Vers un coup d'arrêt du chantier du futur aéroport ? Le rapporteur public de la cour administrative d'appel de Nantes va demander lundi après-midi l'annulation d'arrêtés préfectoraux autorisant les travaux de l'infrastructure controversée, que le gouvernement voulait lancer à l'automne.
Les avis du rapporteur public sont généralement suivis par la justice administrative. La décision de la cour, qui sera mise en délibéré à l'issue de l'audience, est attendue sous quinze jours. La magistrate va proposer l'annulation de quatre des cinq arrêtés contestés en justice par les opposants, selon le sens de ses conclusions communiquées aux parties vendredi. Ces arrêtés, pris en décembre 2013 et liés aux aménagements hydrauliques et aux destructions d'espèces protégées, permettent la réalisation de la plateforme aéroportuaire et sa desserte routière.
Dix requêtes ont été déposées au total par les principales associations opposées au projet, des associations de protection de l'environnement, des agriculteurs et des particuliers. Les opposants, qui ont entamé il y a une quinzaine d'années une intense bataille judiciaire pour stopper le projet quinquagénaire de transfert de l'actuel aéroport de Nantes Atlantique, relancé au début des années 2000, ont jusque-là perdu chaque manche. Ils ne cachaient pas leur surprise en fin de
semaine après avoir été informés des préconisations du rapporteur public, mais si c'est "un bon signe", ils ne "crient pas encore victoire".
Fondamentalement mauvais
Le sens des conclusions est l'annulation des arrêtés dits "loi sur l'eau" et "espèces protégées", pour incompatibilité ou non respect d'articles du Code de l'Environnement, selon les parties. "Cela crédibilise ce qu'on dit depuis longtemps: que le projet nous paraît fondamentalement mauvais sur le volet environnemental", souligne Françoise Verchère, l'une des requérantes, ancienne élue (Front de gauche) de Bouguenais, où est situé l'actuel aéroport nantais.
Les opposants pointent notamment l'insuffisance des mesures prises par le concessionnaire du site, Aéroports du Grand Ouest (AGO), une filiale de Vinci, pour compenser ladestruction de l'écosystème actuel du site, une zone humide à 98%, et de la centaine
d'espèces protégées qui s'y abritent. Le projet "n'apporte aucune visibilité sur la surface mise en oeuvre pour ces mesures compensatoires et ne fournit aucune garantie sur l'efficacité de ces mesures",
argue Thomas Dubreuil, l'un des avocats des requérants.
La dérogation à la destruction et au transfert d'espèces protégées est prévue par le Code de l'Environnement, à condition que le projet soit d'intérêt public majeur, qu'il n'existe pas de solution alternative satisfaisante, et qu'il ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, de l'espèce dans son espace naturel.
En première instance, le 17 juillet 2015, le tribunal administratif de Nantes avait validé la méthode de compensation environnementale prévue dans le projet d'aéroport, considérant qu'elle ne portait pas atteinte à l'état de conservation des espèces. La majeure partie des requérants avaient fait appel de ces jugements. Outre ces arrêtés environnementaux, ils demandent l'annulation d'un cinquième, qui déclarait d'utilité publique les travaux d'aménagement et de sécurisation des voies existantes
autour du futur site, au motif qu'ils n'avaient pas fait l'objet d'une étude d'impact globale.
Si les juges administratifs annulent les arrêtés dits "loi sur l'eau" et "espèces protégées", "les conditions pour une intervention ou un démarrage des travaux ne sont aucunement réunies", estime Me Dubreuil, alors que Manuel Valls avait fixé pour l'automne l'évacuation progressive du site et le lancement des travaux. Des associations favorables au transfert de l'aéroport nantais à Notre-Dame-des-Landes ont réclamé samedi la confirmation de ce calendrier, en portant à la préfecture de Loire-Atlantique des cartons censés contenir les 270.000 bulletins de vote pour le "oui" lors de la consultation organisée le 26 juin dans le département.
Les travaux préalables à la construction de l'aéroport, déclaré d'utilité publique en 2008, sont suspendus depuis les dernières tentatives d'expulsion des occupants du site, à l'automne 2012, retardant sine die une ouverture de la nouvelle infrastructure, à une vingtaine de kilomètres au nord de Nantes, initialement prévue en 2017.
►Le point à la mi-journée avec Vincent Calcagni