Saint-Nazaire : Abdul, frère d'arme afghan oublié de tous

Abdul était interprète pour l'armée française en Afghanistan. Après le retrait des troupes, il a attendu un visa durant sept années, alors qu'il était menacé de mort. Il est arrivé l'été dernier en France avec femme et enfants mais la galère ne s'est pas pour autant arrêtée.

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Ils sont nombreux à avoir épaulé l'armée française pendant le conflit armé en Afghanistan, interprètes, chauffeurs, cuisiniers... Menacés par les Talibans dans leur pays, beaucoup fuient.

Abdul est arrivé en juillet dernier sur le sol francais, après des années de galère pour obtenir un visa.

Dans leur chambre d'hôtel, les cinq membres de la famille Sattari ont posé leur vie entière. Sans ressources ni aides de l'Etat, ils vivent difficilement à Saint-Nazaire grâce à la solidarité de particuliers. 

Trois mois de galère... Début novembre, Abdul et sa famille ont obtenu un logement chauffé, décent, sans l'aide de l'Etat là non plus.
 

Menacé de mort dans son pays

Inimaginable pour Abdul. Cet interprète a passé sept ans auprès de l'OTAN et de l'armée française. Comme lui, ils sont 800 à avoir aidé les forces militaires jusqu'en 2014, pour combattre les Talibans. Depuis, l'ancien salarié de l'armée francaise est menacé de mort dans son pays.

"C'était dur, vraiment pas facile pour nous, le danger était permanent", explique Abdul Sattari, "c'était trop difficile de rester dans le pays". Les menaces qui planaient sur Abdul et sa famille étaient devenues trop fortes. On l'accusait d'être "l'espion de l'OTAN, l'espion de l'armée française".
Des engins explosifs ont été placés à proximité de sa maison, l'un de ses fils a reçu des menaces à l'école. "Si on te trouve, on te tue toi et toute ta famille", "on sait qui tu es, on va te tuer", Abdul a également reçu des dizaines de coups de téléphones anonymes. 

Une menace permanente, difficilement identifiable.

"Quand ils ont quitté l'Afghanistan, les Français nous l'ont promis : "Ok, nous vous faciliteront les procédures d'immigration pour émigrer d'Afghanistan en France", se rappelle Abdul, "en fait, ils n'ont pas tenu leur promesses".

On avait la même cible, les mêmes ennemis, qu'est ce que ça veut dire ? - Abdul Sarrati

"J'ai fait le boulot qu'ils m'ont demandé. On avait la même action, la même activité, au bénéfice de l'armée française", "je ne vois pas pourquoi ils ont fait des différences entre certains interprètes", s'interroge Abdul.
 

Une vie à reconstruire

Sept ans plus tard, la famille vient d'obtenir son visa, mais rien d'autre. Sans ressources, sans aucun contact, les Sattari peuvent maintenant compter sur des particuliers.

"Qu'on puisse laisser les gens dans un tel dénuement et livrés à eux-même, alors que ça se passe à 10 kilomètres de chez nous, on ne peut pas détourner les yeux", explique Frédéric Pineau qui, avec une quarantaine d'autres personnes, aide les Sarrati, notamment dans leurs démarches administratives.

"On est dans un cas très particulier d'un salarié de l'armée francaise qui arrive là dans l'indifférence générale", "on ne pouvait pas les laisser avec cette image des Français, au-delà de l'aide de l'Etat, on voulait qu'ils rencontrent ce pays", poursuit Frédéric.

Un élan de solidarité, impulsé par ce message posté sur Twitter. Quentin Muller a passé deux jours aux côtés de la famille Sarrati, l'aidant à demarrer une procédure de demandeur d'asile.

Sur les réseaux sociaux, Quentin Muller, auteur d'un livre sur le cas de ces interprètes afghan, les Tarjuman en langue Dari, alerte. Depuis le mois de mai, l'Etat ne les prend plus en charge. 

Dans un arrêté du 1er février dernier, le Conseil d’État avait pourtant rappelé à l'ordre le gouvernement sur la question de l’accueil des interprètes afghans ayant servi l’armée française. 

Le ministère de la défense a peur que le cas afghan devienne un précédent pour les autres théâtres d'opération - Quentin Muller, auteur de "Tarjuman, enquête sur une trahison française"

En Afghanistan, plusieurs dizaines d'anciens salariés de l'armée attendent toujours. De son côté, la famille Sattari, avec ses trois garçons âgés de 18, 25 et 27, ans espère bientôt reconstruire une vie.



 

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