle. Il y a un moment on ne peut plus compter que sur l'investissement et l'abnégation", ajoute Véronique.

 

"Personnellement les médailles, je ne vais pas les chercher"

"Je n'ai pas été chercher la médaille du travail, alors celle que le gouvernement nous tend en ce moment, je ne cours après non plus", l'infirmière n'attend aucun remerciement du gouvernement mais des actes. 

Les médailles finissent toujours dans les dépôts-vente. On m'aurait donné un jeton de caddie ça aurait été pareil !

L'infirmière, qui n'en est pas à sa première manif, dénonce des conditions de travail dégradées. "Il y a toujours de plus en plus de patients à accueillir dans des locaux viellissants. On ne demande pas l'aumône, on demande juste un salaire à hauteur de ce qu'on fait. Juste ça".

On n'est pas des militaires, on ne veut pas un ruban tricolore. On veut juste faire notre boulot dans de bonnes conditions. Avec des vrais revalorisations de salaires

Défiler aujourd'hui, c'est aussi une façon pour Véronique de s'interroger, "Je ne sais pas pourquoi les soignants sont toujours malmenés par la fonction publique. Moi j'ai l'impression que j'ai toujours travaillé dans la pénurie depuis que je suis diplômée. C'est chronique, comme si c'était inscrit dans l'histoire".

 

Le Ségur, un effet d'annonce...

"A chaque fois que des choses sont avancées pour les soignants ce sont surtout des effets d'annonce. Il y a toujours tellement de bémols, tellement de petits paragraphes en dessous, illisibles. Sur le terrain on ne voit jamais rien venir. Pour la revalorisation des heures de nuit par exemple, il y avait tellement de conditions que nous on ne l'a pas eue", déplore Véronique.

L'infirmière espère tout de même que la peur collective engendrée par le Covid-19 va faire changer les choses. "On attend de voir mais ce Ségur, on en attend tous pas grand-chose. C'est pas l'euphorie".

La foule présente aujourd'hui, en revanche, galvanise Véronique "C'est considérable, c'est énorme. Il y a tous les services dans la rue. Je n'ai jamais vu une mobilisation aussi importante. la colère est très présente et les soignants sont très motivés."

Il y a énormément de jeunes collègues et ça, ça fait un bien fou ! Parce que nous, notre génération, nous avons été trop dociles. Dans les écoles d'infirmières, il fallait qu'on dise merci pour avoir un salaire

"La jeune génération est plus lucide, moins reservée que nous, et ça je pense que cela va faire avancer notre cause. J'espère que les choses bougeront aussi en terme de formation et que l'infirmière ne sera pas cantonnée à un Bac + 3, mais qu'on va ouvrir plus de masters encore et offrir de réelles perspectives de carrières aux soignants", conclut Véronique avant de rejoindre ses collègues dans le cortège.

Remontée comme elle est,  la pluie ne risque pas de l'arrêter.

 

 

Une journée d'action nationale bien suivie
Les soignants sont sortis en bloc : au moins 4 000 manifestants à Bordeaux et 3 500 à Marseille (selon la police), entre  2 600 et 5 000 (selon les syndicats) à Montpellier, 1 500 à 3 000 à Caen, 1 300 à 3 000 à Rennes, 800 à 1 500 à Orléans, mais aussi plusieurs milliers à Paris et Lyon comme l'ont constaté des journalistes de l'AFP.

A Nantes on a compté de 5 500 à plus de 10 000 personnes selon les sources.

A Saint-Nazaire, 1 300 personnes (selon la police), 2 000 (selon les syndicats) ont défilé de l'hôpital au rond-point d'Oceania avtn de revenir à leur point de départ. Les manifestants étaient pacifiques mais déterminés selon l'un de nos journalistes présents sur place.
 
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