Le Mans : des journalistes entendus comme témoins sur le vol d'un portrait de Macron

Depuis février, 29 portraits du présidents ont été "réquisitionnés" dans les mairies par un mouvement écologiste. Au Mans, deux journalistes ayant couvert l'action viennent ont été convoqués par la gendarmerie, dans l'enquête sur "infraction de vol en réunion ».

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Il ne s'agit malheureusement pas d'un poisson d'avril. Deux journalistes ont reçu une convocation à la gendarmerie du Mans, pour avoir, samedi 23 mars, couvert l'action #SortonsMacron des militants d'ANV-COP 21. Ce matin-là, les militants avaient décroché, puis emmené le portrait d'Emmanuel Macron de la mairie de Rouillon dans la Sarthe, afin de protester symboliquement contre l'inaction climatique et sociale du gouvernement.

"Du jamais vu" selon le SNJ 

 
Nos deux confrères, un journaliste du Maine Libre, de même qu'un correspondant local du quotidien Ouest France, ont été convoqués pour une audition libre dans le cadre d'une enquête. Contacté par le Syndicat National des Journalistes, le parquet du Mans a confirmé ces deux convocations, ajoutant qu'il souhaitait également entendre une journaliste de la télé locale, n'ayant à cette heure, pas reçu de convocation.

Dans un premier temps, mardi, Bruno Mortier, journaliste au Maine Libre avait reçu une convocation spécifiant qu'il était "soupçonné d'avoir
commis ou tenté de commettre l'infraction de vol en réunion
". 
"Du jamais vu" s'indigne le communiqué du SNJ, première organisation de la profession en France, qui  "apporte son soutien plein et entier à son confrère ainsi qu’au correspondant local de presse qui ont couvert la manifestation dans le cadre de leur mission d’informer." Une heure avant l'audition, deux gendarmes se sont à nouveau présentés au domicile de Bruno Mortier, pour lui présenter une nouvelle convocation selon laquelle, cette fois, il devait être entendu comme "témoin" dans le cadre d'une enquête pour vol en réunion. 
"J'ai une carte de presse depuis 38 ans, et c'est la première fois que l'on me fait ce coup-là", s'est étonné le journaliste du Maine-Libre auprès de l'AFP.

Ces investigations qui visent des journalistes font suite à 45 auditions, 23 gardes à vues, et 17 perquisitions chez des militants à travers toute la France, alors que le bureau de lutte antiterroriste a été saisi contre l'action de l'ANV-COP21.

Entamée le 21 février dernier, la campagne #SortonsMacron a "réquisitionné" 29 portraits du président dans les mairies. "Cette action fait suite à l'Affaire du Siècle, ce recours en justice contre l'Etat et pour le climat, qui a déjà recueilli plus de deux millions de signature. Notre association ne fait pas partie de celles qui ont lancé le projet, mais nous les soutenons, et nous avons été marqués par l'attitude méprisante du gouvernement vis à vis de ce recours. La France n'est pas à la hauteur des enjeux.", explique Rémi Donaint, de la branche nantaise de l'ANV-COP21. "Nous étions également choqués par l'absence de réponse face au mouvement social des gilets jaunes."


Les portraits de Macron emmenés à la rencontre des réalités


Le vol des portraits présidentiels a, pour les militants, deux objectifs : laisser un vide dans les mairies pour marquer l'inaction du gouvernement. Mais également, emmener symboliquement Emmanuel Macron à la rencontre des réalités climatiques et social. Ainsi, les portraits ont déjà réalisé une dizaine de sorties, sur le chantier du grand contournement ouest près de Strasbourg, ou récemment, dans un cinéma où les militants de l'ANV-COP 21 ont installé l'effigie d'Emmanuel Macron devant le film "J'veux du soleil" du député France Insoumise François Ruffin, sur le mouvement des gilets jaunes.


5 gardes à vue dans les Pays de la Loire


Dans les Pays de la Loire, des portraits ont été décrochés et emmenés par les militants à Saint-Sébastien-sur-Loire, Ancenis, Trélazé, et Rouillon, près du Mans. À Nantes, 4 personnes ont été auditionnées, deux militants placés en garde à vue, deux autres à Ancenis, et à Angers, un membre du mouvement a été retenu 24 heures dans une cellule de garde à vue.

"Il s'agit clairement d'une répression", commente Rémi Donaint, militant nantais lui-même auditionné dans le cadre de l'enquête pour vol en réunion du portrait présidentiel de la mairie de Saint-Sébastien-sur-Loire. "Ce qui paraît absurde, c'est que les pouvoirs publics mettent plus de moyens et d'énergie à essayer de retrouver ces portraits qu'à essayer de respecter l'engagement climatique pris lors de la COP 21, ou à répondre à la colère sociale qui s'exprime dans la rue avec les gilets jaunes. On a l'impression que le pouvoir perd les pédales face à ce type d'action. Contrairement aux manifestations violentes, il ne peut pas répondre par la force, mais il ne peut pas non plus ignorer ces actions comme il le fait pour une pétition."


Un mouvement né de la COP 21


Né en 2015, l'année de la COP 21, le mouvement s'intitule Action Non Violente-COP 21, et a été conçu comme la branche activiste d'Alternatiba, dont l'objectif est de montrer aux citoyens les pratiques alternatives et écologiques près de chez eux. L'année de sa création, l'ANV-COP 21 s'était notamment fait connaître par des "fauchages" de chaises dans des agences bancaires, pour protester contre les paradis fiscaux. Quelques procès pour vols en réunion avaient suivi, et s'étaient terminés sur un acquittement et quelques amendes.

Pour l'heure, 4 procès sont prévus, le 28 mai à Bourg-en-Bresse, le 26 juin à Strasbourg, le 02 septembre à Lyon et le 11 septembre à Paris pour les vols de portraits présidentiels.
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