"L'Homme de Boue" explore la quête artistique et personnelle d'Olivier de Sagazan, un plasticien dont les performances mêlent transformation corporelle et quête personnelle. Entre ses racines africaines et sa vie en France, ce film révèle un voyage artistique où l'art devient un moyen de se réinventer et de redécouvrir ses origines. Rencontre avec ce citoyen du monde basé à Saint-Nazaire…
Difficile de résumer l’homme... Peintre, sculpteur, plasticien et depuis le début des années 2000, performeur, la palette est large pour Olivier de Sagazan.
Né à Brazzaville au Congo, il est rentré en France pour suivre des études de biologie qu’il a ensuite enseignée au Cameroun. Des allers-retours France / Afrique qui auront façonné le personnage, lui qui travaille l’argile fébrilement, patiemment, urgemment, avec cette irrépressible envie de décrypter le vivant.
J’ai comme une relation amoureuse, essentielle avec l’argile, la terre…
Olivier de SagazanArtiste plasticien
Sa relation intime avec l’argile, son matériau de prédilection
Olivier de Sagazan nous a donné rendez-vous dans son atelier, là où il façonne son travail depuis des années. Dans les mains ce jour-là, de la paille et de l’argile, encore et toujours… Il malaxe l’amalgame puis saisit un chalumeau pour finaliser son œuvre…
La boule qu’il a dans les mains se noircit pour se figer encore fumante, dans une expression bluffante. Olivier de Sagazan la repose devant lui, comme un visage à qui il ne manque plus que la parole !
Un jour, un visiteur Congolais m’a dit que j’étais un lien entre l’Occident et l’Afrique
Olivier de SagazanArtiste plasticien
L’art sans frontières : l’inspiration venue d’une rencontre marquante à Brazzaville
Olivier de Sagazan a les yeux qui brillent quand il raconte cette histoire. Ce jour-là, il est dans sa galerie quand un visiteur franchit la porte. Le contact s’établit assez vite et d’autant plus facilement que l’homme vient de Brazzaville, au Congo. Là où est né l’artiste.
Le visiteur s’attarde sur les œuvres puis s’adresse à Olivier de Sagazan : "Vous avez dû subir un début d’initiation, interrompue malheureusement. Regardez, tous vos personnages ont la bouche ouverte. Votre travail est marqué du sceau de la vie et de la transmission. Vous êtes comme un lien entre l’Occident et l’Afrique".
Cette discussion a été vécu comme un déclic par Olivier de Sagazan. "En Afrique, il n’y pas de séparation entre l’Art et la Vie. On n’oppose pas le sensible et l’intelligible, les émotions et le corps comme en Europe. Moi, je veux par mon travail rapprocher ces deux mondes".
Une expérience libératrice face à la caméra avec la puissance de l’inconscient
Un jour, je me suis posé devant une caméra et j’ai fermé les yeux. Mon inconscient a fait le reste
Olivier de SagazanArtiste plasticien
C’était en 2018. Olivier de Sagazan n’y arrive plus… Comme bloqué dans sa démarche créatrice. Il ne parvient pas à donner vie à ses sculptures.
"Je me suis posé devant une caméra et l’ai laissé tourner. Je me suis enduit d’argile et j’ai fermé les yeux. Puis je me suis mis à malaxer sans calculer. En détruisant, reconstruisant puis balayant l’idée sans voir ce que je faisais en fait".
Olivier de Sagazan ne sait pas combien de temps a duré l’expérience. Ce qu’il découvre en revanche va bouleverser sa démarche créatrice. "Toutes les créatures qui sont apparues sur l’écran n’avaient plus rien à voir avec ce que j’avais créé jusqu’alors. Je m’étais libéré de toute démarche construite et avais laissé libre court à mon inconscient ".
L’erreur créative, un élément essentiel
En matière d’art, l’erreur est salutaire...
Olivier de SagazanArtiste plasticien
En peinture, on appelle ça le "repentir". Il suffit de voir une œuvre passée aux rayons X pour apercevoir les doutes de l’artiste peintre. Comme autant de retouches invisibles à l’œil nu, mais qui forment la qualité de l’œuvre à l’arrivée. Son histoire également.
Chez Olivier de Sagazan, c’est beaucoup plus visible. D’ailleurs, il est monté sur scène pour en jouer, lors de performances toujours spectaculaires.
La première remonte à 1998 et s’appelle "Transfiguration". Son terrain de jeu : l’argile encore et toujours avec le sur-modelage du crâne et de la face. Une performance présentée plus de 300 fois dans 25 pays.
Cette performance était une quête intérieure nécessaire
Olivier de SagazanArtiste plasticien
Pendant le spectacle, Olivier de Sagazan change d’identité. Tantôt homme, tantôt animal. Jusqu’à prendre des formes hybrides, méconnaissables.
Et voilà l’artiste qui malaxe son identité en y ajoutant ici et là des touches de couleurs, qui ponctuent le tableau en constante évolution. "Je voulais offrir un aperçu captivant, troublant et émouvant d'un moi alternatif, totalement libre de toute inhibition. Je suis sidéré de voir à quel point les gens pensent qu'il est normal, voire banal, d'être en vie, comme s’ils partageaient avec moi cette impérieuse envie de quête intérieure, tellement nécessaire aujourd'hui".
Quand l’authenticité rencontre le défi : le soutien et les doutes de sa compagne Gaelle Lerouge
J’ai pourtant souvent peur que les gens ne comprennent pas sa démarche
Gaelle LerougeCompagne d’Olivier de Sagazan
Après "Transfiguration", Olivier de Sagazan a enchaîné les performances… "Hybridation" ou "Corps-Textes", du théâtre de Saint-Nazaire au Festival d’Avignon en 2021. Avec un accueil partagé du public.
"Olivier est toujours sincère dans ses créations. Honnête, il s’engage toujours à fond quitte à être parfois border line". L’aveu est surprenant, il vient de Gaelle, la compagne d’Olivier de Sagazan. "C’est vrai, j’ai peur pour lui. Je détesterais qu’il se fasse huer par exemple. Ce serait tellement injuste par rapport à sa démarche".
À ses côtés, Olivier de Sagazan a les yeux dans le vide. Comme s’il n’était plus là. Et puis cette phrase, qu’il termine à peine… "C’est vrai que beaucoup de gens voient encore mon travail au premier degré, comme une défiguration d’un être humain réel… Que veux-tu !".
Olivier de Sagazan est un "Homme de Boue", droit dans ses certitudes qui ne durent jamais vraiment bien longtemps. Artiste jusqu’au bout des doigts, tant qu’il y aura de l’argile sur terre !
À voir et à revoir jusqu'au 13 novembre 2025 sur france.tv
Documentaire réalisé par : Alexandre Degardin
Produit par : Ekla Productions / France Télévisions
Maison de production : Ekla Productions / France Télévisions