Un amendement déposé par l'exécutif au Sénat ouvre la voie à une renégociation de six projets de parcs éoliens offshore, sur la façade atlantique et dans la Manche. L'annonce inquiète les industriels de la filière, déjà engagés dans le développement des parcs.
C'est au Sénat, le 8 mars dernier, que le gouvernement a fait déposer un amendement qui pourrait décider du futur de six projets de parcs éoliens offshore, depuis les côtes normandes jusqu'à la Vendée. Un amendement au projet de loi pour un "État au service d'une société de confiance" propose en effet la possibilité de renégocier les conditions d'attributions et le cahier des charges de six projets éoliens, à Courseulles-sur-Mer, Fécamp, au Tréport, à Saint-Brieuc, puis au large de Saint-Nazaire et entre l'Île d'Yeu et Noirmoutier.
"Dans certains cas, notamment lorsque le progrès technique permet d'envisager des baisses de coût substantielles, l'État pourrait souhaiter renégocier les conditions de l'offre retenue à l'issue de la procédure de mise en concurrence afin de l'améliorer, et en particulier de diminuer le montant du tarif retenu", explique l'amendement. La baisse progressive du coût de l'énergie éolienne, notamment dûe au progrès technologique rapide dans le secteur, encouragerait l'État à ne plus s'engager dans des projets dessinés il y a près de 10 ans.
"Si la renégociation des contrats n'était pas possible, une des options pourrait être de mettre fin ces projets et de relancer une nouvelle procédure dans les meilleurs délais afin de pleinement profiter des améliorations technologiques", appuie le texte. De quoi causer une incertitude chez les porteurs des différents projets, pour certains en pleine phase d'étude et de planification des premiers travaux.
"Mettre en mouvement" les projets
Pour l'instant, ce n'est qu'un amendement déposé au Sénat, et en première lecture - qui est donc loin d'être promulgué, même à l'initiative du gouvernement. "Nous sommes très attentifs", explique Dominique Follut, vice-président de Neopolia, structure rassemblant plus de 80 entreprises dans le domaine maritime, avec un cluster dédié aux énergies marines renouvelables (EMR). "Nous pensons qu'il faut se mettre en mouvement, et lancer ces projets éoliens".
Et le représentant des professionnels de nuancer les arguments portés par le gouvernement : dans le calcul du coût de la technologie, par exemple, "il faut prendre en compte qu'en France, on veut mettre en place tout une filière", contrairement aux éoliennes en mer du nord, aujourd'hui moins coûteuses - l'ambition française est aussi de structurer sous-traitants et fournisseurs autour du marché national.
Quant au retard technologique possiblement accumulé, Dominique Follut y oppose "la nécessité d'avancer, et les premiers retours que vont nous permettre l'installation de ces parcs" dans l'installation technique comme dans les rapports avec les services de l'état (notamment la Dreal, chargée des contrôles de conformité) et dans "la position à adopter face aux recours", qui sont parfois nombreux sur ces projets.
À Noirmoutier, le collectif anti-éolien TPANI se réjouit de l'amendement, en soulignant avoir déjà mis en avant l'argument du surcout des projets actuels. Ses représentant demandent l'annulation de l'enquête publique prévue en avril pour le parc de l'Île d'Yeu.
Du côté d'EDF et d'Engie, l'heure est à la prudence et à l'attente des avancées législatives. Une renégociation des accords passés décalerait d'au moins 4 à 5 ans la réalisation de ces parcs éoliens.