Fuite d'hydrocarbures à la raffinerie de Donges en décembre 2022. TotalEnergies a caché les résultats d'une étude sur une pollution de l'air

770 000 litres d'hydrocarbures s'étaient échappés d'une cuve de la raffinerie de Donges en décembre 2022. Une étude avait alors démontré que les riverains avaient respiré une substance cancérogène pendant plusieurs jours. TotalEnergies le savait dès janvier 2023, mais s'est tu.

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Le 21 décembre 2022, près 800 000 litres d'hydrocarbures s'échappaient d'un bac de la raffinerie de Donges et souillaient l'eau, le sol et l'air.

Si les premières communications du groupe et de la Préfecture se voulaient rassurantes, un rapport de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) démontre pourtant qu'un fort taux de benzène, une substance cancérogène, a été respiré par les riverains pendant plusieurs jours.

Des résultats connus par TotalEnergies dès janvier 2023.

LIRE AUSSI. Fuite de carburant à la raffinerie de Donges en 2022 : Total, la préfecture et les associations de riverains ont une lecture différente des conséquences

Ce vendredi après-midi, en mairie de Donges, le comité de suivi des sites qui rassemble une fois par an des représentants de TotalEnergies, des salariés, des collectivités territoriales et des associations de riverains et l’agence régionale de santé (ARS), risque d'être animé.

Les associations environnementales et de riverains vont certainement demander des comptes à TotalEnergies et à la Préfecture, sur les conséquences de la fuite survenue dans la soirée du 21 décembre 2022.

Comme l'indique notre confrère Samy Archimède, journaliste au média breton Splann! dans une enquête exhaustive, réalisée sur cet événement "l’étude d’impact confiée par TotalEnergies à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) est restée bloquée dans les placards du groupe pétrolier. Remise le 20 janvier 2023, elle démontrait que dans certains quartiers de Donges, la concentration moyenne journalière de l’air en benzène, substance classée cancérogène certaine, a dépassé le seuil d’exposition aigu acceptable pendant les quatre jours qui ont suivi la fuite d’essence"

Comment expliquer, que durant plus de vingt mois, les conclusions de l'INERIS ont été cachées aux habitants, aux associations, aux salariés qui côtoient à l'année les installations industrielles de TotalEnergies ?

Inquiétude quant aux conséquences sanitaires de la pollution

Alors que les études sanitaires réalisées sur le bassin nazairien montrent 42 % de surmortalité chez les hommes de moins de 65 ans, liés aux cancers, les répercussions des accidents industriels questionnent et préoccupent de plus en plus les habitants.

En janvier 2024, les associations AEDZRP (Association Environnementale Dongeoise des Zones à Risques et du PPRT)  et MNLE (Mouvement National de Lutte pour l'Environnement) avaient alerté sur les répercussions de ces concentrations de benzène sur les riverains estimant que ''cette surexposition entraîne des effets à long terme sur la production de globules sanguins, le système nerveux et le système immunitaire''.

Elles ajoutaient que cet accident était la résultante d'une série de manquements de la part du groupe pétrolier, ''malgré des recommandations signifiées dès 2012 entraînant des infiltrations dans les sols et les eaux souterraines, autant de faits réels tirés du rapport du Bureau d’Étude et d'Analyse sur les Risques Industriels en date du 6 décembre 2023''.

Pourtant, toujours en janvier 2024 dans un communiqué, et alors qu'il connaissait les conclusions de l'Inéris, l'industriel affirmait : ''Sur les eaux et les sols, les actions engagées ont permis de maîtriser les fuites, et sur l'air, la concentration de benzène est restée inférieure à la valeur guide sur le bourg de Donges, exceptée au sud du stade où la concentration moyenne a atteint une à deux fois la valeur guide, ce qui fait que la valeur réglementaire annuelle est respectée''.

Comme le rappelle Splann! "Alors que les vents amènent les effluves toxiques jusqu’au bourg de Donges, la préfecture communique dès le 22 décembre sur son site internet : « Fuite d’essence à la raffinerie de Donges : pas d’impact sanitaire pour la population." 

Des affirmations, dont l'industriel et la Préfecture vont maintenant devoir répondre devant la population.

Maxime Jaglin et Antoine Ropert étaient à Donges ce vendredi matin avant la tenue du comité de suivi (Montage: Nicolas Guilbaud)

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Notre équipe s'est rendue à Donges, quelques heures avant la réunion du comité de suivi du site. ©M. Jaglin/A.ropert/N.Guilbaud

Un rapport différemment apprécié

Notre équipe n'a pas été autorisée à assister au comité de suivi. Néanmoins, elle a rencontré plusieurs acteurs qui gravitent autour de la raffinerie et qui attendaient beaucoup de cette réunion. 

C'est le cas de Stéphane Bodinier, de l'AEDZRP, pour lui le rapport que TotalEnergies détenait depuis janvier 2023 change la donne. 

Il change tout. Il change qu'enfin, et depuis bien longtemps, un rapport d'un comité scientifique indépendant, qui fait autorité dans le milieu des risques industriels, nous donne des arguments pour nous dire que oui, les associations, vous n'avez pas complètement tort.

Stéphane Bodinier

membre de l'association AEDZRP au sujet du rapport de l'INERIS

"Ce rapport dit que les seuils ont été dépassés pendant quatre jours, bien au-delà des limites autorisées, et que le benzène est reconnu comme cancérigène probable, donc le respirer durant quatre jours a nécessairement un impact sanitaire, qu'on demande de mesurer notamment" ajoute le représentant de l'association des riverains, qui interpelle au passage l'ARS.

"On se dit que dans une situation, dans une région où les cancers sont largement supérieurs à la moyenne, un incident comme ça, de quatre jours, où des gens respirent du Benzène, l'ARS aurait dû réagir, immédiatement. Prévenir les médecins, prévenir les populations, prendre des préconisations au moins réagir en tout cas à une situation qui est inacceptable", fulmine Stéphane Bodinier.

Pour la direction de TotalEnergies, les conclusions de l'INERIS n'apportent pourtant rien de plus que les premières études diligentées au lendemain de la fuite.

Vincent Demargne, le directeur du site de Donges, affirme "qu'à aucun moment de l'événement, y compris au début, les teneurs en benzène qui ont été mesurés n'ont atteint le seuil de protection de la population dans un cas accidentel. (...) Si on se place sur une échelle de temps plus longue, c'est-à-dire celle de l'année 2022, quand on prend l'influence que l'événement a pu avoir là aussi sur la concentration en benzène dans l'atmosphère, en tout point du bourg de Donges, les moyennes sont conformes au seuil réglementaire.(...) Après, les études qui sont mentionnées, qui existent en la matière et sur lesquelles l'INERIS s'appuie, tendent à expliquer que si jamais il y a eu effet, il y aurait une réversibilité". 

Quant au manque de transparence que pointent les associations ou les syndicats, Vincent Demargne réfute, de son côté, un manque de communication. "Dès la survenue de l'événement, les équipes de la raffinerie ont fait appel à la force d'intervention rapide d'Air Pays de la Loire afin de bénéficier des mesures très précises de la qualité de l'air en complément des analyses que nos équipes et le SDIS avons pu faire. Et ces analyses ont été publiées dès le mois de janvier 2023 par Air Pays de la Loire dans trois rapports qui étaient disponibles auprès du public." 

Des explications qui risquent de ne pas totalement satisfaire les participants au comité de suivi du site, voire d'attiser un peu plus leur colère à l'égard de l'industriel et des services de l'État.

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