Le groupe Lo'Jo vient de sortir son 19ème album "Terres Fauves" où se mêlent rythmes et mots du monde entier. Rencontre avec Denis Péan le chanteur et âme créatrice du groupe alors qu'il démarre le passage de la caravane Lo'Jo dans la région.
"Vouloir être de son temps c'est déjà être dépassé", disait le metteur en scène Ionesco dans une saillie verbale que ne renieraient certainement pas le groupe Lo'Jo et son âme de vagabond musical toujours alerte malgré 40 ans de scènes et de voyage.
"Je me nourris de tout, et rester quelque part, pour moi, est presque aussi riche que d'aller ailleurs", lance Denis Péan avec sa propension à n'être jamais vraiment là où on l'attend.
Le mouvement est lié ailleurs que dans les kilomètres, il est en soi. Dans la faculté de l'intelligence, aussi, d'étudier, d'analyser, de décrypter, d'observer, de traduire en poésie.
Denis Péanchanteur de Lo'Jo
"Fleurs fauves", c'est le nom du petit dernier qui compte 11 perles chantées en français, mais aussi en créole et en une langue unique crée par ce magicien des mots et ce poète de l'intemporel qu'est Denis Péan.
Un exemple valant mieux que mille mots voici le clip du premier titre 'Mandiego" qui devrait ravir les néophytes et contenter les aficionados du groupe.
Après de nombreuses années passées en communauté artistique dans leur ferme de Murs-Erigné près d'Angers (qu'ils ont quitté en 2018), la tribu lo'Jo s'est retrouvée un autre lieu de vie pas si lointain, aux Ponts-de-Cé, dans la maison de Denis, où est aménagé un studio.
"J'aime les disques, j'aime le travail de laboratoire", confesse Denis Péan.
J'adore composer les premières notes. J'aime ça, même si c'est quelquefois un gouffre de solitude. J'aime ce moment-là.
Denis Péanchanteur du groupe Lo'Jo
Une solitude peuplée de ses comparses de presque toujours : au chant les soeurs Nadia et Yamina El Mourid et au violon Richard Bourreau.
Sur le disque, d'autres collaborations artistiques se nouent et permettent des dialogues où l'amour des mots se fait plus que jamais majuscule.
Comme sur "Viens" avec l'artiste congolais Jupiter Bokondji Ilola, du group Jupiter & Okwess.
Aller vers l'autre
Continuer à prêcher la poésie et l'amour du voyage vers l'autre en 2024, en puisant son inspiration dans le monde entier alors que partout sur terre c'est la guerre ou les catastrophes naturelles qui dominent ne semble pas insurmontable au poète angevin.
"Il y a presque une défiance politique à faire ça" assume Denis Péan. "À un moment donné où on déteste son voisin et que tout étranger est suspect, moi, j'honore l'étranger, j'honore l'autre, je lui donne sa place qui est égale à la mienne", continue le créateur de Lo'Jo.
Dans la situation, je respecte celui qui passe et je lui parle. Et j'essaie, si je peux, de l'aider. Donc, c'est une posture politique, oui, de parler de nous autres, de faire avec les autres. Plus ils sont différents, plus ça m'intéresse.
Denis Péanchanteur de Lo' Jo
Tout au long de ces 11 titres, dans une langue poétique et une scansion qui lui est unique, Denis Péan déroule un imaginaire qui se joue des frontières.
Et ne s'extrait pas du monde dans lequel il vit. Au contraire.
"La colère, c'est un exutoire, elle peut-être utile comme la fièvre" analyse Denis Péan. "Kolère, avec un K, c'est l'écriture créole pour colère. Ce sont Nadia et Yamina qui ont composé cette chanson", rajoute-t-il.
"Ce sont des êtres sensibles, absolument touchés par la souffrance des autres, et par l'abus permanent de l'homme puissant sur les autres", conclut Denis Péan.
Le temps suspendu de la scène
Groupe aux albums foisonnants, c'est bien sûr en spectacle qu'il convient d'apprécier Lo'Jo, la richesse sonore et les textures de ses instants hors du temps.
"Le moment où on met les pieds sur la scène, on ne pense plus à rien", détaille le patriarche de la tribu Lo' Jo.
" Il nous vient les chansons qu'on a sous les doigts puisqu'on les a composées, les paroles qui nous viennent dans la bouche. Il n'y a plus aucun temps pour la réflexion", rajoute avec gourmandise Denis Péan.
On est livré complètement à l'instant. Il nous dépasse. Il nous engage à être nous-mêmes. La musique ne ment pas à ce moment-là. Elle nous dépasse.
Denis Péanchanteur de Lo' Jo
Magie du web, voici la première traçe audiovisuelle du groupe, alors nommé Lo'Jo' Triban, exhumée des archives de l'INA.
Lors d'un numéro de feu l'émission "Tremplin" daté du 18 octobre 1986, le groupe nous invite déjà dans une transe musicale.
Toujours en avance d'une époque, l'âme créatrice du groupe avoue déjà penser à la suite. "Je suis en train de penser au prochain album. Ça m'obsède, en fait", continue Denis Péan.
Lorsqu’on évoque la durée de Lo Jo et l'éventualité d'un album particulier (le vingtième) voire la célébration d'un anniversaire, la réponse se fait, comme à l'accoutumée, poétique et cosmopolite.
"Je me souviens de cette façon de faire des aborigènes qui se moquaient de notre façon occidentale de fêter l'anniversaire", raconte-t-il.
Les aborigènes font quelque chose quand ils sentent qu'ils ont évolué, quand ils ont gagné sur leurs défauts, leur vie. Ils font une fête plutôt qu'un anniversaire. Alors peut-être qu'on fera une fête quand on se sentira soulagés de tous nos poids.
Denis Péanchanteur de Lo'Jo
Les Lo'Jo sont à découvrir sur scène en concert ce 15 octobre à Rezé (La Soufflerie), le 23 octobre à l'Ile d'Yeu en Vendée (pour le Festival les Berniques en Folie) et le 8 novembre à Angers (au Grand Théâtre d'Angers).
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