Au-delà des clichés sur les déserts médicaux, le réalisateur Matthieu Yakovleff dévoile un autre visage. Dans les quartiers de Saint-Nazaire où la pauvreté touche jusqu'à 40 % des habitants, l'association "À vos soins" a réussi à attirer des médecins et des professionnels de santé.
Un désert médical, ce n’est pas un paysage particulier. Si l’expression évoque souvent villages et petites villes, leur éloignement des centres urbains, leurs populations âgées, le réalisateur Matthieu Yakovleff nous en montre un autre visage : celui des quartiers de Saint-Nazaire où domine l’habitat collectif, tours et barres d’immeubles de toutes tailles. Des habitants de toute génération et une concentration de la pauvreté touche jusqu’à 40 % des habitants du quartier du Petit Caporal.
C’est pourtant ici qu’ont eu lieu les trois dernières – et seules – installations de médecins à Saint-Nazaire depuis deux ans, le tout dans un Centre de Santé Polyvalent flambant neuf installé dans une ancienne ferme réhabilitée. Comment l’association À vos soins qui le gère au quotidien a-t-elle réussi là où d’autres échouent à faire venir médecins et professionnels de santé ?
En proposant un projet qui a du sens : réduire les inégalités d’accès aux soins par une présence au quotidien, pratiquer le tiers payant généralisé et salarier ses médecins pour leur laisser consacrer leur temps aux consultations. Doctolib ou "doctolibre", algorithme ou gestion humaine, pourquoi choisir ?
Documentaire tourné en immersion durant cet hiver où ont flambé les prix, pénalisant les plus précaires, "À notre santé" procède par petites touches impressionnistes au gré des consultations qui nous permettent de saisir par leur succession l’ampleur des difficultés rencontrées par les bénéficiaires, que l’association a décidé d’épauler. Elle s’est dotée pour cela d’une palette de dispositifs dont le MarSoins, un poste avancé et mobile : le MarSoins est un camion médicalisé qui amène conseils, dépistages et prévention gratuitement à toutes celles et ceux qui en sont privés.
La prévention, grande oubliée du système de santé
À Saint-Nazaire et alentours, mais aussi à Rezé, à Brest, dans le pays de Châteaubriant et désormais à Redon, les habitants le connaissent bien. Le camion s’installe tour à tour sur les marchés, près des établissements scolaires, au pied des bureaux sans âme des antennes des CPAM ou des CAF. Là où, en tout cas, on pourra le trouver sans difficulté, et y monter pour consulter, ou tout simplement bavarder en buvant un café.
Discrète et respectueuse, la caméra témoigne sans commentaire et sans filtre : une jeune femme vient pour un examen dentaire, aucun dentiste n’accepte plus de nouveau patient à Saint-Nazaire. La conversation avec Françoise, responsable du MarSoins dévie sur l’impossibilité de trouver un gynécologue. Il faudrait aller à Nantes, prendre le train, c’est un budget. Françoise qui connaît sur le bout des doigts les dispositifs d’aide va faire un courrier pour une prise en charge.
Car le MarSoins prend le contrepied d’une médecine qui place ses critères de performance dans ses investissements technologiques et sa numérisation, autre source d’exclusion : ici, on offre de l’écoute, du temps et du contact, y compris au sens tactile du terme. C’est tout le travail de Cécile, socio-esthéticienne qui propose des moments bien-être avec massage, mais à qui chacun peut se confier sur ces petits et grands tracas.
C’est un grand gaillard qui n’était jamais venu dans le camion qui cette fois s’est décidé, et se laisse masser le visage pour la première fois de sa vie. Ou cette femme qui souffre de démangeaisons et surtout de solitude que Cécile essaie doucement d’amener vers les démarches nécessaires pour faire évoluer sa situation. Cécile qui lui massera tête et épaules, lui procurant un moment de bien-être qu’on imagine rare.
Dépistages, diagnostics dentaires, tests de vue ou d’audition, mais aussi journées thématiques sur des sujets aussi divers que la diététique, le diabète, la vie affective et sexuelle : le MarSoins est un camion tout-terrain.
À partir de la mi-avril, un quatrième camion prendra la route pour procurer un premier accès aux soins aux habitants de la région de Redon. Au centre de Santé de Saint-Nazaire, les prises de rendez-vous se succèdent. Médecins, infirmières et infirmiers consultent sur place et en visite. Les autres activités proposées par l’association, comme le jardin thérapeutique "L’arbre aux sens", ne désemplissent pas. Preuve indéniable que le médical et le social forment une seule et même demande, trop souvent insatisfaite.
La prévention fait également partie du traitement dont a besoin une médecine à bout de souffle, à bout de nerfs et en quête de sens, au bénéfice d’usagers relégués de fait au rang de patients de seconde zone par un système lui-même malade. Le modèle créé par les professionnels et bénévoles de À Vos Soins n’a pas fini de grandir.
"À notre santé", un documentaire de Matthieu Yakovleff à voir sans modération.
Une coproduction France 3 Pays de la Loire et Couac Productions.
Diffusion le mercredi 25 octobre à minuit sur France 3 Pays de la Loire.
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