C'est une situation à laquelle beaucoup peuvent être confrontés : être appelé à payer l'hébergement en maison de retraite de leurs parents. Cela est arrivé à une habitante du Maine-et-Loire à la situation tout à fait particulière : son père, désormais âgé, est aussi le meurtrier de sa mère.
Lorsque Françoise Le Goff ouvre sa boite aux lettres le 21 novembre 2018, un courrier retient tout particulièrement son attention.
Il s'agit d'une lettre envoyée par le conseil départemental du Maine-et Loire et dans laquelle il lui est demandé de participer aux frais d'Ehpad pour son père, meurtrier de sa mère.
"Au moment où j'ai ouvert la lettre, j'ai su que je ne paierai rien. Il était hors de question que je verse un seul centime pour ce géniteur qui nous avait enlevé note mère", explique Françoise Le Goff, " c'est juste inconcevable, c'est juste pas possible".
"On vous rejette tout ce passé à la figure"
Ce jour de 1982, Françoise assiste au meurtre de sa mère par son père.
36 ans après, cette lettre envoyée par le conseil départemental du Maine-et Loire, l'a bouleversé.
"Soit, c'est la loi, et il y a l'article 207 (cf encadré en bas de page, NDLR) que l'on pouvait saisir" reconnaît Françoise Le Goff mais "on s'immisce dans la vie des gens qui ont déjà un passé, une histoire horrible" et, avec un simple courrier "on vous rejette tout ce passé à la figure en vous disant : payez !"
Mais pour le conseil départemental, l'envoi de cette lettre était tout à fait justifié d'un point de vue légal. Car dans la grande majorité des cas, il revient aux enfants de payer pour leurs parents.
"La règle c'est celle de l'obligation alimentaire" par les enfants lorsque des "parents ne peuvent pas financer eux-même d'hébergement dans un Ehpad, par exemple", précise Antoine Danel, directeur général adjoint au développement social et solidarité au Conseil départemental du Maine-et-Loire.
Ce courrier du conseil départemental du Maine-et-Loire "était une demande d'information de façon à statuer sur cette demande d'aide sociale de ce monsieur", poursuit Antoine Danel.
Quelques jours plus tard, Françoise a finalement reçu un mail l'informant que, dans son cas, sa famille n'aurait pas à satisfaire cette obligation alimentaire.
Mais pour éviter ce genre de mésaventures à d'autres familles, Françoise Le Goff continue à mener son combat, notamment à travers sa pétition, qui a déjà recueilli près de 3 000 signatures.
Elle espère grâce à sa pétition rencontrer des députés pour faire changer la loi avec 3 propositions principales, car , actuellement, l’article 207 ne peut être invoqué qu’à partir du moment où l’enfant reçoit une lettre lui demandant de subvenir aux besoins de ses parents.
- Françoise Le Goff se bat pour que l'article 207 puisse être invoqué à "n’importe quel moment de la vie, au moment où la personne s’estime prête".
- Elle propose également un fichier national pour inscrire les parents indignes, ce qui éviterait que les enfants concernés reçoivent cette lettre.
- Pour les mineurs, la déchéance des droits parentaux n’est pas liée à l’obligation alimentaire et d’hébergement. Ce qui signifie qu’actuellement, même s’il y a déchéance des droits parentaux, un enfant aura toujours cette obligation alimentaire envers ses parents. Françoise Le Goff propose donc que cette déchéance des droits parentaux soient liées à l’obligation alimentaire et d’hébergement.
► Le reportage de notre rédaction
Obligation alimentaire, que dit la loi ?
L'article 205 du code civil indique que "les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin".Cette obligation alimentaire à double sens s'applique des parents aux enfants, des enfants aux parents, ainsi qu'entre époux. Le personne bénéficiaire de cette obligation alimentaire doit être dans le besoin.
Cependant, l'article 207 du code civil peut exonérer les enfants de cette obligation, dans le cas, notamment, de maltraitance des enfants par leurs parents ou si celui qui demande de l'aide a gravement manqué à ses obligations envers la personne à qui la loi réclame de l'aide.