La cigogne est une espèce dynamique et elle a colonisé ces dernières années toutes les zones humides de Loire-Atlantique. Il faut dire que la nourriture y est bonne et en abondance depuis l'arrivée de l'écrevisse de Louisiane notamment, qui a envahi les marais et les abords du lac de Grand-Lieu.
"L'homme est un super prédateur pour les animaux, celui qui a peur c'est l'oiseau. Il y a bien des exceptions. Avec un ours, je serais sans doute moins confiant. Les cigognes n'attaquent pas les humains. Mais il faut se méfier de certains volatiles moins faciles. Les hérons par exemple n'hésitent jamais à frapper d'un grand coup de bec."
À genoux dans l'herbe, Jean-Yves Brié, bénévole à l'association pour la connaissance et la recherche ornithologique de Loire-Atlantique, est en train de baguer deux cigogneaux. Les oisillons sont doux et tranquilles, pas affolés du tout. Il faut dire que le passionné sait s'y prendre. Il fait cela depuis bientôt vingt ans.
Un nid perché à 10 mètres de hauteur
Et grimper haut ne lui fait pas peur. Ce matin là, pour aller chercher les bestiaux il faut monter à plus de 10 mètres. L'opération doit permettre l'identification de chaque spécimen.
À Brains, dans cette prairie pâturée, les oiseaux ont niché sur un poteau désaffecté. "Il faut approcher en douceur. Je vais monter à l'échelle et descendre les petits pour les baguer." Mauvaise surprise dans le nid, un cadavre. "Quand il y a un manque de nourriture c'est toujours le plus petit qui meurent. Il est parfois jeté par dessus bord par les autres voire même par les adultes". Les oisillons qui restent, ceux de la dernière portée sont descendus, encordés dans un confortable panier en osier.
En réalité les oisillons sont stressés "mais ils font les morts", explique très sérieusement Jean-Yves Brié. Effectivement pas un frémissement, pas un tremblement, pas une plume ne bouge.
Allongés sur une couverture, les oiseaux encore couverts d'un juvénile duvet, se laissent faire sans broncher. Tout est mesuré, les pates, les ailes, la tête le bec. "Cela fait partie du protocole", précise le bénévole. "Cela permet de suivre l'évolution de l'animal. Les bagues qui normalement restent en place à vie sont facilement lisibles à la lunette."
Les bêtes sont aussi pesées. 1,9 kilos pour l'une d'entre elles. L'analyse de sang permettra de définir le sexe et d'éventuelles traces de polluants.
"Je pensais trouver des cigogneaux plus gros. Visiblement on est sur une nichée tardive. Quand j'ai commencé à baguer en 2005 on avait bagué un ou deux nids en mai. Là fin mai, on en avait déjà fait la moitié. Les oiseaux arrivent de plus en plus tôt. Les éclosions sont plus précoces qu'auparavant", remarque Jean-Yves.
La cigogne, une espèce dynamique
Chaque année au mois de juin, les bénévoles de l'association pour la connaissance et la recherche ornithologique de Loire-Atlantique organise une opération de baguage des cigogneaux. Depuis les années 2000, l'oiseau migrateur est en pleine expansion démographique sur le département.
L'augmentation importante des populations dans l'Europe de l'ouest, en France et sur la façade Atlantique serait aussi liée au changement de comportement migratoire .
"Aller en Afrique, au sud, c'est extrêmement périlleux. Elles ne sont pas protégées. Le voyage est très fatigant. Le danger est partout. Donc l'explosion démographique des cigognes serait due au fait qu'elle se soient adaptées en raccourcissant leur voyage."
Désormais elles ne déplacent que vers l'Afrique du nord ou l'Espagne. "Chez les adultes un peu âgés, certaines restent ici, pour passer l'hiver", précise Jean-Yves Brié.
Ce sont des oiseaux qui vivent longtemps et qui sont capables d'apprendre. Ils peuvent se rendre compte que finalement aller très loin, ce n'est peut-être pas la meilleure solution pour survivre l'hiver
Jean-Yves BriéBénévole à l'ACROLA
Arrivées en 1989
Elles sont arrivées chez nous en 1989. À cette époque là, les hommes leur prêtaient main forte pour accompagner leur atterrissage en fabriquant des plateformes. "Nous construisions un mât avec un support. On y ajoutait quelques branches. Les cigognes ont très vite adopté ces sites. Il y en a aujourd'hui une quarantaine dans le département. Désormais, elles sont suffisamment nombreuses pour se débrouiller toutes seules."
Les nids sont devenus naturels, la plupart sont dans les arbres. D'autres, plus gênants, sur les lignes à haute tension. 100 ont été répertoriés. "C'est dangereux pour les oiseaux et en cas d'incidents électriques ça pose des problèmes."
Les cigognes restent des animaux sauvages . "La plupart du temps la seule chose à faire, c'est de les laisser tranquilles. Si l'oiseau est blessé on peut l'attraper. Il faut alors prévenir les gardes de l'Office Français de la Biodiversité. Ils sont les seuls autorisés à les déplacer. Les oiseaux, en cas de blessures ou de maladies, sont transportés au centre Oniris, le centre de soin de la faune sauvage à Nantes.
Et pour la petite histoire contrairement à ce laisse entendre la légende, non les grands oiseaux ne vivent pas toute une vie en couple. "Ils sont fidèles à un site de reproduction pas à un ou une partenaire. Au printemps tous et toutes sont pressés de se reproduire", conclut le bénévole.