"C'est comme si on l'encourageait à devenir délinquant" : des patrons angevins en pénurie de main d'œuvre malgré des candidats issus de l'immigration

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Ismaël ivoirien arrivé en France en 2016 travaille comme cuisinier dans un restaurant d'Angers mais la préfecture lui refuse un titre de séjour
Des entreprises angevines se retrouvent face à une pénurie de main-d’œuvre. Elles ont pourtant des volontaires pour travailler, pour certaines formées dans des établissements d'apprentissage mais qui ne peuvent pas postuler, faute de titres de séjour. ©France 3 Pays de la Loire

C'est l'une des propositions de la loi sur l'immigration qui fait débat et divise la classe politique : la création d'un titre de séjour accordé dans les métiers en tension. Face à une pénurie de main-d’œuvre, des travailleurs étrangers hors UE ne peuvent postuler, faute de titre de séjour. Situation vécue à Angers, à travers le parcours de deux jeunes employés dans l'hôtellerie-restauration.

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Depuis un an et demi, Ismaël a trouvé sa place dans les cuisines de ce restaurant.

Arrivé à Angers en 2016 comme mineur isolé, cet ivoirien a été embauché ici, après un CAP.

De quoi espérer sereinement décrocher un titre de séjour.

Un permis de séjour refusé

Et pourtant la préfecture lui a refusé, considérant que sa situation n'était pas stable.

"Je travaille pas dans le noir avec mon patron. Il me déclare, j'ai mon bulletin de salaire. Il fait les cotisations de sécurité sociale, il fait tout. J'ai le document qu'il faut pour obtenir un titre de séjour. Mais c'est très difficile" avoue Ismaël.

C'est pas un bras de fer entre moi et la préfecture. Ou bien la sous-préfecture, je ne sais pas. Ce n'est pas un bras de fer, mais c'est juste... Je suis fatigué. J'ai tous les documents... je suis fatigué

Ismaël

Travailleur en attente de régularisation

Le patron d'Ismaël, qui préfère rester anonyme, peinait à recruter un cuisinier supplémentaire.

En parallèle des démarches de régularisation, il l'a donc engagé sans attendre à temps plein en CDI.

Un patron obligé de licencier

"Si la réponse est négative, je vais malheureusement être obligé de ne pas garder Ismaël dans mon établissement" avoue le restaurateur.

"Pour moi, ça va me faire un manque puisque je vais avoir un cuisinier de moins. Il va falloir que je retrouve quelqu'un d'autre et c'est toujours très compliqué" poursuit-il.

"Et pour le jeune, je le mets dans l'embarras parce qu'il a un loyer à payer" constate avec impuissance le patron d'Ismaël.

C'est comme si on l'encourageait à devenir un délinquant. Parce que s'il ne peut plus travailler, qu'est-ce qu'il a comme moyen?

Le patron d'Ismaël

restaurateur anonyme

Un boulot précaire pour survivre

Des travailleurs étrangers sans papiers contraints d'exercer dans l'illégalité, alors même qu'ils doivent justifier d'une activité professionnelle pour être régularisés.

Une situation qui conduit bon nombre d'entre eux à effectuer des petits boulots, mal considérés, comme la livraison de repas à domicile.

"C'est un peu la double peine" constate le responsable CFDT du Maine-et-Loire, il est également coordinateur du Collectif de l'union des livreurs indépendants à vélo.

Non seulement ils sont dans une situation de précarité, avec des conditions de travail, de rémunération qui sont quand même très compliquées, mais en plus, ça ne leur permet même pas d'acquérir des papiers demain, puisque la préfecture considère que ce n’est absolument pas suffisant.

Antoine Lelarge

Responsable CFDT 49 et coordinateur collectif union des livreurs indépendants à vélo

Le Graal grâce à la patronne de l'hôtel

Certains ont la chance de voir aboutir ce parcours du combattant.

Hadiyetou, 21 ans, a intégré un hôtel angevin à la suite d'un stage. Un premier "vrai" travail depuis qu'il a quitté le Mali en 2018.

Mais il aura fallu la persévérance de sa direction pour qu'il décroche enfin une autorisation.

"On a eu un refus à un moment donné, ça c'était en avril 2023, et on n'a pas souhaité s'en tenir là" explique Carole Jouan, la directrice générale de l'Hôtel d'Anjou.

"On n'a pas souhaité stopper les démarches qu'on avait déjà entreprises depuis plusieurs mois" ajoute-t-elle.

On a persévéré, on a mis d'autres personnes dans la boucle et en fait ça a porté ses fruits. Au moment où on ne s'y attendait plus, on a obtenu le document, le Graal.

Carole Jouan

directrice générale de l'Hôtel d'Anjou.

Après de longues années sans ressource, malgré le soutien d'une famille d'accueil, Hadiyetou occupe désormais un poste rémunéré à 35h.

La fierté de travailler

"C'est un grand soulagement parce qu'en France, quand tu ne travailles pas, ce n'est pas possible d'avoir un titre de séjour" témoigne Hadiyetou.

Quand tu travailles, tu gagnes ton propre argent, ton propre salaire. C'est mieux, tu es autonome. Tu fais des choses que tu aimes. Donc c'est important de travailler.

Hadiyetou Traoré

travailleur régularisé

Fier de montrer son titre de séjour, valable pour une année et qu'il espère pouvoir renouveler, Hadiyetou, veut désormais obtenir un autre sésame : le permis de conduire.

Article écrit avec le reportage de Eric Aubron et Laurence Couvrand, montage Nicolas Guilbaud.

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