La loi interdisant l'utilisation d'animaux sauvages dans les cirques et spectacles itinérants attend d'être votée par le Sénat. Mais une fois validée par les deux assemblées, il faudra trouver des lieux d'accueil. Il n'en existe que trois en France, dont le Refuge de l'Arche, à Château-Gontier.
Moment délicat ce mardi matin au refuge de l'Arche. Dans la loge des fauves, un lion, Safran, vient d'être transféré d'un autre refuge, Tonga Terre d'accueil, dans le Rhône.
Naïva, la lionne déjà présente au Refuge de l'Arche, doit se faire à la présence de ce nouveau mâle, et vice versa.
Après, ils vivront, on l'espère, sereinement, dans ce lieu imaginé il y a plus d'un demi-siècle par Christian Huchedé pour accueillir des animaux sauvages exotiques, abandonnés ou saisis sur décision de justice, notamment pour maltraitance.
Implanté sur 22 hectares à Château-Gontier-sur-Mayenne, le Refuge de l'Arche dispose de deux structures.
Un centre de sauvegarde des animaux sauvages de la faune locale. Ce sont, pour la quasi totalité, des animaux apportés par des particuliers parce qu'ils sont blessés.
Parfois, les promeneurs font aussi l'erreur d'amener un animal, jeune, qu'ils ont cru abandonné par sa mère alors que celle-ci se trouvait probablement non loin de là.
Protéger la biodiversité
Entre 800 et 1000 animaux : chouettes, hiboux, hérissons, écureuils, renards... sont accueillis ici chaque année pour y être soignés puis, s'ils vont mieux, il sont ensuite relâchés dans la nature. Souvent, les blessures (choc avec un véhicule, avec un pylône...) sont trop graves et on estime que 50% des animaux confiés au refuge décèdent.
C'est cette idée de protection de la biodiversité qui a animé Christian Huchedé (qui vit toujours sur place) puis sont fils Yann et, depuis janvier 2021 dernier, Hugues Lemercier qui est le nouveau directeur des lieux.
L'autre mission du Refuge de l'Arche, c'est l'accueil d'animaux sauvages exotiques qui lui sont presque exclusivement confiés suite à une décision de justice.
En ce moment, le refuge attend le délibéré d'un tribunal concernant deux ours saisis chez un dresseur accusé de maltraitance. Les ours Bony et Franca. Les deux animaux ont été confiés provisoirement au Refuge de l'Arche en attendant une décision définitive. L'un des deux a été transféré dans un refuge similaire, en Allemagne.
Il y a aussi le léopard Dakar, trouvé dans le Périgord, probablement échappé d'un cirque.
1300 animaux sauvages exotiques, dont beaucoup d'oiseaux, ont trouvé ici le moyen de terminer leur vie, nourris, logés, soignés et sans l'obligation de faire des cabrioles ou de rugir sur commande.
Rien d'autre qu'un zoo finalement. Et non ! Hugues Lemercier refuse cette dénomination. D'abord, parce qu'il s'agit d'accueillir des animaux en danger, mais pas seulement.
"Ici, on ne fait pas se reproduire les animaux et ils peuvent se cacher, précise Hugues Lemercier, on ne ferme par leurs loges en journée pour qu'ils soient visibles du public, contrairement aux zoos."
Quand on parle de reproduction à des fins de réintroduction dans la nature, comme le revendiquent certains parcs, Hugues sourit : "A quoi ça sert de vouloir remettre des orangs-outans dans un endroit où son environnement a été détruit ?"
Le Refuge de l'Arche a été contacté par le Ministère de la transition écologique pour connaître ses capacités d'accueil, pour le cas où la loi sur l'interdiction des animaux sauvages dans les cirques itinérants serait adoptée par le Sénat après l'avoir été en janvier par l'Assemblée Nationale.
Entre 1000 et 1500 animaux de cirque
Car, si la loi est votée, ce sont au moins 1000 animaux de cirque ou de spectacles itinérants, qu'il faudra reloger dans un proche avenir. Et ce n'est que l'estimation basse, les chiffres ne sont pas très précis. Or, Hugues a rapidement fait le calcul, sa structure actuelle ne lui permet de n'accueillir que deux fauves supplémentaires.
"On a budgété un bâtiment pour accueillir vingt félins, dit-il, c'est un million d'euros, plus 250 000 € par an de fonctionnement jusqu'à la mort des félins qui ont peut-être une dizaine d'années à vivre encore."
Et dans la conversation téléphonique qu'il a eue avec le Ministère, le patron du Refuge de l'Arche n'a pas entendu de proposition d'aide.
"C'est bien de faire passer une loi, fait remarquer Hugues, mais derrière, comment on fait ?"
Ce que Hugues Lemercier craint, c'est que si rien n'est fait pour multiplier les places dans les refuges, les animaux interdits de présentation dans les cirques itinérants risquent d'être revendus dans d'autres pays ou de nourrir des trafics pour leur peau, leurs dents, leurs griffes...
Et ensuite ? Quels animaux on trouvera dans les cirques, des lamas, des chameaux, des autruches ? Le problème de la maltraitance sera-t-il vraiment réglé ?
Les financements du Refuge de l'Arche
Le Refuge de l'Arche appartient à l'association CEPAN, Centre d'Etude et de Protection des Animaux et de la Nature. Elle est financée par les entrées payées par le public (49% du budget), des aides régulières de la communauté de communes du Pays de Château-Gontier, des aides du Département de la Mayenne et de la Région des Pays de la Loire.
Le refuge vit aussi grâce aux dons et aux legs.