Hors service depuis qu'il a été heurté par un navire au mois de juillet, le pont levant du Petit-Maroc, à Saint-Nazaire, est en chantier. Coupés du reste de la ville, plusieurs heures par jour et par intermittence, les habitants du quartier témoignent de leur galère au quotidien.
"Dimanche, en rentrant du marché, je suis restée bloquée trois quarts d'heure devant le pont tournant, avant de pouvoir rentrer chez moi, c'est un truc de fou." fulmine Nadine, qui habite au Petit-Maroc. Franchement dans le quartier la colère monte, ça nous pourrit le quotidien et aux yeux de la mairie c'est simple, on n'existe pas !".
Le quartier du Petit-Maroc, le plus ancien de Saint-Nazaire, est depuis la fin du mois de juillet quasiment coupé du reste de la ville.
Le pont levant, principal axe de circulation et de communication entre ce bout du port et le centre-ville, est en travaux.Ce ne sont pas en soi les réparations engagées qui dérangent les quelques 300 habitants du quartier, mais bien plutôt le silence des autorités quant à la durée du chantier. Car au quotidien, aller et venir au Petit-Maroc est devenu un parcours du combattant.
Une course d'obstacles pour aller et venir
Cernés par les écluses et les ponts, les habitants sont tributaires de la vie du Port.Ils le savent, ils l'acceptent, c'est même ce qui les a séduit quand ils sont venus s'installer ici.
Ce qu'ils aiment, c'est habiter un bout du monde, dans un quartier atypique où l'on vit au rythme des horaires de marées et des fluctuations des bateaux, petits ou gros, qui rentrent ou sortent des bassins. Mais pas sans issues !Seulement voilà, depuis que le pont levant n'est plus que levé, les alternatives pour aller travailler, se rendre à l'école, faire ses courses sont minces et particulièrement contraignantes. Surtout depuis la rentrée.
Il y a le pont tournant, que j'appelle le pont de la discorde tellement la cohabitation devient difficile entre les piétons, les vélos et les voitures, et le pont du Pertuis qui était en travaux depuis plus d'un an, qui est à présent en test, mais qui n'est accessible qu'en semaine aux heures de bureaux, de 8h à 17h." détaille Christophe un autre habitant du quartier."Il y a trois possibilités : passer par les chantiers mais là, vous faites un détour de 7 à 8 kilomètres pour vous rendre juste de l'autre coté du bassin, et ça c'est quand l'écluse fortifié n'est pas fermée !
À l'entrée du chenal, le pont tournant, est pris d'assaut
Les anecdotes sur les dysfonctionnements du pont tournant, notamment, s'accumulent. "Notre fils est arrivé en retard à son devoir de maths l'autre jour, et encore heureusement qu'une voisine l'a amené en voiture. Tout le monde calcule ses trajets en croisant les doigts pour ne pas être bloqué, c'est vraiment handicapant au quotidien ", raconte Sophie."Et c'est sans compter la dangerosité de ce passage, ajoute Christophe. la marche est très haute quand on est piéton, le revêtement en galva est glissant, le trottoir hyper étroit, moi j'accompagne mes enfants et je les fais traverser pour être sûr qu'il n'arrive rien ! ".
"C'est vrai, pour les piétons c'est pas large, on ne peut même pas tenir un enfant par la main ! et puis vous verriez les embouteillages le matin, renchérit Nadine, comme le pont du Pertuis est fermé au moment de l'embauche, tous les gens passent par là pour aller bosser, c'est infernal !".
Beaucoup se demandent pourquoi la passerelle de service, passerelle piétonne du pont levant, qui est indépendante de la structure principale, n'est pas mise en service "ce n'est pas la première fois qu'il y a des travaux sur le pont levant...De tous temps les Petits Marocains la prenaient à pied pour accéder "au continent". Là, le port nous en interdit l'accès au prétexte que ce n'est pas sécurisé, que quelqu'un pourrait tomber à l'eau: mais ça ne s'est jamais produit et le pont tournant vers lequel on nous oriente est bien plus dangereux !" explique Nadine.
"Le plus grave, c'est pour nos commerçants"
Si la situation est loin d'être simple pour les habitants, elle n'est pas non plus invivable..."en revanche pour nos commerçants c'est dramatique soupire Sophie. Il y avait déjà eu le confinement et là pendant l'été le flux touristique s'est tari puisque plus personne ne pouvait accéder à notre quartier. Entre la panne de pont et une signalétique inexistante, les touristes ont eu vite fait de se détourner du Petit-Maroc".Dans ce quartier, la crêperie, les deux bars et la pizzéria ont vu leur clientèle fondre, et leur chiffre d'affaires avec...
"Christine, du bar de la Marine a multiplié les initiatives pour contrer la baisse de fréquentation. Par exemple, les mercredis et les samedis matin, un pêcheur vient vendre du poisson devant son bar (il n'a pas été autorisé à vendre sur le quai par le Port !), le dimanche il y a un ostréiculteur...mais ça ne fait pas tout !" raconte encore Sophie.
Que font les autorités ?
Le sentiment d'isolement, d'abandon même disent certains, est renforcé par les attitudes respectives du Port et de la mairie de Saint-Nazaire."C'est sidérant d'indifférence" souligne Christophe."C'est simple on n'existe pas, on nous ignore",
"Aucun élu n'est venu pour prendre la température, entendre les propostions des habitants. Pour la mairie, comme on vit sur l'emprise du port, elle considère que c'est de sa responsabilité...quant au port, il ne communique pas...tout le monde se renvoie la balle et nous on est pris dans l'étau...franchement ils pourraient tous être un peu plus arrangeants, un peu plus conciliants." ajoute Guillaume.
Et pourtant, des suggestions pour améliorer le quotidien, les habitants du Petit-Maroc n'en manquent pas :
"Pourquoi ne pas faire venir une épicerie ambulante pour permettre aux personnes agées notamment de s'achalander près de chez elles ?"
"Et si l'on mettait en place un car de ramassage scolaire pour amener les enfants en centre-ville ?"
"On pourrait aussi envisager qu'un petit bateau à passagers fasse l'aller-retour plusieurs fois dans la journée pour rallier les deux rives du bassin, (comme ça se fait au Pouliguen, la Turballe (Pen Bron) ou aux Sables (La Chaume) "...
"Ne pourrait-on pas envisager d'indemniser les commerçants pour leurs pertes ?"
Autant de questions que nous aurions aimé soumettre aux principaux interessés mais jusqu'à maintenant, ni les services de communication du port, ni ceux de la mairie ne nous ont recontacté.
Pas d'échéance non plus quant aux travaux du pont, prévus initialement jusqu’à la mi-novembre, dont on pressent, au train où vont les choses, qu'ils pourraient bien s'éterniser.