Reportage. Présidentielle 2022 : Aurélien et Philippe, agriculteurs bio en Loire-Atlantique, en faveur d'une nouvelle loi d’orientation agricole pour une agriculture vertueuse

Qu’ont à dire les agriculteurs bio aux candidats à l’élection présidentielle ? Eux qui ne bénéficient pas en général de la PAC, ou des aides comme leurs collègues de l’agriculture dite "conventionnelle". Aux candidats à l'élection présidentielle, ils réclament une nouvelle loi d’orientation agricole pour une alimentation saine et un respect des terres agricoles.

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Voici Aurélien Orain et Philippe Caillaud, adhérents du GAB44, le Groupement des agriculteurs biologiques de Loire-Atlantique. Passionnés par leur métier, le sens qu’il donne à leurs vies, et le sentiment de faire œuvre utile. Des idées, ils n’en manquent pas, pour que vivent sainement, leur métier, nos campagnes, et notre santé. 

Aurélien le jeune et Philippe l'ancien, tous deux agriculteurs engagés

Aurélien Orain est paysan boulanger depuis sept ans à la ferme de la Rousselière à Châteaubriant. Ses parents étaient agriculteurs sur la ferme, il n’a pas voulu reprendre la suite. "Le métier ne me faisait pas particulièrement rêver. Après le BAC, je suis parti vers des études agricoles que j’ai abandonnées très vite. Et je suis devenu animateur sportif. Je n’osais pas, et ça m’a permis d’oser".

Aurélien a travaillé 10 ans en montagne comme moniteur de kayak. "Et puis, finalement, avec mon frère, on trouvait que la démarche bio de nos parents était chouette. Il y avait du potentiel, j’ai imaginé de devenir fromager en vente directe. En cours de formation, je ne me sentais pas éleveur, et en stage j’ai découvert le pain, et je suis devenu paysan boulanger".

À Saint-Marc-sur-Mer, à la ferme des Pouls Hauts, sur la commune de Saint-Nazaire en Loire-Atlantique, Philippe Caillaud arrivera bientôt au terme de sa carrière. À 58 ans, cet ingénieur agronome produit du lait bio et les produits dérivés destinés à la vente directe depuis 22 ans. Il a deux préoccupations, le renouvellement rapide des 30% de ses collègues qui vont partir en retraite, et la nécessité d’une nouvelle loi d’orientation agricole.

Qui pour remplacer les départs en retraite ?

"Il faut refaire ce qui a été fait au début des années 1960. Tout bouleverser, tout remettre à plat", affirme Philippe. Entre un quart et un tiers des agriculteurs ont plus de 55 ans, "cela va devenir un problème sociétal, agricole, qui sera la prochaine révolution agricole". 

"Qui va remplacer les responsables d’exploitations, quelles personnes, avec quelles formations", s’interroge Philippe ? "Ce ne seront pas les gens issus du milieu, pas plus que les les gens issus de l’enseignement agricole classique, qui n’arrive déjà pas à fournir. Il va falloir imaginer des alternatives pour permettre à ces gens nombreux, qui souhaitent rejoindre l’agriculture par choix de vie, bifurcations professionnelles ou prises de conscience environnementale". Et souvent comme on l’a vu avec Aurélien, ce cheminement est long, et nécessite aussi des formations complémentaires.

Pour une vraie loi d'orientation agricole

Ces agriculteurs aspirent à un mode de vie qui ne soit plus autant en décalage avec la société. Il va donc falloir créer des modèles économiques différents. "On ne maintient plus un patrimoine, une histoire familiale. Les robots, les machines, vont modifier les dimensions des exploitations, les pratiques, et le paysage". Et trouver un modèle viable collectivement. Philippe reprend : "Si on se projette à plusieurs décennies ça ne va pas pouvoir continuer, une agriculture basée sur des engrais chimiques, des pesticides, sur du transport, et de la spéculation, ça va bugger !" 

