On les dit repliés sur eux même, indifférents à la politique, et pourtant, voici cinq lycéens rencontrés au hasard à la cité scolaire de Saint-Nazaire. La ville des grands navires en acier favoriserait-elle l'éclosion de jeunes différents, sensibles aux questions du vivre ensemble, à ce qui fonde la citoyenneté, à ce qui fait société ? Pour ces cinq là, assurément oui.
Les lycéens, drôles de citoyens ! Plus vraiment ados, pas encore adultes, pas encore majeurs et donc pas encore électeurs, ou bientôt majeurs et futurs électeurs. Dans cet entre-deux inconfortable, que voudraient-ils dire aux candidats à l’élection présidentielle, qu’attendent-ils du prochain quinquennat ? Ces cinq copains que nous avons rencontrés sont étonnants !
La cité scolaire à Saint-Nazaire, comme un village dans la ville, avec son avenue principale, ses immeubles épars entourés de vastes pelouses. Ceux des années 1960 parallélépipédiques, ceux des années 1990 cylindriques. On y réunit l’ensemble des enseignements, généraux et techniques, plus de 3500 élèves étudient et vivent ici, nombre d’entre eux sont pensionnaires.
Dire les mots des maux
Voici, Mathéo, Marvin, Luis, Mathéo et Évan, cinq élèves de STI2D, pour Sciences et techniques industrielles en développement durable. Entre la cantine et la reprise des cours, ils répondent chaque mardi aux questions de Adeline Champ, journaliste à La Tribu, la radio des jeunes de Saint-Nazaire. "Un moyen de réfléchir à voix haute, et d’exprimer ses doutes ses appréhensions du monde", précise Adeline, "ils ont terriblement besoin de parler entre eux et surtout aux adultes".
Elle ajoute : "on ne mesure pas combien l’époque est difficile pour eux". La journaliste qui travaille à leur contact toute l’année relève que "le nombre de jeunes en difficultés psychologiques explose, scarifications, tentatives de suicide, quasi impossibilité de trouver un thérapeute, c’est vraiment inquiétant tant ils sont mal".
De quoi on parle ?
Pour Ma France 2002, la conversation s’installe sur cette question, qu’auraient-ils à dire aux candidats à l’élection présidentielle s’ils en avaient un, une, là devant eux ?
La question les déroute, mais les intéresse, ils n’ont pas 18 ans et seul Luis les aura juste avant le premier tour. Mathéo dit rapidement ne pas se sentir concerné. Évan cadre les choses : "Ça dépend du candidat, avec l’un on aborderait des questions d’insécurité, avec l’autre des questions d’environnement par exemple, ou alors on les ferait sortir de leurs thèmes de prédilection ?"
Insécurité, environnement sont donc des thèmes dont ils parlent. En dépit de leur cursus de formation, seul Évan se dit "franchement préoccupé par la santé de la planète". Ses quatre copains plutôt moins. Les questions de société les rassemblent.
"De quoi on parle entre nous", s’interroge Marvin ? "L’insécurité, le pouvoir d’achat, en fonction du moment de l’année". Ah bon, il y a une saisonnalité des débats ? "Oui, reprend Marvin, les préoccupations ne sont pas les mêmes d’une manière continue". Le jeune homme ne va pas plus loin. Dans sa vie de pensionnaire, il ne perçoit sans doute pas le bruit de la vie politique et médiatique de la même façon. D'une manière générale, ils se disent peu attentifs aux propositions des partis politiques.
Voter ? Oui bien-sûr !
Et eux, s’il pouvaient voter en avril, le feraient-ils ? "Oui !", la réponse fuse, unanime, joyeuse et parfaitement synchrone. Luis : "J’aurai 18 ans d’ici là et je vais aller voter, c’est un droit et un devoir, mon frère ainé ne veut pas, mais avec ma sœur nous sommes bien décidés. Des gens se sont battus pour obtenir le droit de vote. C’est ma mère qui nous a expliqué pourquoi il fallait s’emparer de cette question qui fonde la citoyenneté".
Aller voter tous sont d’accord, mais pour qui ? Marvin a le regard qui brille,
Nous voulons la Paix. Mais les gens votent par rapport à leur vécu, et c’est souvent pour les extrêmes
Marvin, lycéen à Saint-Nazaire
Mathéo, le premier, s’interroge, "mais que veulent faire et que peuvent faire les extrêmes une fois élus ?" La question ne trouve pas de réponse dans le petit groupe.
Le retour du service militaire
Et c’est Évan, enfoncé dans le canapé, qui fait dévier la discussion, sans crier gare. Il aborde la question du service militaire ! La guerre en Ukraine rode dans tous les esprits, mais pour lui la question n’est pas celle-là. Il se redresse, devient volubile, quand il raconte son expérience personnelle toute neuve. "Il faudrait revenir au service militaire je pense, j’ai fait le SNU à Sablé-sur-Sarthe, (Service national universel), c’est une occasion de rencontrer des gens qu’on ne connait pas, dont on ne soupçonne pas l'existence".
Évan, déjà sapeur pompier volontaire, s’explique : "Je veux devenir pompier de Paris,
je voulais découvrir le cadre militaire, et je réalise que j’ai découvert les différences des individus qui fondent la société
Évan, lycéen à Saint-Nazaire
Luis approuve, "c’est une bonne occasion de voir autre chose, de bouger, de rencontrer les autres". Dans leurs familles, on leur a parlé de ce creuset, qui permettait de croiser les classes sociales, et cette idée fait sens pour eux.
Vivre ensemble
Les positions des partis politiques leur importent peu. Tous les cinq expriment à leur manière, un besoin de faire société, de faire cohésion, de coopérer, étonnant tant on nous dit que les jeunes seraient individualistes, repliés sur eux-mêmes.
C’est l’heure de la reprise des cours, ils attrapent leur sac, et partent au long de l’avenue, on entend crier des mouettes, le large n’est pas loin. D’ailleurs, à l’entrée de la cité scolaire, on trouve trois (petites) cheminées de paquebots, identifiables au premier coup d’œil, Normandie, France et Queen-Mary 2, sont l'Histoire de la ville et de son chantier naval.
À Saint-Nazaire, cette cité scolaire a été voulue en 1959, comme un projet social, et politique finalement. Assurément, elle continue de jouer son rôle. Permettre de devenir citoyen et favoriser le vivre ensemble. Ces cinq là sont déjà en sur le bon chemin.
Qui a répondu à la consultation #MaFrance2022 ?
Vous avez été 1 million à participer à cette consultation lancée le 25 août dernier par France Bleu et la plateforme citoyenne Make.org, en partenariat avec France 3 Régions,
47% des participants sont des hommes contre 44% de femmes et 2% de non-binaires (la population française est composée à 47% d'hommes et 51% de femmes et 2% de non-binaires).
34 000 propositions citoyennes ont été recensées. Parmi elles, 12 priorités ressortent pour la Présidentielle. Arrivent en tête la démocratie et les institutions avec 26% des propositions puis le pouvoir d'achat à 13%, devant l'écologie à 12%.