Plainte pour diffamation à Saint-Nazaire : la majorité dans la tourmente

Après des mois de tension, la crise a explosé au grand jour à la mairie de Saint-Nazaire. Le 13 mai dernier, l'adjoint aux finances Martin Arnout a porté plainte contre la première adjointe Laurianne Deniaud qu'il accuse de diffamation. Elle a rétorqué mercredi soir en publiant une lettre ouverte.

Dans ce communiqué envoyé à la presse ce mercredi soir, Laurianne Deniaud et  9 autres élus de la majorité expliquent que cela fait plus d'un an qu'ils alertent le maire de Saint-Nazaire  sur le comportement de l'adjoint aux finances et ''sur un climat de sexisme ambiant et oppressant à la mairie''. 

Plus largement, le collectif, qui s'est baptisé Ils ne nous feront pas taire, incite à la libération de la parole des femmes.

 9 femmes sur 10 victimes de violences sexuelles renoncent à déposer plainte : c’est aussi parce qu’elles ne bénéficient pas d’un environnement bienveillant ou du soutien qu’elles seraient en droit d’attendre et parce que la justice peine bien souvent à donner suite. Une affaire de violences sexuelles, des inquiétudes sur un environnement de travail, ne sont pas des sujets privés. Ils sont éminemment politiques parce qu’ils s’inscrivent dans un contexte global d’inégalités et de violences subies par les femmes dans notre société.

Ce communiqué a déjà été largement repris sur les réseaux sociaux, notamment sur Twitter avec le hashtag #Ilsnenousferontpastaire.

Il a été cité par l’ancienne journaliste de France 3 Audrey Pulvar, désormais présidente de la fondation de Nicolas Hulot. Parmi les soutiens, de nombreuses féministes dont Elen Debost, l'élue écologiste du Mans, qui avait accusé l’ex-député Denis Baupin d’agressions sexuelles et de harcèlement.

«  Une affaire de violences sexuelles, des inquiétudes sur un environnement de travail ne sont pas une affaire privée ». Ferme et courageuse declaration de plusieurs élu.e.s de @VilleStNazaire ⬇️ https://t.co/F5wKMAyAbb

— Audrey PULVAR (@AudreyPulvar) May 29, 2019

Des accusations graves

Ce qui a poussé Martin Arnout à porter plainte pour diffamation le 13 mai dernier contre Laurianne Deniaud ce sont les propos tenus en son absence par la première adjointe une semaine plus tôt lors d'une réunion des élus socialistes en mairie. Laurianne Deniaud l'aurait accusé d'avoir agressé sexuellement une autre élue du conseil municipal.

Plusieurs personnes m'ont rapporté ces propos et le directeur de cabinet du maire m'a informé personnellement. J'ai pesé le pour et le contre, j'en ai discuté avec ma famille et j'ai décidé de déposer plainte. La procédure est lancée et je ne ferai pas de commentaires.

a expliqué ce jeudi matin par téléphone Martin Arnout qui ne comprend pas ce qu'on lui reproche. Pour l'instant, aucune plainte n’a été déposée concernant cette affaire de violences sexuelles.

Également contactée par téléphone, Laurianne Deniaud ne veut pas s'exprimer.

Tout est dans le communiqué. La seule qui peut parler en mon nom c'est mon avocate Anne Bouillon -  Laurianne Deniaud

L'avocate nantaise spécialisée en droits des femmes n'était pas joignable ce jour.

Un climat délétère à dix mois des élections municipales

Comment continuer à travailler sereinement dans un tel climat ? Les petites phrases et regards de travers pourrissent l'ambiance dans les couloirs de la mairie, d'autant plus que ces deux adjoints sont deux piliers de la majorité, ils traitent des dossiers lourds.

Le maire David Samzun est embarrassé. Il parle d'une affaire privée sans nier que cela a des conséquences politiques. Ce jeudi matin il s'est exprimé sur le compte Twitter de la mairie de Saint-Nazaire.

Déclaration de David Samzun, maire de #SaintNazaire au sujet de l'affaire qui oppose plusieurs élu.e.s de la majorité ➡ https://t.co/OejMtBNYtA pic.twitter.com/nXhLxYm4Lg

— Saint-Nazaire (@VilleStNazaire) 30 mai 2019

Lorsque j’ai été saisi de rumeurs d’abus sexuels au sein de l’équipe municipale, j’ai invité toute personne qui serait en difficultés de ce fait à s’entourer de toutes les formes de conseils et d’accompagnements disponibles et à déposer plainte auprès des services de police ou de gendarmerie. 
J’ai par ailleurs décidé, en avril dernier, de saisir Madame la Procureure de la République de cette situation (...) A la faveur de nouveaux éléments survenus au début du mois de mai, j’ai décidé de revenir vers elle. Elle m’a fait savoir en retour qu’elle allait immédiatement diligenter une enquête. (...)  La Justice étant saisie, il appartient aux parties de s’expliquer devant elle. Je ne ferai donc aucun commentaire sur un contentieux qui ne concerne pas les affaires communales. - David Samzun, maire de Saint-Nazaire

Lors de son dépôt de plainte pour diffamation au commissariat de police de Saint-Nazaire, Martin Arnout a fourni des témoignages écrits. David Samzun a également transmis des éléments. Depuis, Laurianne Deniaud a été auditionnée plusieurs heures à la gendarmerie, à qui l’enquête a été confiée. 

Voilà une affaire dont se seraient bien passés les socialistes nazairiens à moins d'un an des élections municipales.

Aux élections européennes c'est la liste La République En Marche qui est arrivée en tête dans la ville, devant Europe Ecologie Les Verts et le Rassemblement National. Les socialistes alliés à Place Publique de Raphaël Glucksman sont arrivés quatrième avec 10.6% des suffrages. 
 

Ils ne nous feront pas taire

Dix élus du conseil municipal sur 49 ont pour l’instant signé ce communiqué.
Six adjoints : Fabrice Bazin (EELV) ; Pascale Hameau (EELV) chargée du développement durable ; Gaëlle Bénizé-Thual (PS) chargée des sports ; Laurianne Deniaud, première adjointe ; Régine Le Bail (PS), solidarité et affaires sociales ; Yvon Renévot (PC). Et quatre conseillers municipaux : Hervé Braire (PS), Gaëlle Betlamini-Da Silva (PS), Catherine Rougé (PC) et Sarah Trichet-Allaire (EELV).