Pour lui, le prochain président devra avoir l’ambition qu’ont eu les hommes politiques des années 1960. "Faire une vraie loi d’orientation agricole, on n'arrive pas à poser les problèmes véritablement, par rapport aux enjeux environnementaux, sociaux. On a fait la loi Egalim, mais c’est tout petit, ça n’a rien à voir avec le choc culturel, la mise en évidence du rôle du monde agricole dans la société comme l’ont fait les lois de 60 et 62". 

Les pouvoirs publics, comme le syndicat agricole majoritaire, restent sur l’idée que la France doit nourrir le monde, "on entretient une illusion, on importe des aliments pour des poulets qu’on exporte et qui pourraient être produits sur place". Absurde.

Investissement local faute d'investissement politique

Les jeunes agriculteurs sont à l’image de la société française, ils sont désabusés par l’action politique, ils ont pourtant bien envie de changer le modèle social. "On essaye de faire perdurer ce modèle productiviste, il faut reposer les choses", reprend Philippe. Et se poser les bonnes questions, à quoi sert l’agriculture ? Manger à sa faim, ou faire du commerce ? "L’acte agricole ne doit plus être réduit à un rôle de fournisseur pour l’industrie agroalimentaire, être fournisseur, alors que ça peut-être autre chose". Je suis à la porte de la ville, mon ambition est de nourrir mes voisins".

Aurélien entretient les haies et se sert de leur bois pour cuire son pain, dans ce bocage où pâturent les vaches de la ferme, et où pousse le blé dont il fait sa farine.

Il partage le point de vue de Philippe, et se sent en phase avec son époque. "Il y a plein de nouveaux producteurs bio autour de Châteaubriant, des fruits, des légumes et des champignons, on a même des plants de légumes, des plants d’arbres fruitiers. Des installations qui ne demandent pas des grandes surfaces agricoles mais qui font du monde dans la campagne, dans les réseaux, et des gamins dans les écoles".

La ferme de la Rousselière fait vivre sept ou huit personnes selon les périodes de l'année. "Nous sommes trois associés en GAEC et quatre ou cinq salariés. On réfléchit à devenir une Scop agricole, une SCAEC (Société coopérative agricole d'exploitation en commun). On se retrouverait associés et salariés". 

Pour une sécurité sociale alimentaire

"Il faut redonner un sens au métier de paysan, les gens qui veulent venir vers ce métier, veulent un métier qui a du sens, un cadre de vie, produire plutôt bio en vente directe, c’est leur modèle". Philippe en est convaincu, c’est le modèle développé par Aurélien qu’il faut soutenir.

Si Philippe espère une grande loi d'orientation, Aurélien n'y est pas opposé, mais en fait, il n’attend rien des politiques, "il n’y a rien qui ait amélioré ma vie ces dernières années. On a appris à faire sans. L’agriculture conventionnelle est sous perfusion des aides PAC (Politique agricole commune), c’est mal distribué, plus on est vertueux moins on en touche, et plus on a d’hectares plus on a d’aides". Et les réformes successives de la PAC européenne n'ont finalement rien changé à cette injustice.

Aurélien rêve d’une sorte de sécurité sociale alimentaire, "quand on fait ses courses, on passerait sa carte vitale pour obtenir un remboursement en fonction des aliments bio ou sains qu’on aurait achetés. Plutôt que d’aller acheter ensuite des médicaments pour se soigner. La PAC pourrait financer les consommateurs clients d’une agriculture vertueuse pour les sols, les agriculteurs, les animaux et les végétaux".

Faut-il une révolution agricole durant le prochain quinquennat ? ©Christophe Turgis

Qui a répondu à la consultation #MaFrance2022 ?

Vous avez été 1 million à participer à cette consultation lancée le 25 août dernier par France Bleu et la plateforme citoyenne Make.org, en partenariat avec France 3 Régions, 

47% des participants sont des hommes contre 44% de femmes et 2% de non-binaires (la population française est composée à 47% d'hommes et 51% de femmes et 2% de non-binaires). 

34 000 propositions citoyennes ont été recensées. Parmi elles, 12 priorités ressortent pour la Présidentielle. Arrivent en tête la démocratie et les institutions avec 26% des propositions puis le pouvoir d'achat à 13%, devant  l'écologie à 12%.

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