Yannick est parti de bonne heure ce mercredi matin avec son sac à dos et ses bâtons de marche nordique. L'homme est décidé à ne pas se laisser dicter sa conduite par la maladie qui l'affaiblit, un cancer de la prostate. Il dit même l'avoir apprivoisée.
"Pour aller au Mont Saint-Michel à pied, précise Yannick, c'est 170 kilomètres par les routes mais par la voie Plantagenêt, c'est 270 km."
La voie Plantagenêt, c'est un peu la voie des pèlerins qui vont, non pas à Saint-Jacques-de-Compostelle en Espagne, mais au Mont Saint-Michel, en Normandie.
"C'est 100 kilomètres, de plus, des tours et des détours, prévoie-t-il. Il faut suivre les rivières, il faut s'écarter le plus possible des axes routiers, sinon ça n'a pas d'intérêt."
Les étapes feront en moyenne 25 kilomètres, jamais plus de 30.
"La marche, c'est un excellent compromis"
"C'est tout à fait acceptable, estime modestement le marcheur, puisque ça fait quatre à cinq heures de marche que l'on peut faire en une seule traite ou en deux parties. J'ai choisi de me lever à 5 h, de plier tout et d'être prêt à partir à 6h pour marcher jusqu'à midi et puis l'après-midi sieste, comme ça je serai frais et dispo pour repartir le lendemain matin."
Parce que Yannick Sourisseau, 68 ans, marche avec un sac très lourd, plombé par un cancer qu'on lui a diagnostiqué il y a quatre ans. Une tumeur sous la prostate qui affecte son système urinaire et son système osseux. C'est inopérable lui a-t-on dit. Avant les étapes de son pèlerinage vers le Mont Saint-Michel, Yannick a donc suivi celles de l'oncologie. Une chimiothérapie et une hormonothérapie.
Mais pas question de se laisser vaincre sans livrer combat. Et Yannick le sait, l'activité sportive lui permettra d'allonger son espérance de vie.
"Les médecins m'avaient conseillé dès le départ de faire du sport, se souvient Yannick, et j'ai trouvé que c'était bénéfique. La marche, c'est un excellent compromis, ça fait fonctionner tous les muscles du corps."
Au delà de cette lutte personnelle contre le cancer, Yannick Sourisseau, qui est aussi président de l'association qu'il a créée à Angers, Cancer Osons qui soutient les hommes touchés par un cancer spécifiquement masculin (prostate, testicule...), a souhaité porté aussi un message.
"Dire à tous ceux qui sont dans la même situation que moi, témoigne-t-il, de continuer d'avoir une activité physique. C'est ce que je fais, je bouge, je n'ai pas envie de rester chez moi à attendre que la maladie devienne plus invalidante et ne me permette plus de faire cette activité."
"Plus on en parle, plus on se sent bien dans sa tête"
Les cancers masculins qui affectent les fonctions sexuelles sont un peu tabous. On en parle peu.
"J'ai envie d'en parler, j'en parle au travers d'une association Cancer Osons, et plus on en parle, plus on se sent bien dans sa tête." affirme-t-il.
Ce jeudi matin à 6h30, Yannick a mis ses grosses chaussettes, lacé ses chaussures de marche et soulevé son sac pour le porter à ses épaules. De Saint-Melaine-sur-Aubance à quelques kilomètres d'Angers, au Mont Saint-Michel, il y aura une dizaine de jours.
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"Est-ce que j'ai le mental pour le faire"
Et ensuite, imagine-t-il, le combat se poursuivra avec le chemin de Compostelle, peut-être début 2022. Un mois et demi de marche, 1500 kilomètres. Le parcours vers le Mont Saint Michel sera un premier test.
"Pour voir si je peux tenir seul, face à moi-même, dit-il. Est-ce que j'ai la capacité physique malgré ma maladie pour le faire ? Est-ce que j'ai le mental pour le faire ? Ça va être une bonne expérience."
Yannick sait bien que ce qui l'attend est peut-être sombre. Il imagine un fauteuil roulant ou une évolution vers la phase terminale. Mais il croit aussi à la force de la volonté.