Vingt-cinq ans du naufrage de l'Erika. 26 et 27 décembre 1999, les premières nappes de fioul touchent la Loire-Atlantique et la Vendée

Le 12 décembre 1999, le pétrolier Erika fait naufrage au large des côtes bretonnes et provoque une marée noire jusqu'en Vendée et en Loire-Atlantique. Retour sur cette catastrophe qui fait désormais partie de la mémoire collective.

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Il y a vingt-cinq ans, le joli tableau que forme habituellement Noël avait été noirci sur la côte atlantique. 

Le 12 décembre 1999, Erika, un bateau pétrolier parti de Dunkerque se brise au large de la Bretagne.

Une dizaine de jours plus tard, des premières galettes de fioul touchent les premières côtes du Finistère jusqu'à, petit à petit, souiller les plages de Loire-Atlantique noyées sous des litres de pétrole.

Retour en date sur ce triste anniversaire qui a toutefois le mérite d'avoir fait reconnaître l'existence d'un "préjudice écologique" pour la première fois en France.

7 décembre 1999, le départ

Ce jour-là, 30 884 tonnes de fioul lourd sont chargées à bord de l’Erika, à Dunkerque. Le bateau est affrété par Total pour livrer Enel, en Sicile. Malgré des conditions météorologiques difficiles (vents violents, vagues jusqu'à 6 m), le navire appareille le 8 décembre.

À son bord, 26 membres d'équipage.

11 décembre 1999, les premiers signaux

Trois jours après son départ, l'Erika, commence à gîter de 15 degrés à tribord vers 12 h 40. Cela oblige l’équipage à rééquilibrer les ballasts (réservoir d'eau de grande contenance).

L’avarie est signalée au Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) d'Étel (Morbihan) vers 14 h, mais le navire déclare rapidement maîtriser la situation. Cependant, des fissures importantes sont détectées sur le pont, et une partie du fioul se déverse dans les ballasts.

En milieu d'après-midi, l’Erika met le cap sur Donges, mais s’expose à une houle plus forte en approchant des côtes. Les autorités françaises sont informées tardivement des fissures, et Donges refuse l’accueil en raison de risques environnementaux.

12 décembre 1999, le naufrage

Dans la nuit du 12 décembre 1999, l’état de l’Erika se dégrade rapidement.

À minuit passé, le navire gîte à nouveau et les fissures s'aggravent, entraînant des fuites de fioul. Plus tard, le commandant lance un message de détresse signalant une voie d’eau et demande l'évacuation.

C'est vers 8 heures que l’Erika se brise en deux, à 30 milles au sud de Penmarc’h, en Bretagne. Le fioul se déverse.

26 et 27 décembre, du pétrole en Loire-Atlantique et Vendée 

Ce dimanche 26 décembre, le littoral de Loire-Atlantique est touché par l'arrivée des premières boulettes.

Le lundi 27, une nappe de pétrole s’échoue sur une plage à Noirmoutier. Une marée noire investit ainsi la côte atlantique, de la Bretagne à la Vendée. 

Une cinquantaine de chantiers de dépollution sont alors organisés. Les agents communaux sont réquisitionnés et des bénévoles s’inscrivent dans les mairies. Ils nettoient les plages et récupèrent également des milliers d'oiseaux mazoutés. 

Cette marée noire provoque un véritable désastre écologique. On estime qu'entre 150 000 et 300 000 oiseaux ont péri, et des mois de travaux ont été nécessaires pour nettoyer les côtes de toute pollution.

14 janvier 2000, un premier rapport

Quelques semaines après le naufrage, un premier rapport d'enquête est remis au gouvernement Jospin.

Ce document de soixante pages a été rédigé sous la direction de Georges Touret, alors administrateur général des Affaires maritimes, et Jean-Louis Guibert, alors secrétaire général de l'Institut français de navigation. 

Il montre que l'une des citernes du pétrolier était dévorée par la corrosion. Le rapport disculpe l’équipage et pointe les défaillances des armateurs, de l’affréteur et du contrôleur.  

1ᵉʳ avril 2000, une manifestation pour la mer

L'ampleur des dommages du naufrage est énorme et choque la France.

Le 1er avril 2000, plus quatre mois après la catastrophe, au moins 3 000 personnes ont défilé de la tour Montparnasse jusqu’au ministère des transports pour réclamer des actions contre la pollution maritime.

Ils demandent à l'État de nettoyer les côtes avant l'été et d'indemniser les professionnels touchés (pêcheurs, ostréiculteurs, hôteliers). Ils exigent aussi la création d'une cellule de crise, le pompage des hydrocarbures, et des mesures contre les rejets illégaux, incluant un organisme de contrôle indépendant, des certificats de dégazage et plus d'experts européens.

"Au-delà de ces mesures, il faut tout faire pour qu’une telle catastrophe ne se reproduise pas", rapporte également l'Association des bénévoles de l'Erika sur leur site web. 

12 février 2007, ouverture du procès

Après sept années d'enquête, le procès du naufrage de l'Erika s'ouvre le 12 février 2007 devant le tribunal correctionnel de Paris. 

Ils sont quinze sur le banc des accusés. Parmi eux : le capitaine, le propriétaire de l'Erika et les dirigeants de Total qui avaient loué ce navire.

Quarante-neuf témoins et experts et une cinquantaine d’avocats sont également réunis. 

Le procès est aussi marqué par la présence de candidats à la présidentielle et de personnalités politiques, en particulier de communes touchées par la catastrophe. On y trouve notamment Philippe de Villiers, alors président du Mouvement pour la France et du Conseil général de Vendée, mais aussi Allain Bougrain-Dubourg, le président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO).

En première et deuxième instance, le propriétaire du navire et Total sont lourdement condamnés à verser des dommages-intérêts dont une partie au titre du préjudice écologique, mais un pourvoi en cassation est formé.

25 septembre 2012, Total reconnu coupable

Après plusieurs années de procédures, le 25 septembre 2012, la chambre criminelle de la Cour de cassation rejette totalement le pourvoi et confirme la responsabilité de Total.

Le principe du préjudice écologique est également validé. Celui-ci avait été évalué par l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) à hauteur de 371,5 millions d'euros en 2006.

Le groupe pétrolier a ainsi été condamné à une amende pénale de 375 000 € et à verser 200 millions d'euros de réparations civiles.

À noter que c'est la première fois en France que l'existence d'un préjudice écologique est soulevée. Il donne ainsi notamment droit à réparation aux associations de défense de l'environnement. 

Et, désormais, il apparaît dans l'article 1247 du Code civil. Cette décision sans précédent a donc aussi provoqué un petit raz de marée juridique.

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